27 septembre 2013

Nantes, capitale verte : (11) l'échec stanbouliote et la reconquête de Constantinople

Vous pensiez que l’étape manquée de l’Aéroflorale II à Istanbul était l’un de ces petits foirages que notre Green Capital balaierait discrètement sous le tapis ? Même pas ! La Gazette – l’expédition de Nantes en Europe, chic magazine de voyage gratuit largement diffusé par Nantes Métropole (mais attention, imprimé sur papier recyclé, hein !) y consacre deux de ses seize pages A3 en quadrichromie, à égalité avec les villes réellement visitées, Bruxelles, Turin et Hambourg. Il faut croire que les communicants n’ont pas voulu bouleverser leur chemin de fer et que les contrats avec l’illustrateur Denis Clavreul et le photographe Erwan Balança étaient déjà signés et honorés.

La Green Capital tente même de transformer sa défaite en victoire. Elle n’a pas pu poser son Aéroflorale sur le terrain ? La Gazette titre sa double page « Istanbul recovered land/Istanbul espaces reconquis », comme si MM. Balança et Clavreul étaient montés tout seuls à l’assaut pour réparer l’affront, voire reprendre Constantinople à l’envahisseur ottoman de 1453.

Ils ont quand même eu de la chance de trouver leur chemin : la carte géographique publiée par La Gazette situe Istanbul du mauvais côté du Bosphore* !
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* Administrativement parlant, Istanbul s’étend de part et d’autre du détroit. Cependant, même sa partie asiatique se situe à l’ouest du point indiqué sur la carte. Et tous les lieux cités par La Gazette – les murailles de Constantinople, l’université de Bogazici, Sisli, Kilyos – appartiennent à la partie occidentale de la métropole turque.

L’intégrale de Nantes, capitale verte :

26 septembre 2013

Nantes, capitale verte : (10) de vert lasse…

« Ah ! ils ne s’installent pas place Royale, cette fois-ci ? », demande une passante. En ce début de nuit place du Bouffay, l’Aéroflorale II n’est pas encore en place qu’elle relève déjà du déjà-vu. Il est vingt-deux heures trente, la serre volante vient d’arriver et… SCOOP ! elle ne vole pas du tout. Elle est stockée en pièces détachées sur deux semi-remorques flanqués d’un camion-grue et de deux ou trois chariots élévateurs, sans parler d’un essaim de motards de la police nationale.
Les sons des gros diesels et les parfums de gazole tournent dans l'air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Demain, les communicants municipaux feront semblant de s’extasier encore sur cette expédition « scientifique » arrivée dans la nuit avec ses chicons récoltés à Bruxelles et sa vigne bouturée à Turin, ils serviront à nouveau la fable du « mode de fonctionnement exclusivement végétal » et de l’engin qui vole grâce au méthane des plantes embarquées…
Stop ! À l’heure où les Nantais commencent à recevoir leurs avis d’impôts locaux, c'est sans doute la pitrerie de trop. Il est temps d’en finir avec l’année Green Capital !
L'expédition n'a pas seulement ramené des plantes de Bruxelles, Turin et Hambourg,
elle s'est aussi fournie en ruban de délimitation à La Roche-sur-Yon

25 septembre 2013

Nantes, capitale verte : (9) Y zont l’Aéroflorale, et faut encore qu’y râlent !

