21 juin 2016

Pourquoi je voterai « non » à la consultation locale du 26 juin

Chacun peut avoir ses raisons d’être pour ou contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Puisque c’est moi qui tiens la plume ici, voici les miennes.

1.      Faut-il casser ce qui peut encore servir ? Nantes Atlantique n’est pas parfait mais il a au moins l’avantage d’exister. Il a même été élu meilleur aéroport européen en 2012. Si les voyageurs s’y sentent un peu serrés à certaines heures, ça n’est pas pire que le périphérique. Et c’est une fois de temps en temps, alors que le périph’ c’est tous les jours. Démolir cet équipement qui fonctionne serait du gâchis.

2.      Faut-il bétonner toutes nos terres agricoles ? Près de 20.000 hectares de terres sont « artificialisés » chaque année dans les Pays de la Loire, c’est l’État lui-même qui le dit. Au moins 15 % du territoire de la Loire-Atlantique sont déjà consommés. Il faut arrêter cela. Et comme il faut bien commencer quelque part, renoncer à sacrifier mille hectares pour un aéroport, plus les milliers d’hectares de dessertes routières qui iraient avec, serait un geste fort.

3.      Faut-il rejeter encore plus de CO2 dans l’atmosphère ? J’ignore si le réchauffement climatique est vraiment dû aux émissions de gaz à effet de serre. Mais entre les savants qui le disent et les politiques qui réclament l’aéroport, je fais davantage confiance aux premiers qu’aux seconds. Et devant le risque mortel que le réchauffement fait peser sur l’humanité, nous ne pouvons pas nous permettre de ne rien faire. On nous dit qu’un nouvel aéroport favoriserait le développement du trafic aérien. C’est une raison de NE PAS le construire.

4.      Faut-il se prononcer sur un projet vieux de vingt ans finalisé en 2008 ? La question posée le 26 juin porte sur un  « transfert de l'aéroport ». Comme elle était trop vague, le Conseil d'État a dit qu'elle portait en réalité sur la réalisation du projet déclaré d'utilité publique en 2008. (Plus le maintien éventuel d'une partie de Nantes Atlantique pour Airbus, même s'il n'était pas prévu dans la DUP de 2008.) Il s'est pourtant passé beaucoup de choses depuis 2008. Les connaissances et les réflexions ont évolué. Les avions ont progressé, le marché du transport aérien a changé. Une loi de 2009 a exclu qu'on crée un aéroport pour des raisons autres qu'environnementales, alors que la DUP reposait sur des considérations économiques. Le projet de 2008 est périmé. Je le refuse donc.

5.      Faut-il avaler les arguments mensongers en faveur du projet ? Si leurs arguments objectifs étaient solides, les partisans du projet n'auraient pas besoins d'arguments de mauvaise foi, spécieux ou hypocrites. Or ils les multiplient. Par exemple celui de la « saturation ». Pendant dix ans, on a dit que Nantes Atlantique serait saturé en atteignant 4 millions de passagers, vers 2020. Il les a atteints dès 2014 et il devrait dépasser 4,5 millions cette année. L'erreur était donc double : le trafic n’a pas évolué comme prévu… et surtout le seuil de saturation n’était pas à 4 millions. Tous les arguments basés sur des projections sont à réexaminer. Au total, je vois trop de propagande dans ce dossier : je le rejette donc en bloc.

6.      Faut-il endosser des engagements financiers indéterminés ? On nous demande de nous engager les yeux fermés sur des budgets sans chiffrage fiable. Les conditions financières du contrat entre l’État et le groupe Vinci restent cachées au nom du secret des affaires. Les coûts du projet sont manifestement minorés. Comme l’a révélé Le Canard enchaîné, les bâtiments prévus par le projet sont sous-dimensionnés, un dérapage du budget est quasi inévitable. Les accès routiers et ferroviaires ne sont pas chiffrés. L’aérodrome de Nantes Atlantique serait conservé pour les besoins d’Airbus, mais on ignore qui paierait son fonctionnement.

7.      Faut-il tolérer que la femme de César puisse être soupçonnée ? Au début, je n’avais pas d’avis bien arrêté sur NDDL. Jusqu’au jour où l'ancien préfet Bernard Hagelsteen a été embauché par le groupe Vinci. Que le fonctionnaire qui a instruit le dossier de l’aéroport rejoigne l’entreprise qui a remporté l’appel d’offres jette un doute sur la loyauté du projet. Les manigances qui entourent celui-ci (refus de communication des documents administratifs, conditions d’indemnisation en cas de non-réalisation du projet, surévaluation des travaux à réaliser à Nantes Atlantique, etc.) aggravent le doute. Le seul moyen d’écarter ces soupçons délétères est de renoncer au projet.

