28 avril 2025

Par quoi remplacer le palais de justice de Nantes ?

Le sort futur du site actuel de l’Hôtel-Dieu est en discussion, mais il ne devrait pas y avoir photo : l’emplacement est idéal pour une cité judiciaire. Le palais de justice de Nantes est trop petit et ne pourrait être agrandi sans sacrifier des dizaines d’arbres. Donc c’est fichu, il faut le mettre ailleurs. La solution évidente est de le déplacer de 500 mètres vers l’autre rive de la Loire, où l’on aura dans deux ans tout l’espace voulu. La vraie question n’est donc pas « Que faire du site de l’Hôtel-Dieu » ? mais « Que faire du site du palais de justice ? »

Cet énorme bâtiment conçu en 1993 et achevé en 2000 a causé plus que sa part d’ennuis techniques. Certains le trouvent beau parce qu’il est signé d’un architecte connu, mais c’est un peu comme certains Picasso de la dernière période : la principale qualité de l’œuvre, c’est sa signature. Ceux qui le trouvent moche sont sûrement plus nombreux.


Surtout, c’est un non-sens urbanistique. Ce gros cube noir est l’antithèse de la Kaaba. On ne tourne pas autour pour l’honorer mais pour l’éviter. Il dresse un obstacle massif entre le centre-ville et un quartier qui aurait dû être celui de la création. Supprimons l’obstacle ! Et bâtissons sur ses ruines une place de la Création homothétique de la place du Commerce sur l’autre rive de la Loire.

Rien ne s’oppose à ce que les deux places soient reliées par un téléphérique. Et pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Il ne resterait qu’à prolonger le cheminement vers la pointe de l’île où un pont transbordeur déposerait les usagers à la porte du musée Jules Verne et du Jardin extraordinaire. Du délire ? Certainement beaucoup moins que de construire un CHU sur une île !

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https://nantesplus.org/hotel-dieu/

L’Hôtel-Dieu va devenir la Cité judiciaire de Nantes…












23 avril 2025

Johanna s’inquiète plus des dettes payées jadis par les Haïtiens que des dettes à payer demain par les Nantais

Commémorer, deux siècles après, la dette d'un pays étranger éteinte depuis longtemps : idée bizarre s’il en est. Johanna Rolland l’a eue cependant. Elle s’est associée à Pierre Hurmic et Jean-François Fountaine, maires de Bordeaux et de La Rochelle pour publier dans Le Monde une tribune sur l’ordonnance du 17 avril 1825 par laquelle Charles X a « concédé » à Haïti son indépendance.

La date cloche. Au 17 avril 1825, Haïti s’était libéré de facto depuis plus de trente ans et de jure depuis plus de vingt ans avec sa déclaration solennelle d'indépendance du 1er janvier 1804 ! Accessoirement, l’expédition Leclerc envoyée en 1801 par Napoléon pour reprendre le contrôle de la colonie avait été un échec sanglant. Alors, pourquoi cette ordonnance à retardement ? Parce que, Johanna Rolland semble l’ignorer, Haïti la demandait. Non pour obtenir son indépendance mais pour que celle-ci soit reconnue en droit international.


Ses dirigeants y tenaient tant qu’ils avaient proposé en 1814, en 1821 et en 1824, de verser une indemnité au profit des colons dépossédés. Ils avaient proposé spontanément 80 millions de francs et en avaient accepté 100. Charles X avait réclamé 150 millions payables en cinq fois (« sous la menace militaire », affirme la tribune municipale... alors que la France était bien incapable de faire en 1825, dix ans après Waterloo, ce qu’elle avait été incapable de faire en 1801). Les trois maires évoquent donc « le versement d’une somme de 150 millions de francs or ». Comme s’ils ignoraient – on a peine à le croire – que, après un premier paiement de 30 millions, Haïti a obtenu que le solde de la dette soit ramené de 120 à 60 millions payables sur trente-neuf années sans intérêt.