‑ Le 26 septembre, l'Aéroflorale II revient à Nantes nous raconter son Expédition végétale à travers l’Europe dans le cadre de l'année Nantes Green Capital. Quel long périple international !
‑ Mais, attendez… l’Aéroflorale, elle était à La Roche-sur-Yon au mois de juin, non ?
‑ Ah ! ça ne compte pas, elle y assurait une prestation commerciale comme une machine de La Machine, pas comme représentante de la Green Capital. D’ailleurs, La Roche-sur-Yon, est-ce seulement en Europe… ?
‑ Tout de même plus qu’Istanbul, qui faisait partie du programme officiel des déplacements !
‑ Oubliez Istanbul : en fin de compte, l’Aéroflorale n’y est pas allée.
‑ Ah ! mais cette étape était prévue par la convention entre Nantes et La Machine. Est ce que Nantes va verser à l’association de François Delarozière le dédommagement de 67.740 euros hors taxes prévu au contrat ?
‑ Joker ! L’important est que le reste du parcours à travers l’Europe ait eu lieu.
‑ C’est-à-dire ?
‑ Bruxelles, Turin, Hambourg.
‑ Et... ?
‑ C’est tout.
‑ Trois villes seulement, c’est ça le grand tour d’Europe promis à la Commission européenne et qui devait faire connaître les réalisations exemplaires de Nantes à tout le continent ?
‑ L’important est d’avoir visité des villes qui avaient besoin d’un bon exemple.
‑ Hambourg n’avait pas grand chose à apprendre : elle a été Green Capital avant Nantes, en 2011.
‑ C'est vrai. Mais comme Hambourg nous avait visités en 2011, il fallait bien lui rendre la pareille.
‑ Hambourg a aussi envoyé un machin bizarre dans trois autres villes européennes ?
‑ Euh… non, un train de sept wagons qui a visité dix-huit villes, dont Nantes.
‑ Un train entier, et dans dix-huit villes ! On comprend que le Morgen Post montre un peu d'ironie envers notre « sogenannte Aeroflorale », qui prétend voler grâce au biogaz de plantes pourrissantes et qu'il faut péniblement transporter en semi-remorque dans trois villes seulement.
‑ C’est qu’il n’a pas bien compris le principe. À Hambourg, ils manquent d'imagination : quand ils font du développement durable, ils font du développement durable. À Nantes, quand on fait quelque chose, l’essentiel est de faire semblant et de raconter des histoires. C’est culturel !
‑ Et elles ont été prises au sérieux, nos histoires ?
‑ Il suffit de voir les foules enthousiastes qui se pressaient autour de l’Aéroflorale à Bruxelles, à Turin, et même à Hambourg ! Et le nombre immense d'internautes qui ont regardé les vidéos mises en ligne* !
Bruxelles

Turin

Hambourg
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* Au 25 septembre à 11 h 30, pour les trois vidéo citées en lien, respectivement 21, 203 et 1.144 vues.

L’intégrale de Nantes, capitale verte :

24 septembre 2013

Les Machines de l'île au rythme du Carrousel : (5) Pierre Orefice confirme le recul

La fréquentation des Machines de l’île a baissé cet été, vient de reconnaître Pierre Orefice. Mais, ajoute-t-il, cette baisse est « beaucoup moins forte que celle que nous avions connue entre l’été 2007 et l’été 2008 ». Comme d’habitude, le patron des Machines sollicite un peu ses chiffres.

Avec 180.000 billets vendus en juillet-août, la baisse est de 16,8 % par rapport aux 215.000 billets de juillet-août 2012. À l’été 2008, la baisse avait été de 30 % (82.700 billets au lieu de 117.800). En pourcentage, certes, la baisse de 2013 est moins forte que celle de 2008. Mais en nombre de billets vendus, elle est identique : environ 35.000 billets en moins.

Et surtout, ce calcul revient à comparer des pommes et des oranges, car le Carrousel n’est entré en service que le 15 juillet 2012. Si l’on compare uniquement les périodes du 15 juillet au 31 août, la baisse doit plutôt être de l’ordre de 25 %. Et comme l’éléphant a continué à faire le plein, on peut imaginer que le Carrousel a perdu quelque chose comme un tiers de ses visiteurs.

Compte tenu du calcul pifométrique effectué ici voiciquelques jours, la fréquentation 2013 devait être de l’ordre de 415.000 billets vendus à fin août. Les quatre derniers mois de l’année représentent en général environ 25 % de la fréquentation de l’année entière. En continuant sur leur lancée jusqu’à la fin de l’année, les Machines pourraient donc tabler sur environ 555.000 billets vendus, soit 7,5 % de moins que l’objectif des 600.000 visiteurs plusieurs fois annoncé par Pierre Orefice et à peu près 12 % de moins qu’une simple extrapolation de la fréquentation 2012.

