18 mars 2014

Pourquoi Ayrault ne sera jamais roi Carnaval : (2) la ringardise n’est plus ce qu’elle était

Le double mouvement de ringardisation du Carnaval de Nantes et de glorification de Royal de Luxe mérite d’être étudié dans les écoles de communication (Sciences Com’, qu’attendez-vous ?).

Depuis des siècles, les carnavaliers bénévoles font vivre une culture populaire tonique et créative. Ils n’ont pas attendu l’invention des concepts de « 2.0 » ou de « crowdsourcing » pour manifester une imagination débridée. Ils ne font pas (ou si peu…) commerce de leurs idées ; pourtant, ils possèdent un savoir-faire bien réel, même si le papier mâché y tient plus de place que l’électronique. Et, si l’on parvient à faire abstraction des préjugés (« Royal de Luxe, c’est formidable, le Carnaval, c’est ringard »), un constat s’impose : souvent, il y a autant de créativité dans un seul char du Carnaval que dans tout un spectacle de Royal de Luxe.

Au lieu de valoriser ce patrimoine multiséculaire, Jean-Marc Ayrault l’a laissé stagner. Il semble qu’il ne l’ait perçu que de manière superficielle, comme un simple spectacle. En déplaçant la date du Carnaval vers le printemps, il a peut-être gagné quelques rayons de soleil mais il a perdu son impulsion initiale : la rébellion contre la dureté des temps. En revanche, le maire de Nantes a sorti le carnet de chèque et mis les moyens de la ville au service d’une conception très « 20ème siècle » de créativité professionnalisée (voire fonctionnarisée). Or il n’a pas obtenu la même chose : au lieu d’une culture vivante, il s’est payé des spectacles. Qui n’ont rien de spécifiquement nantais, puisqu’on peut aussi les voir à Liverpool ou ailleurs.

D'autres villes de France, au même moment, ont choisi des voies différentes :
  • Nice a développé son Carnaval, qui occupe désormais toute la deuxième quinzaine de février. Elle l’a professionnalisé en partant de l’existant, elle en a fait une attraction majeure pour le tourisme international, le moteur d’une activité économique locale et une composante clé de son image, sans erreur d’attribution : si Royal est de Luxe, le Carnaval est de Nice !
  • Dunkerque a quasiment préempté le concept de carnaval populaire. Les festivités des « Trois joyeuses » s’étendent à présent sur deux mois et font de la ville du Nord une destination touristique prisée en plein hiver !
  • La Fête des Lumières de Lyon, qui ne date « que » de 1852, vivotait en 1989. Un nouveau maire élu en même temps que Jean-Marc Ayrault à Nantes a ajouté à la « déambulation » traditionnelle de nombreuses animations réparties sur quatre journées du début décembre, qui attirent aujourd’hui 4 millions de visiteurs.
  • La Braderie de Lille, au mois de septembre, a réussi à préserver en bonne partie son esprit de vide-grenier tout en se développant au point d’attirer quelque 2 millions de visiteurs. Elle a accru son effet sur l’économie locale en devenant aussi une sorte de championnat du monde de la moule-frite ; plusieurs centaines de tonnes de moules sont avalées chaque année.
À l’étranger, relancé dans les années 1980, le Carnaval de Venise, de la mi-février au début mars, remporte l’immense succès international qu’on sait. Le problème serait plutôt de tempérer les visiteurs que de les faire venir. Le Hogmanay attire désormais des dizaines de milliers de visiteurs payants à Édimbourg pour le Nouvel an, tandis que le New Year’s Eve fait de New York la ville la plus en vue du monde le soir de la Saint-Sylvestre : si un million de fêtards « seulement » assistent en direct au Ball Drop centenaire de Times Square (le périmètre est bouclé plusieurs heures à l’avance), au moins un milliard de personnes le voient à la télévision : belle promo touristique. Déstabilisée en 1980 par un attentat meurtrier, l’Oktoberfest de Munich s’est sensiblement développée depuis une vingtaine d’années. Elle draine à présent quelque 7 millions d'amateurs de bière, dont 15 % d’étrangers. La musique traditionnelle y est de rigueur et la culotte de peau de plus en plus portée. Depuis les années 1990, l’Irlande a transformé la fête de son saint patron, le 17 mars, en une grande manifestation touristique de quatre ou cinq jours, le St. Patrick’s Festival, qui attire à Dublin des touristes du monde entier. Loin de lui nuire, l’internationalisation de la Saint-Patrick participe à sa promotion. Et ce ne sont là que cinq exemples.

Un peu partout, des édiles clairvoyants ont su revitaliser un patrimoine festif traditionnel et en faire un moteur de leur économie locale. Jean-Marc Ayrault, lui, est complètement passé à côté de cette opportunité.

1 commentaire:

  1. JMA n'a pas investi l'argent pour faire la promotion de l'agglomération mais pour la sienne...
    Effectivement, les résultats sont forcément différents des exemples cités !
    On peut se demander qui va reprendre le flambeau tellement il est brûlant...

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