Ainsi, de toute sa carrière politique, Jean-Marc Ayrault n’a
commis qu’une seule erreur : « ne pas avoir expliqué la situation
et dit notre travail » (entretien avec Pierre-Marie Hériaud, Presse
Océan du 18 mai 2017). Il parle là de ses deux ans (2012-2014) au poste de
premier ministre.
Jean-Marc Ayrault sur le mur de Royal de Luxe. Tiens, il y aurait des mécontents ? |
Ses échecs ne seraient donc qu’une affaire de com’ !
Étonnant, non, de la part d’un homme qui a tant usé de la communication en tant
que maire de Nantes ? Eh ! bien non, dans le fond, cet aveuglement
n’est pas si étonnant. Parvenu très jeune à des postes politiques très élevés,
Jean-Marc Ayrault n’a pas parcouru la courbe d’apprentissage habituelle de ses
collègues en politique. Entouré de courtisans et d’obligés depuis ses débuts,
il n’a jamais eu l’occasion d’apprendre à en prendre et en laisser. Sur qui
aurait-il pu compter pour lui éviter la grosse tête ? Il le dit
lui-même : « ma femme et mes filles ont toujours été là pour me
ramener sur terre ». Comment des proches parmi les proches
pourraient-elles avoir plus de recul que lui ? C’est simple : elles
ne peuvent pas (il ne faut pas trop en demander à sa femme et à ses enfants,
comme dirait François Fillon). À se croire ramené sur terre, il n’en planait
que davantage !
François Mitterrand était sans doute plus lucide à son
égard. « Je me souviens de François Mitterrand évoquant une nouvelle
génération d’élus et citant deux ou trois noms dont le mien », dit
Jean-Marc Ayrault. C’était en 1977. François Mitterrand est devenu président de
la République quatre ans plus tard, en 1981. Il l’est resté jusqu’en 1995. Et
pas une seule fois il n’a appelé au gouvernement cet éminent représentant de la
nouvelle génération d’élus (qui du coup est devenu premier ministre sans avoir
parcouru la courbe d’apprentissage ministérielle : perseverare
diabolicum).
Mais Jean-Marc Ayrault a sans doute sa part de
responsabilité dans son propre aveuglement. Très vite, il a doté Nantes d’un service
de communication énorme et efficace, qui s’est attaché à peindre en rose tous
ses faits et gestes. Cette propagande municipale, il en a été le premier
lecteur. Comment ne se serait-il pas laissé convaincre de ses propres mérites puisqu’ils étaient si bien décrits sur papier glacé ?
La fiesta plutôt que l'industrie
Et cet entretien avec Presse Océan en est témoin. « J’ai
transformé Nantes », dit-il. En presque un quart de siècle, c’est la
moindre des choses : les maires de Lyon, Marseille, Lille, Bordeaux,
Toulouse, etc. pourraient en dire autant. Mais transformé en quel sens ? « Lorsque
je suis arrivé à la mairie de Nantes, les chantiers navals venaient de fermer,
la ville se sentait sur le déclin, les Nantais ne se voyaient pas
d’avenir », se rappelle-t-il. « Avec Jean Blaise on les a
surpris avec les Allumées et les Nantais se sont surpris : ce festival a
déclenché la fierté, l’audace et la créativité qui étaient enfouies. »
Davantage qu’une vantardise, les deux phrases ci-dessus sont
un terrible aveu : dans l’espoir de remplacer la Navale, vers quoi
Jean-Marc Ayrault a-t-il canalisé les énergies et les budgets publics ?
Vers la fiesta ! (Juste pour mémoire, on rappellera que, exactement
au même moment et pour les mêmes raisons, les élus de Bilbao négociaient avec
la Fondation Guggenheim la création d’un grand musée européen.)
Nantes avait évidemment été sonnée par la fermeture des
chantiers navals en 1987. Comme
un boxeur groggy, il lui fallait un peu de temps pour encaisser. Mais le
redéploiement de « la fierté, l’audace, la créativité »
toujours présentes en elle était en cours. Depuis l’ouverture de la ligne de
TGV, de nombreuses entreprises venaient s’installer à Nantes. Le développement
des écoles d’ingénieurs et des formations techniques depuis une vingtaine
d’années leur offrait un substrat favorable. Et les chômeurs de la Navale ne
demandaient qu’à réemployer leur énergie.