Pierre Orefice n’a pas dit quelles conséquence cette évolution aurait pour le compte d’exploitation des Machines de l’île. Mais on note que leurs charges ont augmenté de 64 % (oui, soixante-quatre pour cent !) en 2012, tandis que leurs produits, hors subventions, progressaient de 58 % seulement. Malgré son succès, le Carrousel aurait donc creusé le déficit d’exploitation. Si la fréquentation fléchit, cet effet devrait s’aggraver.

20 septembre 2013

Les Machines de l'île au rythme du Carrousel : (4) Comme un sparadrap légué par Jean-Marc Ayrault

Avec l'aménagement du site des Chantiers, Jean-Marc Ayrault voulait faire de Nantes une destination touristique internationale. Il marchait ainsi sur les traces de Bilbao : après la fermeture de ses chantiers navals, à peu près en même temps que ceux de Nantes, la grande ville basque s'était fait connaître du monde entier en construisant sur leur emplacement le musée Guggenheim. Celui-ci a ouvert ses portes en 1997. Il faudrait sept ans de plus à Jean-Marc Ayrault pour mener à bien sa très, très longue réflexion.

Une demi-douzaine de projets lui avaient été proposés. Un cabinet de conseil extérieur, Cultura, avait été chargé de les évaluer. Il avait classé en bas de liste celui de Pierre Orefice et François Delarozière. C'est néanmoins celui-là que Jean-Marc Ayrault, quinze ans après son élection à la mairie de Nantes, ferait voter par le conseil communautaire de Nantes Métropole le 18 juin 2004. Les Machines étaient alors définies comme « un projet touristique ‘véritable outil d’aménagement des espaces d’activités et de vie’ dans le cadre du projet Ile de Nantes qui puisse contribuer au renforcement de l’image de la métropole et au développement économique de l’agglomération. Le projet retenu doit être de grande qualité et capable d’attirer un public à la fois national et international. »

L’échec est patent : en 2012, leur sixième année d’activité, les étrangers n’étaient pas plus de 6,8 % parmi les visiteurs des Machines. Plus de la moitié de ces derniers habitent Nantes ou la Loire-Atlantique* et pas loin d'un sur cinq les départements limitrophes. Sans doute les touristes vont-ils voir les Machines s’ils viennent à Nantes, mais il ne viennent guère à Nantes pour voir les Machines. D'ailleurs, si les Machines avaient vraiment drainé les touristes, la ville n’aurait pas eu besoin de lancer le Voyage à Nantes, qui visait le même objectif.

Même sur le plan de l’image, les responsables nantais se font des illusions quand ils répètent machinalement, c’est le cas de le dire, que les Machines sont connues dans le monde entier (sans d’ailleurs se demander à quel point il est souhaitable d’associer le  nom de Nantes à une attraction foraine). Seul l’éléphant a acquis une vaste notoriété, mais elle est moins colossale que lui-même et ne progresse pas ; au contraire, elle tend à s'éroder peu à peu, comme le montre le graphique Google Trends ci-dessous.

Depuis le grand succès de son lancement en 2007, l'intérêt suscité par l'éléphant
(courbe bleue) décroît lentement. A titre de comparaison, la courbe rouge révèle la
notoriété d'un autre dispositif tourné vers le tourisme international : La Loire à vélo.
La construction des Machines a coûté cher. Leur exploitation reste déficitaire. Leur attractivité internationale et même nationale est faible. Leur effet d’entraînement économique n’est sans doute pas meilleur. Mais leur nuisance n’est pas négligeable car, pendant ce temps-là, le potentiel du site des Chantiers reste sous-exploité. De plus, la ville et la métropole leur consacrent des budgets et des moyens qui pourraient être plus utiles autrement (notamment sur le plan de la communication : depuis 2007, a-t-on vu un numéro de Nantes Passion sans son éléphant ?).

