01 mai 2024

Mémoires de Jean-Marc Ayrault : non, la page ne sera pas entièrement blanche

Les éditions de l’Observatoire publieront en 2025 les mémoires de Jean-Marc Ayrault. Ce n’est pas une blague ‑ du moins l’information vient-elle d’une source sérieuse, le cahier économie du Figaro*. Dix ans après son calamiteux passage à l’Hôtel Matignon, des lecteurs s’intéresseraient donc encore à l’ancien maire de Nantes ?

À ce jour, la littérature concernant Jean-Marc Ayrault est des plus limitées. Côté éloges, il y a deux livres d’Alain Besson, publiés localement chez Coiffard en 2004 et 2012, et celui de Jean-Marie Biette, paru en 2012 aux éditions de l’Archipel ; côté critiques, mon propre Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes, modeste autoédition en ligne de 2012.

Jean-Marc Ayrault sur le mur de Royal de Luxe en 2011
Personne, hormis sa fille Élise, ne semble avoir pris la peine de dresser le bilan de son œuvre gouvernementale. Philippe Guibert, qui fut son communicant comme patron du Service d’information du gouvernement, vient de publier un livre sur « le déclin du chef politique en France »**. Dans cet ouvrage, intéressant par ailleurs, il ne trouve rien à dire sur l’ancien Premier ministre. Parce qu’il n’a pas contribué au déclin ou parce qu’il n’était pas un chef de toute façon ? Hollande, au moins, est présent, quoique « un peu ridicule ».

Ayrault n’a rien à raconter, pourrait croire un citoyen distrait. Pourtant, si l’on anticipe le sommaire de son livre, on s’aperçoit qu’il n’est pas vide :

  1. Comment je suis arrivé au Parti socialiste via l’extrême-gauche de Poperen
  2. Comment j’ai recentré Saint-Herblain sur une énorme zone commerciale qui aspire les forces vives du commerce nantais
  3. Comment j’ai fait de Nantes le n° 1 des palmarès des meilleures villes à mon arrivée, puis le n° 2, puis le n° 3, puis le n° X
  4. Comment j’ai été condamné à six mois de prison avec sursis pour favoritisme (mais c’était pour la bonne cause d'un financement politique)
  5. Comment j’ai fait de Nantes la Mecque de la culture avec les Allumées et Royal de Luxe (du temps où il produisait quelque chose)
  6. Comment Trafics et Fin de Siècle, destinés à élargir le succès des Allumées, ont laissé plus de dettes que de souvenirs
  7. Comment j’ai fait de Nantes une « métropole touristique internationale » avec Les Machines de l’île
  8. Comment j’ai mis la politique touristique de Nantes entre les mains d’un Jean Blaise dont la gestion venait d’être critiquée par la Chambre régionale des comptes
  9. Comment j’ai fait la fortune de MM. Delarozière et Orefice (sans leur réclamer de droits sur l’image de leur éléphant)
  10. Comment j’ai construit l’Arbre aux Hérons à partir de la branche prototype de 2007
  11. Comment j’ai imposé aux Nantais de pratiquer la repentance en tant que descendants de négriers avec un Mémorial massif mais fragile quand même
  12. Comment j’ai fait de Nantes la Green Capital de l’Europe grâce à un trait de peinture verte et à un gag répétitif
  13. Comment j’ai fait du Combi Volkswagen (12 l aux 100) le véhicule emblématique de Nantes
  14. Comment j’ai relancé le Carnaval de Nantes pour concurrencer Rio, Venise et Dunkerque
  15. Comment le musée d’arts, « grand projet » de mon quatrième mandat a demandé deux fois plus d’argent et trois fois plus de temps que prévu
  16. Comment j’ai construit un nouvel aéroport international à Notre-Dame-des-Landes, profitant de ma nomination comme Premier ministre pour réaliser l’Ayraultport
  17. Comment j’ai peuplé les trottoirs nantais de tout un tas de bidules
  18. Comment j’ai lutté contre la délinquance en refusant la téléprotection
  19. Comment en tant que président du groupe socialiste de l’Assemblée nationale je me suis montré un orateur redoutable
  20. Comment j’ai voulu éradiquer Colbert au point de contredire le musée de Nantes
  21. Comment j’ai si bien enraciné ma circonscription électorale dans le socialisme qu’elle a été perdue par Karine Daniel en un rien de temps
  22. Comment j’ai raté l’aménagement de l’île de Nantes après avoir prétendu en faire un « centre urbain à dimension internationale »
  23. Comment j’ai imposé la transformation d’un bâtiment industriel en école des beaux-arts, et qu’importe si c’est plus cher et malcommode
  24. Comment j’ai sauvé l’Hôtel de la Duchesse Anne, face au château des ducs de Bretagne
  25. Comment j’ai soutenu la construction de la Villa Déchets, « symbole du développement durable »
  26. Comment j’ai reconstruit les salons Mauduit vingt ans après l’avoir annoncé
  27. Comment j’ai fait construire un palais de justice par Dominique Perrault. Ou bien était-ce quelqu’un d’autre ?
  28. Comment j’ai choisi d’implanter un CHU au plus mauvais endroit possible (enfin, presque)
  29. Comment j’ai, en tant que Premier ministre, dirigé un gouvernement homogène et cohérent
  30. Comment j’ai secondé un président de la République charismatique et déterminé
  31. Comment, de toute ma carrière politique, je n’ai commis qu’une seule erreur
  32. Comment j’ai remis la diplomatie française au centre du jeu international
  33. Comment je ne suis devenu ni président de l’Assemblée nationale ni membre du Conseil constitutionnel
  34. Comment ma Fondation pour la mémoire de l’esclavage reste pratiquement au point mort sept ans après l’annonce de sa création

