26 avril 2013

Le Voyage à Nantes bidonne en langues étrangères

Le Voyage à Nantes vient d’éditer un beau dépliant quadrilingue en couleur pour les Machines de l’île. Le texte reprend les argumentaires en vigueur depuis 2007. On y lit par exemple ceci :
Sur le dos de l’Éléphant, vous êtes comme au 4e étage d’une maison qui se déplace, avec vue « imprenable » sur le site des anciens chantiers navals.
Hélas, voici ce que donne cette phrase dans la version anglaise :
From the back of the Elephant, you have a «breathtaking» view over the site of the former shipyards, facing the house where Jules Verne was born.
 
Comme chacun sait, Jules Verne was born dans l’île Feydeau, 4 rue Olivier-de-Clisson. Aucune chance d’apercevoir sa maison natale depuis l’éléphant. Or ce n’est pas une erreur ponctuelle due à un traducteur anglais trop imaginatif. En espagnol, on lit :
Sobre el lomo del Elefante se disfruta de una magnífica vista en el emplazamiento de los antiguos astilleros, frente a la casa natal de Julio Verne.
Et en allemand :
Vom Rücken des Elefanten aus haben Sie einen beeindruckenden Blick auf die alten Schiffswerften und die ehemalige Werftzone, genau gegenüber dem Geburtshaus von Jules Verne.
Le bidonnage semble donc volontaire. Abuser de la crédulité des étrangers en leur faisant prendre des vessies pour des Jules Verne, ce n’est pas joli-joli.

20 avril 2013

Bolopoly (10) : le Pipame, est-ce pipo ?

Le pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques (Pipame), dont le secrétariat général est assuré par la sous-direction de la Prospective, des Études économiques et de l’Évaluation (P3E) de la direction générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services (DGCIS) au sein du ministère du Redressement productif
[...déjà cinquante mots pour la carte de visite...
permettez que je reprenne mon souffle.....]
 
 
[...hhh ...hhh]
 
deux copieux documents dont les auteurs remercient une ribambelle de Nantais : Pascal Bolo, adjoint au maire, Patrick Forgeau, conseiller du maire, Jacques Stern, directeur général du Crédit Municipal, etc. Ils remercient aussi un petit nombre d’experts au nombre desquels Pierre Traska, présenté comme le représentant de RES.

RES, on le sait, est l’un des modèles cités par Nantes Métropole pour son projet de monnaie complémentaire SoNantes piloté par MM. Bolo, Forgeau et Stern. On imagine que ces derniers ont au minimum croisé M. Traska dans les couloirs de Bercy.

Or, on l’a déjà dit, RES a annoncé en 2012 avoir « dû arrêter sa collaboration avec Monsieur Traska ». À la date de la publication des deux études du Pipame en partie inspirées par lui, cet « expert »  ne représentait plus RES depuis un bout de temps déjà.

On s’étonne d’ailleurs de l’audience obtenue par cet étrange expert. Cinq minutes de recherches sur internet suffisent pour découvrir que M. Traska, comme on l’a signalé ici en novembre 2012, a dirigé un nombre respectable d’entreprises mises en faillite pour insuffisance d’actif dans les secteurs les plus divers (librairie, commerce de gros, lavage automobile, restauration rapide, conseil en gestion). Aujourd’hui dirigée par madame Traska, la société de gestion de fonds RES France est en liquidation judiciaire depuis le 9 mars 2011. Un RES Multimédia est aussi en liquidation judiciaire depuis juin 2012. On a les experts qu’on peut.

18 avril 2013

Bolopoly (9) : on paiera en SoNantes plutôt qu'en NantCoin

Annoncé pour début 2013, le nom de la future monnaie locale nantaise a enfin été dévoilé le 17 avril. SoNantes. Drôle de nom, tant la rime avec « trébuchantes » est téléphonée. Notre monnaie ne part seulement en retard, elle part du mauvais pied, comme naguère Le Voyage à Nantes. Du mauvais pied, mais pas vite : le lancement était prévu en juin prochain, il attendra mai 2014.

SoNantes (ou So Nantes) a déjà pas mal servi comme titre d’une exposition artistique, d’une émission de radio et d’un blog (celui d’une journaliste nanto-bulgare de la radio locale Eur@adio Nantes ; mais comme celle-ci ne vit que de subventions versées principalement par la ville de Nantes et par Nantes métropole, tout devrait s’arranger). C’est aussi le nom de chœurs hongrois et polonais.