La seule vraie réussite des Machines, mais ce n'était pas ce qu'on leur demandait, est la popularité de l’éléphant auprès du public nantais. Le dimanche, les familles vont se balader sur le site des Chantiers pour « voir l’éléphant ». Et à cause de cela, sa disparition est politiquement inimaginable. Tant qu’il tiendra debout, tout en sachant qu’il faudrait faire autre chose, on lui laissera son terrain de jeu et ses subventions. Tel est le legs de vingt-trois ans de mandat municipal : merci Jean-Marc !
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* Dans le rapport de DSP 2012 des Machines, un graphique (p. 6) indique que 48,3 % du visitorat serait issu de Loire-Atlantique : moins de la moitié, l’honneur est presque sauf. Mais on découvre p. 6 que 255.144 visiteurs viennent en fait de Nantes et de la Loire-Atlantique, soit 50,5 % des visiteurs.

18 septembre 2013

Les Machines de l'île au rythme du Carrousel : (3) Un trou financier sans fond ?

Le billet d’entrée coûte trop cher par rapport à la prestation reçue : c’est le reproche n°1 adressé aux Machines de l’île, y compris par les visiteurs satisfaits. Cela n’empêche pas le déficit d’exploitation de s’accroître chaque année. L’ouverture du Carrousel des mondes marins, un succès de fréquentation pourtant, n’a fait que le creuser. Les progrès de la librairie et du bar*, l’ouverture d’une nouvelle buvette et l’augmentation de 50 % du potentiel de l’éléphant** n’ont pas suffi à compenser.

À 8 euros, le prix du billet au tarif plein a dérapé de 33,3 % en quatre ans (et comme le parcours de l’éléphant a diminué dans la même proportion, le prix au mètre parcouru a carrément doublé ; à ce tarif-là, le trajet Nantes-Paris en éléphant coûterait environ 12.000 euros). Ça n’a pas suffi non plus.

Les Machines auraient dû « tendre vers l'équilibre » dès 2009 mais réclament chaque année plus d'argent aux contribuables ; leur patron, Pierre Orefice, assurait encore en octobre dernier*** que la subvention s'élèverait à 1,1 million d’euros en 2012. Ça n’a toujours pas suffi : il a fallu la porter à 1,3 million d’euros, soit 42 % de plus qu'en 2011. La billetterie a rapporté 3,068 millions pour 505.244 billets vendus, c’est-à-dire que chaque billet est vendu en moyenne 6,07 euros et subventionné à hauteur de 2,57 euros. La subvention représente ainsi 42 % du prix payé par le visiteur et près de 30 % du coût total.

Et quand ça veut pas, ça veut pas. Dans leur Rapport 2012 de délégation de service public, entre autre cocoricos, les Machines se glorifient, en caractères gras et point d’exclamation à la clé, d’un « progrès de 25 % par rapport à l’année 2011 » du nombre de visiteurs en groupes. Il vaudrait peut-être mieux ne pas s’en vanter car, dans le même temps, le chiffre d’affaires réalisé avec ces groupes a en fait reculé de 3 %, passant de 427.000 euros à 414.000 euros. Explication : les « groupes affaires », plus lucratifs, sont en chute libre alors que les « groupes agrément », du genre sorties scolaires, ont progressé de 40 % : l’Éducation nationale vient à la rescousse des Machines, mais cet expédient ne peut mener bien loin.

Peut-on espérer mieux en 2013 ? Probablement pas : le problème est clairement structurel. Puisque le Carrousel n’a fait qu’aggraver le déficit chronique des Machines au lieu de le réduire, et que sa fréquentation paraît plutôt en déclin, l’avenir n’est pas glorieux.
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* La librairie et le bar sont tous deux très rentables. Il faut dire qu'ils bénéficient gratuitement d'un emplacement privilégié : ça aide. 
** Grâce au découpage de ses tournées en trois tronçons au lieu de deux, l’éléphant a transporté 14.515 passagers supplémentaires en 2012, soit environ 7 % de la hausse globale de fréquentation des Machines en 2012.
** Presse Océan du 4 octobre 2012, propos recueillis par Stéphane Pajot et Philippe Corbou.

16 septembre 2013

Les Machines de l'île au rythme du Carrousel : (2) Ce que les visiteurs disent n’est pas toujours fiable

Au 13 septembre, les Machines de l’île avaient fait l’objet de 492 avis sur TripAdvisor. Ce n’est pas mal du tout pour une attraction jeune. C’est davantage que le château, la cathédrale et le jardin des plantes réunis. La note moyenne est d’environ 4 étoiles sur 5. C’est bien sans être remarquable : le château, la cathédrale ou le jardin des plantes font mieux. Les utilisateurs de TripAdvisor sont bon public et un peu nombrilistes : parce qu’ils y sont allés, ils adorent adorer les endroits où ils sont allés.

