Le 10 mai, c’est LE jour
dans l’année où le Mémorial de l’abolition de l’esclavage attire un peu de
monde grâce à une cérémonie officielle. Cette année est annoncée spéciale parce
qu’on fête les 170 ans de l’abolition définitive de l’esclavage en France (et
peut-être un peu aussi parce que les prochaines élections municipales ont lieu
dans deux ans).
Ce n’est pas un travail
de vitrier ordinaire. Le « dossier d’intervention ultérieure sur
l’ouvrage » rédigé en 2012, une fois la
construction du monument achevée, par le cabinet italien Ingenio Group, révèle qu'à peu près rien n'a été prévu pour faciliter les réparations en cas de casse.
- Vous aviez l’impression que les quarante-six
vitrages hauts visibles au niveau du quai de la Fosse étaient
identiques ? Erreur, « tous les vitrages sont différents ».
Si leur hauteur est la même, leur largeur varie de 1,565 m à 2,720 m. Pas
question de détenir un stock de lames de rechange, il faut les refaire
individuellement à l’identique.
- À chaque vitrage est collé un profil
inox ; Ingenio conseille de le refabriquer intégralement. Pour le
réutiliser, il faudrait enlever le vitrage cassé avant de commencer la
fabrication de son remplaçant. Le Mémorial prendrait l’aspect d’une
mâchoire édentée. Et il faudrait deux opérations de levage délicates,
l’une pour enlever l’ancien vitrage, l’autre pour poser le nouveau.
- Donc, refabrication du profil. Ce qui n’est
pas si simple, à en croire Ingenio : « Dans le cas que les profils inox soient à ré fabriquer, il est
nécessaire consulter les plans de collage VEC série vvv inclus dans
les fiches de production des vitrages et individuer les codes de
production et les quantités nécessaires des profils. »
- Les matériaux et traitements mis en œuvre sont « en partie de
type standards et en partie spéciaux ». Pour ces derniers, Ingenio
préconise de recourir aux fournisseurs d’origine : Arcon (Allemagne),
Cricursa (Espagne), Dow Corning Europe (Belgique), Rubbersil (Italie), AGC
Glass (Belgique), Dekormat Glass (Espagne), Carpenteria Carena (Italie) .
Le système de collage a fait l’objet d’essais de résistance spécifiques.
Si l’on utilise des produits différents, ces essais devront être refaits.
Passons en vitesse sur
les différentes contraintes techniques et matérielles de la dépose/repose des
vitrages, cataloguées par Ingenio. Il faut prévoir un camion-grue, un palonnier
à ventouse électrique, un palan à chaîne, des bâches et chevalets et même
quelques « outils spécifiques consignés à Nantes Métropole ».
Deux des vitrages cassés
comportent des inclusions de texte. Il faudra les refaire. La sérigraphie
d’origine avait posé de sérieux problèmes techniques et causé des sueurs
froides à Nantes Métropole. Sa réfection ne sera pas forcément plus aisée.
L’avis de marché désigne un seul interlocuteur : l’espagnol Cricursa, qui
connaît les textes à sérigraphier. Mais, à en croire
Ingenio, un claquement de doigts ne suffira pas :
Les cadres pour cotiser les graphiques sur les plaques sont stockés chez
Arcon ( en Allemagne). Il faut vérifier que le cadre soit encore utilisable et
s’accorder avec le fabricant pour le délais minimale de production, normalement
les industrie qui réalisent le coating doivent contrôler leur planning de
production et vérifier pour quelle date est prévue la première « campagne de
coting » avec le métal en objet à déposer sur le verre . En autre mot, il n’est
pas possible demander un seul vitrage d’urgence sur commande. Ces
caractéristiques font que soit pas évident établir exactement les temps de
fabrication, en particulier pour les verres avec texte, parce qu’ils vont
dépendre de plusieurs facteurs strictement lié au producteur des vitrages et du
coting.
Le vitrier attributaire
du marché devra donc être un technicien d’élite doublé d’un diplomate
multilingue. Nantes Métropole, qui n’avait rien prévu, le laissera se
débrouiller.
Mais pas d’inquiétude,
tout est faisable, c’est juste une question d’argent et c’est le contribuable
métropolitain qui paiera. Combien ? L’avis de marché fixe le seuil maximum
à 600.000 euros hors taxes.
De glissements des délais en dérapages financiers, la construction du Mémorial avait déjà coûté presque 8 millions d’euros aux Nantais. Il faut y ajouter chaque année des prestations externalisées de nettoyage (si la mémoire nantaise est souillée, le Mémorial, lui, doit rester impeccable en permanence) et de télésurveillance. (Les douze caméras installées sur le site ne semblent pas avoir fait la preuve de leur efficacité puisque, apparemment, les vandales courent toujours.) On n’avait pas encore compté la casse. En visitant les lieux cet après-midi, Jean-Marc Ayrault aura matière à réflexion.