On a déjà signalé ici les faiblesses du projet. Tournons-nous un instant vers les autres. Sept exemples, nous dit le site officiel Une monnaie pour Nantes, ont « éclairé la réflexion nantaise ». Où en sont ils à ce jour ?
  • La barre des 100.000 livres déposées sur des comptes en Bristol Pound (1 BP = 1 £) a été passée début avril ; cela représente en moyenne un peu plus de 23 pence par habitant.
  • Dix ans après leur création, 650.000 Chiemgauers (1 Chiemgauer = 1 euro) circulent en Bavière. Ils sont utilisés par 3.000 personnes, soit 0,66 % de la population concernée.
  • Le Retz’l a été lancé le 15 avril dernier et il est donc trop tôt pour faire le point (c’est sans doute en éclaireur qu’il a « éclairé la réflexion nantaise »). On peut se le procurer dans trois « comptoirs de change » : le fleuriste Floridée et Le Petit atelier Safishop, aux Couëts, et la Ferme de La Ranjonnière, à Bouguenais.
  • Le Sol-Violette toulousain a été lancé en mai 2011 par l’association Folies (sic). Six mois plus tard, le système comptait 10.104 sols en circulation (1 sol = 1 euro). Il n’a pas été publié de bilan plus récent, mais le blog qui relate l’activité du Sol-Violette est en sommeil depuis août 2012.
  • Le WIR suisse demeure le vaisseau amiral des monnaies locales. La banque qui le gère est depuis longtemps devenue une banque normale et travaille trois fois plus en franc suisse qu'en WIR (1 WIR = 1 CHF). À fin 2012, elle affichait un total de crédits de 2,67 milliards de francs suisses (en hausse de 10 %) et de 855,3 millions de WIR (en baisse de 3 %).
  • Le RES belge existe depuis une quinzaine d’années et poursuit son chemin, bon an mal an. Il s’est récemment implanté en Catalogne. En revanche, avouent ses animateurs, « Le projet RES France n’a malheureusement pas été un succès. RES a dû arrêter sa collaboration avec Monsieur Traska, et recherche actuellement un autre partenaire pour la France ».
  • Le Galléco, monnaie départementale d’Ille-et-Vilaine (1 Galléco = 1 euro), n’est pas encore lancé. L’éclairage qu’il a pu apporter à la « réflexion nantaise » est obscur.

17 avril 2013

Nantes, capitale verte : (4) la Cantine du dévoyage*

Le Voyage à Nantes annonce la sortie du programme Green Capital 2013 pour le 31 mai, six mois après la remise du flambeau à la ville. On espère qu’il sera dense, pour rattraper le temps perdu. L’un des dispositifs les plus spectaculaires sera la Cantine du Voyage : un vaste restaurant de 400 couverts aménagé au Hangar à bananes. Voilà de quoi éclairer les restaurateurs nantais, si jamais ils s’étaient imaginé que Le Voyage à Nantes était au service de l’écosystème touristique local !

Cette Cantine ne sera pas comme en 2012 un espace ouvert à tous les vents : c’est une impressionnante structure métallique qu’on est en train d’ériger sur le quai des Antilles. De quoi installer un vrai restaurant avec vue sur Loire face à la butte Sainte-Anne, et pas une simple guinguette. Le budget n’a pas été clamé sur les toits mais se chiffre sûrement en centaines de milliers d’euros. Tout cela pour quatre mois de fonctionnement, du 1er juin au 30 septembre.
En l’absence de tout permis de construire affiché, on suppose en effet que cette construction est régie par l’article R421-5 du code de l’urbanisme, qui autorise pour « la durée d'une manifestation culturelle, commerciale, touristique ou sportive, dans la limite d'un an, […] les constructions ou installations temporaires directement liées à cette manifestation ». Après quoi « le constructeur est tenu de remettre les lieux dans leur état initial », ce qui va encore coûter un paquet au contribuable.

Une question se pose quand même. La Cantine figure certes dans le programme Green Capital, mais fait-elle vraiment partie des « constructions ou installations temporaires directement liées à cette manifestation » ? Créé par la Commission européenne, le prix Green Capital est décerné à une ville qui
  • Respecte constamment des normes environnementales élevées,
  • Poursuit en permanence des objectifs ambitieux d’amélioration de l’environnement et de développement durable,
  • Peut servir de modèle pour les autres villes et promouvoir les bonnes pratiques à l’intention de toutes les autres cités européennes.
Qui prétendra que construire un vaste bâtiment pour une durée de quatre mois obéit à des normes environnementale élevées, répond à un objectif ambitieux de développement durable et donne le bon exemple aux autres villes ? Green Capital n’y trouve pas son compte. Le Voyage dévoie l’esprit du prix.
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* Certes, il faut écrire « dévoiement ». Mais que ne ferait-on pour une rime ? Si Victor Hugo a pu inventer Jérimadeth, on peut bien inventer un dévoyage...