Et même ceux où ils ne sont pas allés. Trois commentateurs nantais se sont extasiés au mois de mai 2013 sur le Musée des Beaux-arts. « La collection d'œuvres est impressionnante et riche ! » s’exclame finebouche44 « Il y en a pour tous les goûts, on peut y passer des heures... ». Voire des années : comme on sait, le Musée est fermé depuis septembre 2011 !

Les Machines de l’île ne sont pas à l’abri. Avec les meilleures intentions du monde, certains visiteurs déraillent franchement. « Renseignez vous avant de venir », prévient Martine, de Nantes, « quelques fois les machines vont dans d'autres villes faire le spectacle et ce serait dommage qu'elles ne soient pas là le jour de votre venue. » Souvent, les Machines sont attribuées à Royal de Luxe. « Royal de luxe fait des miracles et je suis effarée que les gens prennent ce travail minutieux avec tant de dédain », s’indigne ainsi spool_r.

Malgré le parking sauvage et les poubelles,
les visiteurs apprécient le site des Chantiers.
Mais la confusion la plus fréquente est de classer sous la rubrique « Machines » l’ensemble du site des Chantiers (« vraiment sympa de par les jeux présents et l'espace libre pour les enfants. la vue des quais et sur le bâteau militaire est bien aussi »), voire le Hangar à bananes ou même l’île de Nantes entière (« The architecture of ile de Nantes is really amazing »). Le manège d’Andréa, « un régal pour les yeux », est plus d’une fois assimilé aux Machines alors que c’est une entreprise privée. Au moins 20 % des avis sur les Machines parlent en fait d'autre chose.

L’éléphant est très apprécié ; le Carrousel des mondes marins et la Galerie des machines laissent davantage sceptique. Mais, y compris parmi les plus enthousiastes, environ 10 % des commentateurs se contenteraient aussi bien de profiter du spectacle gratis. « L'éléphant en marche est à voir, c'est splendide », écrit l’un. « Inutile de payer l'entrée pour les nefs, le spectacle est à l'extérieur, sauf pour les passionnés de mécanique », estime un autre. Commercialement parlant, c’est mauvais signe. D’autant plus que le point faible des Machines est clairement le prix du billet. Environ la moitié des avis, proportion énorme, le signalent, y compris parmi les plus positifs (« Le prix est conséquent mais justifié »).

Les avis en langue étrangère sont proportionnellement plus nombreux que les visiteurs étrangers. Les commentaires en anglais, une centaine, émanent souvent de grands voyageurs, mais on note aussi une minorité significative de locaux soucieux de faire du gringue au public anglophone. Les moins satisfaits sont les Italiens (« che super delusione ! »).

13 septembre 2013

Les Machines de l'île au rythme du Carrousel : (1) Sous la barre des 600.000 billets

La fréquentation des Machines de l'île ne devrait pas atteindre les 600.000 visiteurs cette année. « On s'y attendait », a assuré Pierre Orefice à Ouest France, alors qu'il avait plusieurs fois réaffirmé cet objectif.

Celui-ci n'était déjà pas très ambitieux. En tendance, il représentait une baisse de la fréquentation. Démonstration : les Machines ont vendu 505.244 billets en 2012*. Le Carrousel des mondes marins n’a été ouvert qu’à partir du 15 juillet. Il a dès lors attiré la moitié de la fréquentation totale. Bon an, mal an, la fréquentation du premier semestre représente 40 % de celle de l’année entière. Par ailleurs, le Carrousel a reçu en moyenne 2.414 visites par jour entre son ouverture et la fin août 2012. Puisqu’il aura fonctionné toute l’année en 2013, une simple extrapolation des chiffres ci-dessus aboutissait à une prévision d’au moins 630.000 billets pour l’année entière.