Et ce n’est sûrement pas tout ! Bien des Nantais auront sûrement d’autres épisodes glorieux à rappeler. Reste à voir si les lecteurs se précipiteront. La concurrence sera rude : selon la même source, les mémoires d’Anne Hidalgo, maire de Paris, doivent aussi paraître en 2025 chez le même éditeur. En voilà un qui a le goût du risque commercial.

* Claudia Cohen, « Le livre politique, un passage obligé à la veille des élections mais sans garantie de succès », Le Figaro, 18 avril 2024

** Philippe Guibert, Gulliver enchaîné – le déclin du chef politique en France, Paris, Éditions du Cerf, 2024.

4 commentaires:

  1. Excellent timing pour sa postérité.

    Les Français n'ont plus beaucoup de souvenirs de son passage et les temps s'étant particulièrement durcis depuis, son image doit être plutôt positive, surtout comparé à d'autres (Valls en particulier).

    Les Nantais n'en ont que contre JR et n'ont pas encore pensé un aggiornamento sur l'époque Ayrault, préférant rester sur le souvenir d'un âge d'or.
    Mais un bilan plus poussé du PS pourrait ternir un peu le "plus grand maire de l'Histoire de Nantes" (meilleure blague de la carrière subventionnée de Frap) si JR venait à perdre la municipalité.
    Voir rappeler le temps béni d'Ayrault pourrait être vu comme une com' positive pour la sortante.

    Quoi qu'il en soit, ouvrage destiné à la boîte à livres du quartier après le décès de mémé s'étant fait un petit achat-plaisir au supermarché, attirée par la photo seyante qui ne manquera pas d'être en couverture, rappelant une jeunesse passée, entre deux tranches de jambon et la litière du chat.

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  2. @sven,

    Pour étendre votre inventaire au delà du registre nanto-nantais, nous pourrions y ajouter les méfaits de JMA quant à l'introduction de la théorie du genre par sa ministre Najat Vallaud Belkacem à l'éducation nationale puis aux droits des femmes.... On en voit le résultat dramatique (euphémisme) 10 ans plus tard.

    Il est a rappeler que ces deux sinistres personnages déclaraient les yeux dans les yeux à la Cahuzac que cette théorie n'existait pas...

    PS : Tout comme si l'on m'avait dit qu'un jour j'achèterai un bouquin rédigé par une FEMEN, fût-elle repentie, et une influenceuse vendant des sextoys, je ne l'aurais pas cru !

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  3. @VertCocu : Nantes-icipons pas ! Le livre n'est pas encore sorti des presses...
    @Anonyme : Croyez-vous que JMA ait été moteur dans cette affaire ? Croyez-vous qu'il ait été moteur en quoi que ce soit, d'ailleurs...

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  4. Même l'incroyablement charmante Najat n'avait pas l'air bien convaincue elle-même.

    Quand les perspectives économico-sociales sont bouchées et qu'on a usé et abusé des grands principes humanistes (et du festif, hein, Blaise ?), on se retrouve obligé à des circonvolutions pour occuper les débats.

    Et ça marche au point qu'on accuse maintenant un ectoplasme (choisi par Mitterrand sur les mêmes critères qu'utilisera Royal pour NVB: physique, absence de colonne vertébrale idéologique et origine géographique -les Mauges étant un critère très important dans l'adoubement d'Ayrault) de pouvoir influencer l'image de l'éternel féminin/masculin.
    Tout cela n'est qu'une passade décadente qui va se faire balayer par des considérations de plus en plus prosaïques à mesure que la génération boomer solde son bilan carbone au crématorium.

    Ayrault n'a déjà pas fait grand chose vu le potentiel du bien plus consensuel esclavage.
    Nantes s'est même fait voler la vedette par La Rochelle "à jamais les premiers" malgré tous ses efforts pour rappeler à quel point Nantes, si elle n'a pas innové, a tenu la tête du championnat sur la durée.

    Enfin, on continue à célébrer l'abolition de l'esclavage. Ce qui est noble. Mais avec un accent particulier dans les quartiers où les descendants d'esclaves sont déjà ultra-minoritaires mais en les amalgamant avec les descendants d'africains, ce qui est déjà plus problématique niveau honnêteté historique. Sans même parler de morale.

    Enfin l'important est que tout élève, même (surtout ?) de la rurbanité des écoles privées, soit allé durant sa scolarité au bas mot au moins 4 fois se les geler dans un souterrain vide et humide Quai de la Fosse.
    L'élève d'école privée a par ailleurs la double-peine: l'autre classique de la sortie scolaire est le Puy du Fou.

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