28 juin 2016

Lobbying pour NDDL (34) : Soudain, la consultation devient référendum

François Hollande avait promis un « référendum local », Manuel Valls avait aussitôt bricolé une « consultation locale ». Ce n’est pas du tout la même chose.

Le référendum local est prévu par la Constitution. La consultation locale, elle, a été créée dans la précipitation, par ordonnance, en rebondissant sur une disposition de la loi Macron de l’été dernier. Tant que cette ordonnance n’a pas été ratifiée par le Parlement, elle n’a que la valeur d’un règlement. Et vous savez quoi ? Quelque chose me dit qu’elle ne sera jamais ratifiée. Quel élu souhaiterait renouveler l’expérience du 26 juin ? On « oubliera » seulement de soumettre une loi de ratification au Parlement et l’on découvrira un jour que l’ordonnance est caduque. Je suis prêt à prendre les paris.

Notre consultation départementale resterait ainsi un one-shot, une mesure d’exception prise pour les besoins de la cause. Pas une disposition démocratique mais exactement l’inverse.

Or bizarrement, depuis lundi, beaucoup de gens semblent avoir oublié qu’il s’est agi d’une consultation et parlent de « référendum ». La presse nationale se livre largement à ce glissement lexical, à l’instar de L’Obs, L’Express, Libération, Rue89, Le Parisien, Metro… La télévision publique ne fait pas exception. Même Le Monde s’y met, et pas qu’une fois ! En fait, il utilise le mot presque systématiquement.

Que Jacques Auxiette commette une telle erreur peut passer pour l’étourderie d’un retraité qui a oublié de se tenir au courant. Pour d’autres, la convergence des lapsus paraît suspecte. Tout autant que la convergence autour des mots zadiste, piste ou transfert, elle évoque une coordination des partisans de l’aéroport. Y aurait-il de la propagande dans l’air ? De l'élément de langage ? Johanna Rolland, dans un entretien avec Éric Cabanas publié par Presse Océan, n’utilise pas le mot mais monte quand même sur ses grands chevaux : « Je serai extrêmement ferme […] c’est une question de démocratie. »

Mais moi, je relis la lettre de convocation pour le 26 juin que m’a adressée comme à chaque électeur le préfet de Loire-Atlantique. Elle contient cette phrase incontournable : « Cette consultation revêt la valeur d’un avis ». Donc elle n’a que la valeur d’un avis, ni plus ni moins. Ce n’est pas la première fois que nous sommes invités à donner notre avis sur le projet de Notre-Dame-des-Landes. Voici dix ans, il y a eu une enquête publique. Elle a rendu un avis défavorable à 69,8%. Cela n’a pas empêché le gouvernement de déclarer le projet d’utilité publique. La consultation de 2016 a rendu un avis favorable à 55,2 %. Un partout.

Bientôt les tirs au but ?

7 commentaires:


  1. « Le Brexit affaiblit davantage la politique climatique de l’Europe »

    LE MONDE | 28.06.2016 à 15h30 Par Pierre Le Hir.

    En attendant les journalistes font leur boulot... Notre maison brûle toujours et l'on regarde, 15 ans plus tard, encore ailleurs comme aurait dit l'autre...

    Notre-Dame Grandlieu... Deux saccages programmés pour le prix d'une consultation !

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  2. Les employés de la Tan se félicitent déjà de la fermeté dont va faire preuve Johanna Rolland, nouvellement couillue : fini les rodéos et les "incivilités" !
    Il ne faudrait pas donner aux mauvaises langues la possibilité de parler de deux poids et deux mesures...

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  3. Quelques jours avant la consultation, Manuel Valls a soudain déclaré que si le non l'emportait, le projet de NDL serait abandonné. Si cela avait été le cas, croyez-vous que les opposants au projet auraient fait la fine bouche pour accepter le verdict des urnes ? A mon avis certainement pas et la consultation se serait bel et bien transformée en référendum...