Cependant, la fréquentation réelle du premier semestre 2013 justifiait le « On s’y attendait » du patron des Machines. À fin décembre 2012, celles-ci avaient officiellement vendu 1.793.874 billets depuis leur ouverture en 2007. Elles ont célébré leur deux millionnième visiteur le 21 juin. Elles avaient donc accueilli à cette date 206.126 passagers en 2013. En supposant qu’elles aient vendu 3.500 billets chaque jour du 22 au 30 juin (soit le score moyen d’une journée de juillet-août 2012), le bilan du premier semestre serait, au mieux, de 234.126 billets pour le premier semestre. L’application de la règle empirique des 40 % pour cette période donnerait donc environ 585.000 billets pour l’année.

On n’en est même plus là : d’après Ouest France, Pierre Orefice table désormais sur une fourchette de 550.000 à 580.000 billets vendus en 2013. Le recul n’est pas catastrophique, mais il va dans le mauvais sens et contraste avec les résultats plutôt bons de la saison touristique en Loire-Atlantique. On comprend mieux pourquoi Pierre Orefice et François Delarozière ont fait le forcing au printemps pour tenter d’obtenir de Nantes Métropole la commande de l’Arbre aux hérons.
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* C'est du moins le chiffre officiel, mais le score réel de 2012 demeure incertain. Comme on l’a signalé au mois de juin, les statistiques de fréquentation mises en ligne par Nantes Métropole ne mentionnent que 475.686 visiteurs, soit près de 30.000 de moins ! Marie-Laure Le Pomellec, élue d’opposition, a demandé une explication de cet écart lors du dernier conseil municipal  ; il ne semble pas qu’elle ait reçu de réponse. Par ailleurs, un autre document officiel, le rapport de la DSP, fait état de trois chiffres différents : tantôt 505.244 visiteurs, tantôt 506.791 (total du graphique p. 6), tantôt 505.861 (p. 7). De plus, il parle systématiquement de "visiteurs" quant il faudrait parler de "billets vendus" ; un visiteur achète en moyenne 1,4 billet, de sorte que le nombre réel de "visiteurs" en 2012 est inférieur à 361.000. Il y a toujours eu du flou dans les chiffres des Machines.

10 septembre 2013

Sanagare : une vue imprenable sur des promesses enterrées

« Sanagare raconte l’histoire d’un mariage entre un parc, la Loire et l’hôpital », assure le Carnet de déambulations édité par la Samoa pour présenter le Parcours Green Island – sa contribution à l’année Nantes Green Capital. De quoi susciter la perplexité puisqu’on ne voit là ni parc, ni Loire, ni hôpital, et pas davantage d’histoire. Sanagare, échafaudage métallique au milieu d’un gros pâté de sable érigé sur l’île Sainte-Anne, boulevard de la Prairie au duc, offre en revanche une vue imprenable sur divers chantiers routiers et immobiliers.

Visite à éviter, donc ? Eh ! bien non. Les jours de soleil, la structure métallique du belvédère engendre d’intéressants jeux d’ombres et de lumières sur la butte de sable qui l’entoure. Et surtout, au moins autant que les petits bonzoms d’Isaac Cordal, ce no man’s land invite à une réflexion sur la vanité de l’existence humaine et des promesses municipales.

À son pied s’étend la nouvelle voie créée parallèlement au boulevard de la Prairie au duc sur les terrains de la gare de marchandises. Dans la préhistoire de l’île de Nantes, en décembre 1999, il était prévu de creuser là vers 2015 un bassin à flot aménagé en un port de plaisance bordé de commerces et de logements. Enthousiasmée par cette idée, la municipalité retient le projet d'Alexandre Chemetoff.

Quelques années plus tard, le projet de bassin à flot est rétrogradé au rang d’une « intention ». Quelques années encore et, une fois l'idée d’un déménagement du CHU sur l’île de Nantes sortie comme un lapin d'un chapeau, Chemetoff est remercié et l’intention discrètement passée à la trappe. Aujourd’hui, au lieu du port de plaisance, nous avons une route de plus. Dans le mariage à trois de Sanagare, le cocu, c’est la Loire.

