02 juin 2017

Le musée d’arts de Nantes n’est pas un musée d’lettres

Quand le musée des beaux-arts de Nantes devient musée d’arts de Nantes, le beau n’est pas seul menacé : la langue française est aussi malmenée.

« Musée d’arts »… D’où sort cette apostrophe incongrue ? En français, une apostrophe marque une élision (elle peut avoir d’autres usages dans d’autres langues, comme en breton). L’élision consiste à effacer la voyelle finale d’un mot qui précède un autre mot commençant par une voyelle ou un « h » muet.

Quelle élision avons-nous ici ? « Arts » commence bien par une voyelle. Mais le mot qui précède, « des », ne se termine pas par une voyelle. On aurait pu se contenter de supprimer l’adjectif « beaux » pour transformer le musée des beaux-arts en « musée des arts ». On aurait pu le transformer en « musée d’art », où « d’ » aurait été la contraction de « de le ». Mais « musée d’arts », c’est foireux.

À qui la faute ? « Dimanche, le musée des Beaux-arts a fermé ses portes pour deux ans de travaux d’agrandissement », écrivait Jean-Marc Ayrault sur son blog le 26 septembre 2011. « Une fermeture avec la promesse d’un grand musée d’art à Nantes ouvert à tous les publics en 2013 ! » On note le singulier. De bons esprits l’auraient-ils trouvé réducteur, le corrigeant subrepticement d’un « s » muet ?

Ce n’est pas si simple, pourtant. Plusieurs mois auparavant, le « musée d’Arts » au pluriel avait fait une première apparition dans le procès-verbal du conseil municipal du 1er avril 2011*. Une faute de frappe ? On imagine pourtant que le P.V. avait été soigneusement relu par le député-maire d’alors : Jean-Marc Ayrault lui-même. En septembre 2012, inversement le guide municipal Tout savoir pour se déplacer dans le centre-ville indiquait : « Le musée des Beaux-Arts devient le musée d’Art ». Le « s » était reparti.

Allait-on retenir le pluriel, comme au Musée des arts et métiers ou au Musée des arts décoratifs ? Ou bien le singulier, comme au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg ou au Musée d'art moderne André Malraux du Havre ? On peut supposer que Jean-Marc Ayrault, guidé par l’indécision, a tiré au milieu, choisissant pile-poil la formule fautive…
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* C'était aussi, semble-t-il, la première mention d'un largage de l'adjectif "beaux". L'intervention relatée par le P.V. était celle de Pascal Bolo. Si l'on enlève le "Bo", que reste-t-il vraiment ?

2 commentaires:

  1. En effet.
    Il faudrait ajouter que "d'" peut être l'élision de "de+des" devant voyelle ou h muet (exemple : l'article fait mention d'hommes ignorants de la langue française à la municipalité).
    Elision fautive dans le cas qui nous concerne puisque "arts" au pluriel est ici nécessairement un nom défini, il s'agit des arts dont la finalité est de caractère esthétique.

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  2. J'ai écarté d'emblée l'hypothèse de l'article indéfini, mais j'ai peut-être eu tort. Il faut peut-être comprendre "musée d'arts" au sens de contenant d'une quantité non spécifiée de biens fongibles, comme dans cageot d'oranges, tas d'ordures, carnet d'adresses, etc.

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