10 avril 2013

Lobbying pour NDDL (9) : reculer pour mieux décoller

« Quand on veut enterrer un problème, on crée une commission », disait Clemenceau. La Commission du dialogue sur le futur Aéroport du Grand Ouest apparaissait comme une parfaite application de ce principe. À première vue, le résultat était acquis d’avance. On sait qu’à Nantes, le mot « dialogue » est en général utilisé par antiphrase : il signifie que la décision est déjà prise. Et puisque l’aéroport était « futur », il n’était pas conditionnel.

La Commission désignée par le Premier ministre a fait le job : son rapport ne conteste pas le projet de Notre-Dame-des-Landes. Mais, pas aussi loufoque que le livre de Jacques Auxiette, il ne peut dissimuler les imperfections de ce projet mal ficelé -- que des esprits moins pondérés appelleraient sans doute des arguments spécieux, voire de purs mensonges.

Soucieux comme il est de moraliser la vie publique, le gouvernement sera bien obligé d’en tenir compte. Les ajustements réclameront un certain temps. Le problème sera enterré pendant, disons, quinze mois. Puis, comme un zombie, l’aéroport ressurgira à l’été 2014. Quelle chance, il n’aura pas empoisonné la campagne des élections municipales !

08 avril 2013

Les ronds des hérons

« Ne pas faire l'Arbre aux hérons casserait complètement la dynamique des Machines », assurent MM. Delarozière et Orefice dans un article de 20 Minutes signé Frédéric Brenon. « La Galerie qui lui est consacrée n'aurait aucun sens. » D’où cette question : quelle tête de linotte a bien pu décider d’aménager une Galerie dont le sens est suspendu à une décision future très incertaine ? À moins que ce choix n’ait visé à forcer la main de la municipalité nantaise...

Et à propos, n’est-il pas étonnant de voir M. Orefice, directeur d’un équipement financé par les contribuables et géré par une SPL dans le cadre d’une délégation de service public, chercher à faire pression sur les pouvoirs publics ? Ses royalties de co-inventeur l’amèneraient-elles à mélanger les hérons et les serviettes ?

Mais revenons à l’Arbre. Il coûterait, nous dit-on, 35 millions d’euros. Ses promoteurs espèrent qu’il ferait passer la fréquentation des Machines des 600.000 billets vendus escomptés en 2013 à 1 million après 2019. Au tarif plein de 8 euros, ces 400.000 visiteurs supplémentaires représenteraient une recette de 3,2 millions d’euros par an. Cela ne couvrirait même pas l’amortissement sur une période classique de dix ans, sans parler de payer le personnel, l’énergie, les assurances, etc. En fait, pour couvrir le seul coût de la construction, il faudrait déjà onze ans de recettes à plein tarif !

Or, quelques considérations aggravantes s’imposent :
  1. Une partie seulement des visiteurs paient plein tarif. En particulier, les visites scolaires représentent une fraction importante de la fréquentation des Machines hors saison.
  2. Environ la moitié des visiteurs viennent de l’agglomération nantaise. Ils paient donc deux fois, comme clients et comme contribuables.
  3. L’objectif des 400.000 billets vendus n’est validé par rien. MM. Delarozière et Orefice citent en exemple l’Atomium de Bruxelles. Il a enregistré 530.000 entrées l’an dernier. Mais l’agglomération de Bruxelles, presque deux fois plus peuplée que celle de Nantes, est autrement mieux placée pour capter les visiteurs internationaux.
  4. Le budget initial du Carrousel des mondes marins s’élevait à 6,4 millions. La construction a finalement coûté 10 millions (+ 56,25 %). Avec un dérapage analogue, les 35 millions d’euros annoncés pour l’Arbre passeraient à près de 55 millions ! Pour couvrir ce coût, il faudrait vendre 6.836.000 billets à plein tarif, soit plus de dix-sept ans de la fréquentation espérée. Le dérapage a déjà commencé, d’ailleurs : les 35 millions évoqués représentent déjà une augmentation de 16,66 % par rapport au coût annoncé par Pierre Orefice mi-2008.
Les concepteurs des Machines ont assurément beaucoup d’imagination. Mais de l’imagination au délire, il n’y a pas plus loin que du Capitole à la roche Tarpéienne.