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  4. Bien entendu, chacun voit midi à sa porte, c'est classique et c'est humain.
    Reste que cette consultation n'est légalement pas un référendum. Si les pouvoirs publics avaient voulu un référendum, ils auraient parfaitement pu en organiser un, comme annoncé par le président de la République. Ils n'avaient même pas besoin d'inventer pour cela une formule nouvelle.
    Qui a préféré créer une consultation locale, à vocation consultative comme son nom l'indique ? Manuel Valls. En créant cette formule non décisionnelle, il s'est donné les moyens de ne pas tenir compte du résultat. Mais qui a finalement pris l'engagement moral de considérer le résultat de la consultation comme obligatoire ? Manuel Valls.
    Cela n'engage que lui, et bien entendu les adversaires du projet lui auraient légitimement rappelé son engagement si le "non" l'avait emporté.
    Maintenant, ne trouvez-vous pas étrange cette attitude d'un premier ministre qui au lieu d'utiliser la loi existante se donne la peine d'inventer une formule consultative, et puis qui finalement, "soudain" et "quelques jours avant la consultation", comme vous le notez justement, déclare que tout compte fait il considérera le résultat comme obligatoire. Doutez-vous un seul instant qu'il avait en main un sondage assez fiable, mais non public, sur les intentions de vote ?
    N'allons pas parler de respect de la démocratie quand on a assisté en fait à une manipulation politicienne, certes bien montée et bien exécutée, mais sûrement pas démocratique dans son esprit.

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  5. @Anonyme 29 juin 2016 à 10:45
    Certes, mais c'est un peu court. Que les opposants fassent aussi de la manipulation, c'est entendu par beaucoup depuis un moment. Seulement, il y a comme une légère différence de degré. Vous n'allez pas assez loin. Peu importe Valls, AGO, ACIPA, le projet et son consultatum.
    La démocratie parfaite n'existe pas. Je ne suis pas expert en droit constitutionnel mais je serais vraiment étonné que la France ne soit pas le pays le moins démocratique d'Europe occidentale. Cette manoeuvre en est une nouvelle démonstration. Mais dans le fond, les Français s'intéressent peu à la démocratie (l'exemple du droit de vote féminin est assez parlant). Seulement à sa représentation. On a bien récupéré, jusqu'à sa dépouille, Rousseau le Genevois, le Savoisien mais certainement pas français.
    Et quand on voit les 6eRépu proposées par quelques politiques, c'est consternant.
    Sinon, PO titre que Bruxelles est bien embêtante sur le projet. Je ne porte pas l'UE haut dans mon coeur mais elle a bon dos. Ce pays s'est vraiment enfoncé dans la mesquinerie.
    D'un autre côté, peu de gens se l'avouent mais, dans le fond, la démocratie ne les intéresse guère. Quand elle sera réduite à a portion congrue (parce qu'on va dans ce sens, et pas qu'en France d'ailleurs), ils comprendront. Peut-être. S'ils ne sont pas trop occupés à écoper leurs caves.

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  6. Référendum ou consultation, les "décideurs" ne se soucient pas plus de l'un que de l'autre.

    Le 29 mai 2005, par référendum, les Français ont dit non à 55% au "Traité établissant une Constitution pour l'Europe". En février 2008, M. Sarkozy l'a fait ratifier par la voie parlementaire, avec la complicité d'une grande partie des députés et sénateurs socialistes.

    Belle unanimité de la classe politique libérale et des médias généralistes qui parlent d'une seule et même voix, comme pour le "dossier" Notre Dame des Landes.

    Pour que le citoyen soit respectueux de la "démocratie" il faudrait qu'on lui montre l'exemple.

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  7. Johanna Roland semble découvrir sa ville et surtout ses administrés via Presse Océan ce jour http://www.presseocean.fr/actualite/notre-dame-des-landes-les-surprises-du-vote-nantais-sur-le-projet-daeroport-29-06-2016-197056

    Il faut dire que tout le centre ville (hormis Graslin) a voté NON et surtout l'Ile de Nantes au plus proche de la piste de l'aéroport.

    Autre surprise : le quartier du Port Boyer qui a aussi voté NON alors qu'un des avions avait frôlé une des tours en 2004.

    Comme quoi les habitants du centre ville n'ont pas reproché les dégats occasionnés par les manifestants contre l'aéroport en Février 2014...

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