8.      Faut-il s’incliner devant Manuel Valls ? Le soupçon est encore aggravé par l’intérêt que le gouvernement porte au dossier. Que le président de la République et le premier ministre se prennent de passion pour un projet d’intérêt départemental paraît suspect. N’ont-ils pas mieux à faire avec le chômage, les grèves, la dette publique, les migrants, le terrorisme... ? Il était déjà étonnant que le premier se mêle d’annoncer un référendum local. Mais au moins, la procédure était prévue par la Constitution. Que le second s’empresse alors d’inventer un nouveau type de consultation, organisé dans des conditions fixées par lui et imposé à la hussarde par voie d'ordonnance, accentue le sentiment qu’il y a un loup derrière le projet.

9.      Faut-il favoriser la spéculation foncière ? Là, bien sûr, encore plus que ci-dessus, on est dans le domaine du soupçon invérifié. Mais quand on voit une association pro-aéroport se lamenter sur le sort actuel des habitants de Saint-Aignan-de-Grandlieu alors que son président habite Sautron et dirige cinq sociétés civiles immobilières, on songe que la relocalisation de l’aéroport pourrait être une bonne affaire financière pour certains propriétaires de terrains situés entre Nantes et Notre-Dame-des-Landes.

Que les naturalistes me pardonnent : je n’arrive pas à me passionner pour le sort du campagnol amphibie et du triton crêté. Et je ne comprends pas grand chose aux histoires de bassin versant. Mais comme dit la Coordination des opposants, « on a tous une bonne raison de voter non » ; j'en ai même neuf et elles me suffisent largement.
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Ajout du 23 juin 2016. À la réflexion, peut-être ai-je en réalité dix raisons de voter « non ». J’admire l’énergie, l’endurance, la compétence et le dévouement des organisations opposées à la construction de l’aéroport, en particulier l’ACIPA et le CéDPA. Leurs membres, pour autant que j’ai eu l’occasion d’en juger, sont mus par leurs convictions et non par l’espoir d’un avantage personnel. Depuis des années, ils affrontent l’État, l’administration et l’establishment, endurant sarcasmes et rebuffades sans jamais renoncer. J’aurais sans doute beaucoup de points de désaccord avec beaucoup d’entre eux sur d’autres sujets (et réciproquement), mais je mettrai mon bulletin dans l’urne le 26 avec un sentiment de camaraderie. Je sais, ça n’est pas un argument rationnel. Mais les sentiments comptent aussi, non ?

8 commentaires:

  1. Ah ah excellent! Je ne suis pas sûr que tous les lecteurs percevront le second degré! Certains vont vous lire "à la lettre" et croire que vous signez vraiment un manifeste pour le "non" (le problème de votre subtile ironie, c'est que les plus obtus risquent de vous prendre au mot). En tous les cas bravo, vous montrez fort bien la candeur et la naïveté des arguments "nonistes".

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  2. L'amertume perceptible dans votre commentaire me paraît assez représentative de l'évolution récente des esprits dans le camp du "oui", entre violence verbale et mépris affecté. Un vent de panique semble souffler chez les partisans de l'aéroport à l'approche du "référendum" qu'ils appelaient pourtant de leur voeux voici quelques jours encore.

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  3. La panique des pros ne viendrait-elle pas de la météo ?
    Sur les histoires de bassin versant, je n'y comprends pas grand chose non plus, mais vous en parlez forcément avec le bitumage des sols. A NDDL, niveau agricole, faut pas espérer grand chose (quand bien même, ça suffirait certainement à nourrir écoles alentours, pas pire qu'aller se faire un noiche sur place) mais en plus de cela, c'est une zone humide (merci d'ailleurs aux promoteurs d'origine). Ce n'est vraiment pas sage. Pas comme si les inondations ne se multipliaient pas. En 44, on est peut-être relativement épargné grâce à cette zone. Ou pas. Mais je ne vois pas l'intérêt de le vérifier en y collant un aéroport. Y en a un. Correct. Mais pas de ligne ferroviaire Rennes-Nantes. L'absurdité de tant d'années, d'énergies gaspillées (à gérer à vue ou à contester) repose là-dessus: il y a un aéroport international à Nantes. Qui aurait pu évoluer mais a été laissé à l'abandon parce "projet". Pourquoi avoir choisi NDDL et non les terrains autour de Château-Bougon ?
    Ce projet est étrange depuis ses origines. Il le confirme aujourd'hui.
    En tout cas, belle occasion pour Nantes d'en finir avec une tradition datée de l'ORTF. Mais est-elle encore seulement capable d'un coup d'éclat ? Elle qui a eu un des maires les plus jeunes de France, mais avec des méthodes de vieux.