Selon le New York Times, recopié sans discussion par Johanna Rolland, la valeur actuelle des versements faits par Haïti à la France en l’espace de soixante-dix ans est de 525 millions d’euros, soit environ 350 euros par habitant, pour une population moyenne de 1,5 million d’habitants  à l’époque. Est-ce peu ou beaucoup ? À l’évidence, c’était trop pour un pays ravagé par les guerres civiles. Reste que la dette de Nantes Métropole dépassait 1 061 millions d’euros à fin 2023, soit 1 550 euros par habitant (ce qui, il est vrai, n’est pas grand-chose à côté des 49 120 euros par tête de notre dette nationale).

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La mémoire haïtienne de Johanna Rolland a des lacunes

18 avril 2025

Adieu à Denise Rigot-Dessirier

 Il y a des jours où ile microcosme métropolitain paraît dénué du moindre intérêt. À quoi bon l’accabler de sarcasmes sur ses ridicules, ses petitesses et ses illusions ? La disparition de Denise Rigot-Dessirier la semaine dernière renvoie à de plus justes valeurs.

Denise était une grande poétesse. Une poétesse contemporaine aussi : l’électronique était devenue son mode d’expression naturel. Chaque jour ou presque, deux fois même certains jours, elle était présente sur Facebook. L’immédiateté du web répondait à la spontanéité de son œuvre. Oh ! comme tout un chacun, elle aspirait à la chose imprimée, elle y voyait une sorte de bâton de maréchal, elle espérait qu’un éditeur la découvrirait, qu’un jour son princeps viendrait. Chez Stellamaris, elle avait publié L’Enclos des jours ; ce joli recueil était aussi un enclos des pages. Elle, si sensible aux « cloches lourdes dans le soir ténébreux », à « l’ombre solitaire d’un arbre qui semble attendre un bout d’éternité », au « jardin secoué par l’orage », au « matin colorié comme un dessin d’enfant », ne pouvait être parfaitement servie par une encre figée.

Son talent à fleur de peau ne semblait jamais en repos. Elle créait sans relâche des visions saisissantes, si simples pourtant, faites de fragments de tous les jours – un gros bourdon, deux pluies diamantées, une femme aux voiles rouges, l’eau morte du bassin, un rêve de goudron… ‑ immédiatement reconnaissables comme siennes et néanmoins toujours renouvelées, jamais répétées. Elle ne se baignait jamais deux fois dans la même ode ! Et son style était libre comme elle ‑ libre mais jamais relâché, comme guidé par une sorte de common decency poétique. Sa versification se coulait dans l’inspiration du moment. Elle n’usait des rimes qu’autant qu’il lui convenait. Elle ne se revendiquait d’aucune école. Un spécialiste rattacherait peut-être son lyrisme du quotidien au surromantisme par lequel René-Guy Cadou désignait « une voix aussi éloignée de l’ouragan romantique que des chutes de vaisselle surréalistes ».

Denise (à gauche) et Gérard (3e à partir de la gauche) en 2015
avec des artistes russes sur les rives du Golfe de Finlande

Elle était cependant guidée par une étoile polaire : son amour pour son mari, Gérard Rigot, artiste magnifique devenu peintre et sculpteur après avoir exercé cent métiers, fameux notamment pour ses meubles animaliers, qui lui ont valu une grande renommée et de nombreuses contrefaçons à l’étranger, encore aujourd’hui. Le cliché « couple fusionnel » a rarement été aussi juste. Ces dernières années, ils ne quittaient plus guère leur grande maison peuplée d’œuvres, de souvenirs et de rêves, mais les habitués du Flesselles d’avant le covid-19 ont certainement en mémoire la haute stature et la crinière léonine de Gérard côte à côte avec les boucles rousses et le sourire lumineux de Denise. Ils ne passaient jamais inaperçus. « Ces Français sont fous », s’amusait leur guide russe quand Gérard, largement octogénaire déjà, avait escaladé en compagnie de Denise, flasque de vodka en poche, les toits de Saint-Pétersbourg.