"la mémoire nantaise est souillée" ? Pouvez-vous développer ?
RépondreSupprimeron pourrait en dire du monument aux morts de la guerre de 1914-1918 et 39-45, je vous encourage à allez l' inspecter de près, d'ailleurs et sans doute parce qu'il va falloir célébrer le centenaire de la fin de la grande guerre qu'un appel d'offre a été lancé pour les restaurer, je me souviens que lors d'une manif récente on avait inscrit "mort pour rien" sur le monument la maire de nantes s'en était émue.
RépondreSupprimerMais la Mairie n'a pas été émue de l'état calamiteux des tables qui n'ont jamais été entretenues, la mémoire des atrocités doit être entretenue, ses représentations aussi
Voire des noms effacés sur les tables mémoriales c'est souiller leur mémoire, de même pour le mémorial !!!!
RépondreSupprimer@nonyme10 mai 2018 à 17:40
"la mémoire nantaise est souillée" ? Pouvez-vous développer ?"
Souillée d'être considérée comme l'une des seules responsables de la Traite négrière et autres esclavagismes...
RépondreSupprimerLa réintégration de la statue Délivrance à [peu près] sur son emplacement d'origine devant les tables mémoriales va-t-elle déchainer les passions comme en 1927 ? Tournera-t-elle à nouveau le dos au monument aux morts [pour rien] montrant ainsi ses fesses aux 5 832 noms !?
Il y a de grosses lacunes en comptabilité à Nantes, surtout avec le denier du contribuable.
RépondreSupprimerIl n'en a pas toujours été ainsi, les édiles, tel Gérard Mellier, maire de Nantes de 1720 à 1729, ont contribué directement à sa richesse. Son mémoire sur le thème du statut juridique des esclaves détaille des règles qui font du Noir un « bien meuble.
"La Négritie est une grande région d'Afrique divisée en plusieurs royaumes, dont les peuples sont si nombreux qu'il leur serait difficile de subsister si, par le trafic d'esclaves, ils n'étaient déchargés tous les ans d'une partie de ceux qui l'habitent."
Comparer Nantes et Bordeaux sur l'attractivité? Et pourquoi pas sur les activités négrières?
"L’agonie de la traite se situe au cours de la décennie 1820. La fin fut lente et difficile, les négriers refusèrent de mourir et persistèrent dans une activité devenue illégale à partir de 1815.
De tous les ports qui refusèrent de baisser le pavillon négrier, Nantes fut de loin le plus têtu. Plus de trois cents navires partirent à la traite durant ces années d’interdiction, et le plus souvent au vu et au su des autorités dont le rôle était de faire respecter cette interdiction.
Les notabilités locales fermaient les yeux parce qu’il n’était pas rare qu’elles fussent elles-mêmes impliquées dans ces opérations délictueuses. Les gens qui comptaient à Nantes comptaient justement parce que leurs parents ou grands-parents avaient bâti leur fortune et conforté leur assise sociale grâce à l’argent de la traite.
Les Bordelais l’avaient compris avant les Nantais et avaient réduit leur activité quelques années plus tôt, sans doute aussi parce que leur tradition négrière était plus récente, moins ancrée que sur les bords de la Loire."
Question(s) de mémoire : le souvenir négrier à Nantes et Bordeaux
Éric Saugera
https://journals.openedition.org/chrhc/1537
interrogeons - nous pourquoi le mémorial ne fait pas consensus il aurait du avoir des représentant des partis politiques de tout bord, des syndicats etc mais non rien sur les comptes twitter de bolo garnier chiron par exemple donc apriori ils ne sont pas venus et cela les laissent apparemment indifférents ; une statue avait été proposée par les associations noire (pour moi une très bonne idée ; mais la municipalité en a décidé autrement malheureusement il faut peut-être aussi chercher cela dans le journal l'unité du parti socialiste, la politisation de cette horreur y est aussi sans doute pour quelque chose. pas sur que LU, la BN etc y soient pour quelque chose.
RépondreSupprimer"Si la moitié de la population active vit grâce aux industries (navales et alimentaires) créées par les négriers, deux cents familles d'armateurs à peine, en profitent réellement.
http://62.210.214.184/unite/u-result_frame.php?catalogueID=19660&chaine=n%C3%A9grier&tout=n%C3%A9grier
@Anonyme11 mai 2018 à 21:01
RépondreSupprimerLa question de la valeur et de l'ampleur de la traite négrière à Nantes est close depuis les années 90. Quiconque viendrait contester votre message serait de mauvaise foi. Ou pire.