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  4. Etrange, ce projet ? Je suis de plus en plus persuadé qu'il obéit à une logique inavouable.

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  5. Doublement de la surface commerciale

    Le doute s'installe sur le bien-fondé de ce futur aéroport lorsqu'on lit ceci : "la surface allouée aux boutiques hors taxes et activités commerciales serait, elle, doublée à 2 500 m2" (source : WIKIPEDIA). En gros, un nouvel aéroport pas plus grand que Nantes Atlantique mais nettement plus rentable de par le doublement des "duty free". Gros tailleau et ratatouille (du zèle pour l'ouest) -entre autres- ne cherchent que le profit au détriment du bon sens et de l’environnent...
    Lorenzo

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  6. Le seul mode de financement de ce "projet" est suffisant pour refuser d’endetter sur une durée double des PPP habituels :

    "Une concession pour les aérodromes de Notre Dame des Landes, Nantes Atlantique et Saint-Nazaire - Montoir

    Le contrat de concession entre l’État et la société AGO ( Aéroport du Grand Ouest) est annexé au décret n°2010-1699 du 29 décembre 2010

    Durée de la concession : 55 ans
    La société AGO est menée par VINCI : VINCI 85 % - CCI de Nantes 10 % - groupe ETPO/CIFE 5 % (Entreprise de travaux publics de l’Ouest)"

    Dernier exemple en date dans la ville chère à Monsieur Juppé :

    "Reprenons l’histoire. Le Canard Enchainé du 25 mai a appris au plus grand nombre que le coût du stade supporté par la ville, donc les contribuables, est deux fois supérieur à celui annoncé lors de la délibération du conseil municipal entérinant le projet. Annoncé à 183 M€, il en coûtera environ 360 !"

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  7. Des logiques, dont certaines prennent le pas sur les autres au gré des, nombreuses, années. Ou évoluent. Comme avec le PPP qu'évoque Anonyme22 juin 2016 à 12:41, rien que ça suffit à refuser ce "projet".
    Pour ma part, je vois aussi une dangereuse planification territoriale dans un quart NO de la France traditionnellement assez équilibré en centres urbains, assurant un bon maillage avec les arrière-pays. Nantes va avoir un poids redoutable sur ses voisins. Quant à la ville et son département, ils n'ont même pas fini de digérer la précédente explosion démographique. Quel intérêt à ce nouvel appel d'air foncier ? Après avoir été déjà très généreux sur les lotissements. S'il faut bien verticaliser et concentrer la population, ça ne veut pas forcément dire métropolisation. C'est une vision d'un autre âge. Si le NON, venait à l'emporter, je tirerais aussi un certain plaisir à envoyer, finalement, bosser les élus locaux sur autre chose que de la gestion d'un potentiel qui ne tient pas qu'à eux, toute la façade atlantique étant d'ailleurs plus dynamique depuis quelques décennies, à mesure aussi que d'autres régions le sont moins. Quand on y pense, le développement 90-00 de Nantes a été écrit dans ses grandes lignes par la Datar et l'Etat: le périf, le TGV... Quelques initiatives, plus ou moins heureuses ou efficaces, de Chénard et Chauty quand même. Mais Ayrault ? Il n'a fait que couper des rubans (ah si... un parc d'attractions). Et quand une bonne partie de l'héritage a été utilisé, il a sorti NDDL des cartons.
    Combien de plans, de décisions à revoir si le NON l'emporte ? Ça va paniquer. Ça va aussi remettre en cause quelques responsables décridibilisés. Quelles alternatives ? Certainement aucune, parce que pour ça faudrait avoir l'esprit d'initiative. Il a déserté la génération politique précédente. Et la nouvelle est un peu trop gâtée. Mais ça serait une occasion de tuer le père (et le grand-oncle).

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  8. A propos des Zones Humides et des bassins versants, Notre-Dame-des-Landes est un site écologique unique. Regardez cette vidéo:
    https://reporterre.net/Notre-Dame-des-Landes-est-un-site-ecologique-unique-Regardez-cette-video

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