12 avril 2012

Visite au Mémorial de l’abolition de l’esclavage (1) : il faut savoir souffrir pour être moche

Du Mémorial de l’abolition de l’esclavage, les commentateurs vantent en général les bonnes intentions, ce qui leur évite d’évoquer ses aspects matériels. Car ce site peu remarquable donne l’impression que la grande cause à laquelle il est dédié a été traitée à l’économie. Il a pourtant coûté presque 8 millions d’euros. Il ne les fait pas : Nantes n’en a pas pour son argent.

Commençons par la surface ; on parlera du sous-sol plus tard. L’esplanade du Mémorial remplace un ancien parking et son béton tout bête en garde quelque chose. On pourrait se dire qu’elle a l’avantage d’exister. Ce n’est même pas certain : son seul agrément visuel est la Loire. Pour qui voulait longer le fleuve, le parking d’autrefois faisait aussi bien l’affaire ; à regarder l’eau, on ne voyait pas les autos.

L’esplanade est coupée dans le sens de la longueur par les fameuses lames de verre. Il paraît qu’elles sont un exploit technique. Elles n’en ont pas l’air. Ce long plan incliné de couleur indéterminée, nu comme la main, suggère quelque vocation industrielle inaccomplie, des capteurs solaires à l'état cadavérique, ou peut-être l’amorce d'un skate-park inachevé, d’autant plus que le traitement de ses extrémités a manifestement été bâclé.

En bout d’esplanade, un modeste parallélépipède abrite un ascenseur. Son béton brut de décoffrage évoque lui aussi un travail mal fini. Ça n’est même pas naturel, car on n’utilise plus de banches en planches depuis longtemps. Pour que l’édicule ressemble à un blockhaus du mur de l’Atlantique, il a fallu utiliser un moule spécial. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Au-delà de l’esplanade, une allée bétonnée en zig-zag a été substituée à la promenade piétonne rectiligne d’autrefois. Il n’est pas dit que ce soit un progrès. Des arbres ont été plantés mais il faudra du temps pour qu’ils remplacent, s’ils y parviennent, le bel ensemble de magnolias qui encadrait la maison de la mer Daniel Gilard. Naguère, l’endroit comportait aussi un joli jardinet fleuri encadrant une allée pavée ornée d’un impressionnant mortier. Disparu, le mortier.

On a semé d’un bout à l’autre du site deux mille plaques de verre portant des noms de ports et de navires négriers. À défaut d’être spectaculaire, ce dispositif anecdotique est distrayant pour qui est prêt à cheminer courbé en deux afin de lire les noms du Bienfaisant, de La Clarisse ou de La Levrette. Une promenade à faire au plus vite, car ces plaques semblent destinées à mal vieillir. Déjà peu lisibles, elles ont tendance à s’opacifier sous l’effet du piétinement.

Bref, le site vu de dehors n’a ni la majesté d’un monument, ni l’amabilité d’un jardin.

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Visite au Mémorial de l'abolition de l'esclavage

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2 commentaires:

  1. Bonjour,
    J'ai lu votre article et une petite rectification est nécessaire du fait que le béton de coffrage bois est encore fréquemment utilisé... Je suis désolée mais cet article n'est pas convaincant.
    Cordialement

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  2. Merci de votre attention. Les banches en bois demeurent courantes mais il s'agit presque uniquement de coffrages en contreplaqué. L'utilisation des planches est rarissime et réservée à des cas complexes, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.
    Cela dit, ce débat technique n'a pas lieu d'être à propos du Mémorial : l'effet planches a été obtenu à l'aide d'un moule en silicone. Je suis désolé mais vous étiez juste mal informée !

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