Ce qui n'empêche pas que votre message n'apporte rien.
Si débat il doit y avoir au départ de ce post, ce n'est pas sur ce point. C'est sur la façon dont sont commémorés ces siècles d'Histoire nantaise.
On peut considérer que la municipalité Ayrault a fait du bon travail.
On peut aussi considérer que ce n'est pas le cas.
Cependant, on ne peut pas contester aux seconds le droit de critiquer le mémorial et son utilisation en rappelant uniquement l'Histoire.
Si Histoire et Mémoire sont forcément liées, elles doivent aussi forcément être distinguées. Ou alors on prend le risque d'une réaction plus ou moins légitime.
La concurrence mémorielle est d'ailleurs une plaie contemporaine qu'il est difficile d'imaginer naître de la seule maladresse des décideurs et dirigeants. Cet état de fait favorise la réaction à la réaction, ce qui ne favorise pas l'apaisement.
Très sérieusement, pensez-vous que, de toute l'Hisoire de Nantes, ce ne sont pas les pages négrières qui sont les plus connues et reconnues, à la fois des Nantais et des autres ?
À partir de là, s'alarmer qu'on puisse avoir le désir de relativiser ces pages quand d'autres sombrent dans l'oubli, c'est tout aussi alarmant.
Nantes a connu d'autres épisodes humainement tragiques. Nantes a connu d'autres épisodes économiquement brillants. Plus rares sans doute sont ceux qui ont lié aussi étroitement les deux.
Mais par pitié, qu'émettre des doutes sur la valeur, le but, la qualité de la commémoration de la traite par Ayrault, surtout en se bornant à sareprésentation dans l'espace public, ne finisse pas systématiquement par un rappel des faits, sous-entendant une mauvaise connaissance de la période et/ou un mépris pour celle-ci. C'est loin de démontrer un quelconque esprit critique nécessaire à l'Humanisme.
je me méfiais simplement de la récupération politique de cette épouvantable tragédie
RépondreSupprimerdire en 1980 que les ouvriers souffraient des descendants des négriers me paraissait tendancieux il faudrait imaginer sans doute que la condition ouvrière des nantais était pire que celles des ouvriers de chez renault ou des ouvriers des filatures du nord parce que les "industriels" nantais étaient des descendants des négriers à empêché ce devoir de mémoire nécessaire d'une grande partie des nantais et a sclérosé le débat pendant de nombreuses années. A l'époque on avait critiqué le maire Chauty car ne voulait pas faire cet amalgame laissons aux associations le soin de prendre en main les commémorations nécessaires...au passage beaucoup de suisses d'irlandais de descendants espagnols, sont venus participer à la traitre soient directement, soient comme indienneurs, raffineurs etc...
Mais il n'est pas vrai du tout que Nantes ait occulté le souvenir de la traite jusqu'à l'arrivée de [sonnez hautbois, résonnez musettes !] Jean-Marc Ayrault ! C'est ce qu'on nous serine depuis un quart de siècle, mais c'est une pure construction de la propagande municipale. J'ai consacré un billet au sujet dans le temps : https://lameformeduneville.blogspot.fr/2012/04/memorial-de-labolition-de-lesclavage-1.html
RépondreSupprimerEt ce très policé mémorial, qui incite le visiteur par une plongée dans la cale à une réflexion, une introspection, etc. sert aussi de tremplin pour perpétuer la posture humaniste initiée localement, au plan national.
RépondreSupprimerNon Jean-Marc 1er n'est pas mort car il mémorial encore.
Selon 20 Minutes :
"Le chef de l’Etat était au Panthéon, ce vendredi, à l’occasion de la cérémonie du 170e anniversaire de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises. Emmanuel Macron y a annoncé la création de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage. Symboliquement, elle « sera logée à l’Hôtel de la Marine où l’abolition de l’esclavage fut décrétée le 27 avril 1848 », par Victor Schoelcher, a affirmé le président de la République.
Elle « sera dotée de moyens humains et financiers mais aussi scientifiques, pour mener des missions d’éducation, de culture, de soutien à la recherche et aux projets locaux, sous la présidence de Jean-Marc Ayrault, ancien Premier ministre et figure éminente de cette mémoire », a-t-il ajouté."
Et toutes ces belles considérations occultent les petits détails sordides de ce commerce abjecte qui a rapporté gros à la bourgeoisie libérale locale.
Ce n'est pas valorisant pour l'image et l'attractivité métropolitaine certes, pas plus que l’évacuation des squats de migrants.