Trafics et Fin de siècle à la trappe
Le redémarrage de Nantes n’est pas dû aux Allumées, il leur
est concomitant. Quel qu’ait été leur succès, Les Allumées ne s’adressaient pas
à toute la ville. Comme
je l’ai déjà écrit, « c’était l’inverse d’une manifestation populaire. L’ouvrier qui pointe à l’usine
au petit matin ne fait pas la fête jusqu'à l'aube. Le droit de faire la grasse
matinée donnait le sentiment d’appartenir à une élite privilégiée. » Une élite
dont le maire de Nantes recueillait tous les jours les compliments. En liant
l’essor de Nantes aux Allumées, Jean-Marc Ayrault souligne ses propres
illusions – largement partagées, il faut le dire, jusque dans les rangs de ses
opposants : la communication municipale est décidément efficace. Il omet
au passage de rappeler que Les
Allumées ont été suivies par Trafics et Fin de siècle, du même Jean Blaise,
deux échecs cuisants. Si Trafics et Fin de siècle n’ont pas brisé l’élan
nantais, c’est qu’il n’était pas né des Allumées.
Nantes reste une ville active, dynamique, inventive, mais elle l’est
parce que les Nantais le sont, pas parce que quelques-uns d’entre eux vont
applaudir des spectacles d’avant-garde au Lieu Unique, que des marionnettes
géantes défilent en ville de temps en temps ou qu’un grand éléphant mécanique
tourne en rond depuis dix ans là où l’on construisait autrefois des navires.
Nantes a changé ; pas Jean-Marc Ayrault, toujours ébloui par lui-même.
j'ai lu cet article sur PO, j'ai été surpris qu'il ne parle pas du musée des beaux arts qui va ouvrir sous peu, son "Bébé" pourtant !!!
RépondreSupprimerIl y longtemps que Messieurs Blaise Courcoult Orifice ..ont fait fi de leur vœux pieux se servant de Nantes comme tremplin personnel...faisant fi de le Ville et des principes Républicaines...au profit de leur égo
RépondreSupprimerFaut-il ranger ces trois hommes dans la même catégorie ? Jean Blaise et son collaborateur Pierre Orefice sont des salariés d'une société publique locale délégataire de services publics. Ils devraient donc placer au-dessus de tout l'intérêt de la collectivité. J'ai toujours été étonné et choqué de les voir se mettre au service d'intérêts extérieurs, voire concurrents (ceux de Paris, de Marseille ou du Havre pour le premier, ceux de l'association La Machine pour le second). Je pense que Jean-Marc Ayrault n'a pas eu la main heureuse en les embauchant.
RépondreSupprimerLe cas de Jean-Luc Courcoult est différent. Il porte une double casquette. En tant que directeur de troupe, il a certes quelques responsabilités envers Nantes (qu'il est censé mettre en avant dans sa communication à l'extérieur). Mais en tant que metteur en scène, il est responsable envers son art, pas envers la Ville ou la République. Là, le problème serait plutôt que sa créativité paraît épuisée depuis bien des années déjà.
L'erreur de JMA, c'est de ne pas avoir amené à Matignon l'équipe qui lui faisait sa com à Nantes comme cela le bon peuple aurait compris l'étendue de son action qui a surtout consisté à détricoter ce que ses prédécesseurs avaient mis en place et à flanquer un grand coup de massue fiscale aux contribuables.
RépondreSupprimerEnsuite, il a pantouflé au Quai d'Orsay en s'occupant d'affaires qui lui étaient totalement étrangères mais là encore il lui aurait fallu un bon communicant. Toutefois, les Français sont moins gogos que les Nantais devant l'éléphant et plus difficiles à convaincre...
Allez, maintenant qu'il a du temps, JMA va pouvoir rectifier la vérité en écrivant ses mémoires ( d'éléphant).