05 avril 2013

Lobbying pour NDDL (8) : ce sondage est sans pitié

Selon un sondage BVA, une majorité de gens seraient favorables à un aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Les partisans du projet y trouvent de quoi regonfler un peu leurs espérances vacillantes. Ils ont tort.

Le sondage a été commandé par la Fédération nationale des travaux publics. C’est un outil de relations publiques tout à fait classique, destiné à affirmer une conclusion écrite d’avance : les Français ont des envies de béton, MM. et Mmes les élus, vous savez ce qu’il vous reste à faire d’ici les élections de 2014. De bons professionnels des sondages aboutissent aisément à ce genre de conclusion. Il suffit de poser les bonnes questions dans le bon ordre. Et si le résultat n’est pas satisfaisant, les professionnels honnêtes se contentent de le garder dans un tiroir ; les moins honnêtes trouveront toujours moyen de lui appliquer quelque « redressement ».

Les mots ont de l’importance. Comme le montre Le Canard enchaîné de cette semaine, la vidéosurveillance est plébiscitée dans les sondages depuis qu’elle a été rebaptisée vidéoprotection. Ici, le sondage porte sur « les travaux et les équipements publics »*. Les équipements publics, tout le monde est pour. Si le sondage avait porté sur « la protection de la nature », le résultat aurait été tout autre.

La psychologie cognitive a depuis longtemps décrit un « effet d’amorçage » qui conduit les gens à préférer spontanément ce dont ils ont entendu parler récemment. Daniel Kahneman, prix Nobel 2002, décrit à ce sujet plusieurs expériences étonnantes dans son dernier livre, Système 1, Système 2, les deux vitesses de la pensée. Une fois qu’on a demandé aux gens s’ils voulaient des équipements publics (« Bien sûr que oui ! »), si on leur demande quels équipements ils veulent, ils citent presque nécessairement ceux dont ils ont entendu parler. Et NDDL, ils en ont entendu parler !

Le projet de NDDL devrait donc être plébiscité. Or 4 % seulement des personnes interrogées en Bretagne le jugent « essentiel », 5 % dans les Pays de la Loire. Il faut y ajouter ceux qui le trouvent seulement « intéressant » pour faire une majorité. Sur dix projets présentés, NDDL arrive bon dernier en Bretagne, huitième dans les Pays de la Loire. Comme l’état des finances publiques ne permet de réaliser que quelques projets, ce sondage est en réalité un désastre pour les partisans de l’aéroport.
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* La presse régionale l’a présenté presque comme un sondage sur l’aéroport, ce qu’il n’est pas.

Précédent billet de la série  « Lobbying pour NDDL » : (7) Un petit pavé de l'ours.

03 avril 2013

Royal de Luxe va-t-il ouvrir la chasse au héron ?

Royal de Luxe a pour de bon engagé une action judiciaire contre Coca Cola, révélait Jacques Sayagh dans Ouest France la semaine dernière. La troupe reproche au limonadier d’avoir plagié ses géants dans une campagne publicitaire montrant une immense marionnette du Père Noël, ainsi qu’on l’a dit ici et .

Si Royal de Luxe prend goût à la basoche, d’autres ont du souci à se faire. Pierre Orefice et François Delarozière, on en parlait ici l’autre jour, tentent d’obtenir la création à Nantes d’un « arbre aux hérons » géant. Hélas, le concept du héron géant appartient déjà à Royal de Luxe.

Et là, c’est plus facile à démontrer qu’avec le Père Noël de Coca Cola : le héron de Royal de Luxe a fait l’objet d’un dépôt de marque à l’INPI dès le 5 août 2002. Le dépôt a été renouvelé sans limitation en août dernier. Et ce n’est pas tout : un autre dépôt de marque au héron géant a été effectué en 2012. Il porte sur des classes de produits ou services plus nombreuses : statues ou figurines, produits de l’imprimerie, jeux, activités sportives et culturelles, vidéo, etc. Le dépôt a été publié au Bulletin officiel de la propriété industrielle (Bopi) 12/09. Enfin, le héron mécanique géant est déjà visible de tous sur la page d’accueil du site web de Royal de Luxe.

On ne voit pas pourquoi la troupe serait plus coulante avec les Machines de l’île qu’avec Coca Cola. Pour construire l’arbre aux hérons, il faudrait affronter le courroux de Courcoult. Ou, plus probablement, s’assurer l’aimable consentement préalable de Royal de Luxe. Mais avec l’argent des Nantais, tout peut s’arranger.