Gérard, multipliait inlassablement les portraits de sa femme. Jamais nommé pourtant, il tenait une place majeure dans l’œuvre de celle-ci. Beaucoup plus jeune que lui, Denise s’était laissée envahir par la crainte immanente du moment où il ne serait plus là : « Et je ne savais pas/qu’un jour tu serais vieux (…) Je t’ai cru éternel ». Il ne l’aura jamais démentie. Les derniers mots de son dernier poème, composé sur son lit d’hôpital, ont été pour lui : « Ô mon aimé. Ne m'abandonne pas. JE T'AIME. »

05 avril 2025

Pour un musée Laennec dans le nouveau CHU de Nantes

Depuis quand Nantes n’a-t-elle pas rendu d’hommage officiel à René-Théophile Laennec (1781-1826), et plus largement au trio de médecins Guillaume, René-Théophile et Mériadec Laennec ?

  • L’hôpital Guillaume et René Laennec, alias hôpital Nord ? Il a reçu ce nom en 1984, lors de la fermeture de l’ancien hôpital Laennec de Chantenay, ainsi dénommé en 1927 (un hôpital parisien portait le nom de Laennec depuis 1879).
  • Le buste érigé devant la fac de médecine ? Il est le fruit d’une initiative personnelle du docteur Jean-Pierre Kernéis (1918-1999), doyen de la faculté de médecine, du docteur Charles Le Séac’h (1908-1996), président du conseil départemental de l’Ordre des médecins et de plusieurs de leurs collègues, pour commémorer en 1981 le bicentenaire de la naissance de René-Théophile Laennec.
  • La rue Laennec ? Elle a pris ce nom en 1890, et le conseil municipal d’alors s’étonnait que son hommage vienne si tard.


Guillaume Laennec (1748-1822), né à Quimper, a donné une impulsion décisive à l’Hôtel Dieu et a été le premier directeur de l’école de médecine de Nantes. Il a élevé son neveu René-Théophile (1781-1826), devenu chirurgien à l’Hôtel Dieu dès l’âge de 18 ans avant de poursuivre une carrière parisienne et de prendre une place importante dans l’histoire de la médecine comme inventeur, entre autres, du sthétoscope et des principes de l’auscultation médiate. Mort à 45 ans, René-Théophile a désigné comme héritier et continuateur son neveu Mériadec Laennec (1797-1873), directeur de l’école de médecine à l’instar de son père mais aussi maire de La Chapelle-Basse-Mer et président du conseil général de Loire-Inférieure.

Un bicentenaire incontournable

Guillaume, René-Théophile et Mériadec mériteraient bien un hommage collectif qui soutiendrait le prestige médical de la Ville. L’université de Nantes possède un important fonds Laennec, légué par un descendant, qui comprend les manuscrits scientifiques de René-Théophile et ses premiers stéthoscopes. On n’y accède que sur rendez-vous. La construction du nouveau CHU devrait être l’occasion d’en faire un musée ouvert au public. Il pourrait être élargi à d'autres avancées médicales nantaises, comme celles dues au professeur Eugène Cornet (1917-1979), patron de l'ancien hôpital Laennec. Il serait inauguré le 13 août 2026, pour le 200e anniversaire de la mort de René-Théophile.

À condition bien sûr que Johanna Rolland et les siens ne se braquent pas sur les opinions politiques de ce trio de grands savants nantais. Guillaume, fervent républicain dégoûté par les abus de la Révolution à Nantes, a été témoin à charge dans le procès de Carrier. René-Théophile, qui avait trop vu la guillotine fonctionner sous sa fenêtre place du Bouffay, était catholique et royaliste. Mériadec, gendre de Lucas-Championnière et monarchiste lui aussi, a été révoqué par le gouvernement socialiste de 1849. Des couleuvres peut-être difficiles à avaler…

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Nantes redécouvrira-t-elle Laennec avant 2026 ?