D'autant plus qu'il ne manquera pas de nègres pour les écrire à sa place en lui tressant des couronnes (désintéressées, bien sûr). Le problème sera plutôt de trouver des lecteurs : qui s'intéressera encore à JMA dans six mois ?
RépondreSupprimerLes rayons Bibliothèques sont bien tenus et au Service du vide culturel institué..., Ne vous inquiétez pas, les mémoires éléphantesques deviendront vite un best-seller de la communication culturelle nantaise.
RépondreSupprimerEn attendant, Blaise fait jouer son réseau et le Monde Mag publie sur lui un article de pure complaisance :
RépondreSupprimerhttp://abonnes.lemonde.fr/m-actu/article/2017/05/26/de-nantes-au-havre-jean-blaise-seme-la-culture_5134223_4497186.html
Pour qui sait lire entre les lignes cependant toutes les critiques sont là et bien là, noyées dans la promotion certes mais quand même. Amusez vous à les retrouver au milieu des poncifs (les Allumées entre autres dont on nous dit quand même qu'elles se sont arrêtées en 1995).
Nous y apprenons aussi qu'en 5 ans le nombre de visiteurs estivaux nantais a augmenté de 55%, avec comme sous entendu que c'est grâce au Voyage à Nantes...Mais l'arithmétique est cruelle : 55% de pas grand chose cela fait toujours pas grand chose.
Merci pour le lien. Les poncifs sont d'autant plus présents qu'une grande partie de cet article reprend des articles antérieurs du Monde, même quand il ne les cite pas expressément (voyez le cas de Jean Blaise emporté comme bagage par Jean-Marc Ayrault, que j'avais signalé à l'époque -- http://lameformeduneville.blogspot.fr/2008/12/quand-il-entend-le-mot-culture-il-sort.html).
RépondreSupprimerNon seulement 55 % de pas grand chose est modeste, mais la manière de compter les visiteurs a toujours été sujette à caution : il suffit de multiplier les points de décompte pour augmenter le nombre apparent de visiteurs, sans pouvoir distinguer les touristes des Nantais, d'ailleurs. Et les visiteurs supplémentaires ne sont pas tous dus au VAN. D'une part le tourisme urbain est à la hausse partout, d'autre part La Loire à vélo est un grand succès. Même le taux d'occupation des hôtels n'est pas totalement significatif, puisqu'il prend en compte aussi bien les CRS en déplacement en relation avec Notre-Dame-des-Landes et les migrants logés dans les hôtels modestes !
Sans compter que les best-sellers de l'été 2016 ont été le jardin des plantes et les remparts du Château des Ducs de Bretagne cf http://www.20minutes.fr/nantes/1921031-20160908-voyage-nantes-rempli-bulletin-notes-edition-2016
RépondreSupprimerqui étaient là avant le Voyage (car il y a eu un avant Jean Blaise si si !)
Au fait Sven que vous inspire la nouvelle mode de rebaptiser le Château des ducs de Bretagne Château de Nantes dans la communication officielle ? Volonté d'effacer définitivement l'histoire bretonne de Nantes ? Métropolisation avancée ? Tentation bureaucratique de faire plus court ? Un peut de tout cela ?
Je pense que la volonté de débretonnisation y est pour beaucoup. L'image de la Bretagne est forte. Une politique touristique ne peut l'invoquer à moitié, or c'est qu'a longtemps fait Nantes. Comme vous dites, il y a eu un avant Jean Blaise, mais l'intéressé préférerait qu'on n'en sache rien afin de légitimer son discours : la culture à Nantes a commencé avec moi...
RépondreSupprimerDébretonnisation, débretonnisation, est-ce que j'ai une gueule de débretonnisation .. ? Les journalistes de la Stampa aussi calés en géographie que not' bon p'ésident Macron ?
RépondreSupprimerAndate in Bretagna? Fermatevi a Nantes, la città di Jules Verne - La Stampa
http://www.lastampa.it/2017/06/19/societa/viaggi/mondo/andate-in-bretagna-fermatevi-a-nantes-la-citt-di-jules-verne-H09HYu9bNJ1KkoNgay6B6H/pagina.html