08 septembre 2013

Jean Blaise scie-t-il la branche sur laquelle il est assis ?

Attirer les touristes dans les villes de province n’est pas facile. Marseille, capitale de la culture 2013 est en concurrence avec Nantes, capitale de la verdure 2013. Elle a reçu un soutien de poids : celui de Jean Blaise, concepteur de l’exposition « Présentée vivante », visible jusqu'à fin octobre au Centre de conservation et de ressources du nouveau Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM).

Fronton du siège de
Le Voyage à Nantes, rue Crucy
Jean Blaise est directeur général de Le Voyage à Nantes, société publique locale chargée par délégation de service public d’exploiter, gérer et mettre en œuvre la politique touristique de Nantes Métropole. Outre l’opération de promotion estivale du même nom, Le Voyage à Nantes, gère l’office de tourisme, le château de Nantes, les Machines de l’île, le Mémorial de l’abolition de l’esclavage, HAB Galerie, etc. Il faut croire que la direction de ce vaste ensemble laisse des loisirs.

Mais imagine-t-on M. Renault dessiner une voiture pour M. Citroën ou M. SuperU faire le ménage chez M. Intermarché ? Si Le Voyage à Nantes 2013 n'a pas donné les résultats espérés, on saura pourquoi : grâce au génie de Jean Blaise, les touristes ont préféré visiter Marseille !

05 septembre 2013

Les mystérieux contrepoinçons du Mémorial

« Oh ! Il y a des mots qui ont des têtes noires » disait hier un petit garçon dans le sous-sol du Mémorial de l’abolition de l’esclavage. Était-ce le même petit garçon qui disait que le roi était nu tandis que les courtisans s’extasiaient devant les nouveaux habits du monarque ?

Beaucoup de mots du Mémorial ont en effet des « têtes noires », ou plus exactement des lettres dont le contrepoinçon (l'espace contenu dans la panse du caractère) est noirci. Or aucun principe esthétique ne semble présider à cette présentation ; la disposition des caractères anormaux paraît tout à fait aléatoire.

On se rappelle que l’inauguration du Mémorial, d’abord prévue pour le 1er décembre 2011, avait dû in extremis être reportée à cause de malfaçons sur les lames de verre porteuses des textes sacrés. Le chef de projet, Hervé Guégan, alléguait notamment des « arrachements de matière ». Trente-trois lames étaient à refaire, et les dépenses engagées pour l’inauguration du 1er décembre étaient perdues.

L’inauguration avait finalement pu avoir lieu dès le mois de mars suivant – avant l’élection présidentielle, quelle chance ! Un délai miraculeusement bref. Si bref qu’on se demande si certaines des lames de verre posées ne font pas partie de ces lames défectueuses. Les contrepoinçons absents ressemblent assez fort aux « arrachements de matière » allégués !

Nantes aurait-elle bâclé son Mémorial de l’abolition de l’esclavage ? Ce serait un comble. Heureusement, il existe un moyen de dissiper les doutes : « des pénalités de retard vont être appliquées » avait annoncé le chef de projet. Il suffit de confirmer que ces pénalités ont bien été versées…
Pourquoi le "e" de "grande" et pas ceux de "belle" ?
Et pourquoi cette coupure en sifflet du mot "cause" ?

03 septembre 2013

Ce serpent dont Jean Blaise préfère ne pas savoir le prix

Combien a coûté le Serpent d’océan installé par Huang Yong Ping à Saint-Brévin pour Estuaire 2012 ? « J’en sais rien et je m’en fous complètement », répondait naguère Jean Blaise à Alice Bordage, de la radio Prun’.

La réponse est venue de plus haut. Elle intéressera le contribuable local moins désinvolte que le patron du Voyage à Nantes à l’égard des finances publiques. Le site Europe en France, géré par la Datar en liaison avec plusieurs ministères et les institutions européennes, publie la liste des projets cofinancés par l’Union européenne. Il révèle le coût officiel du serpent : 694.955 euros. Quarante années de SMIC.

Est-ce cher ou pas ? Sa bienheureuse ignorance évite à Jean Blaise de se poser la question. Il faut quand même rappeler que ce serpent spectaculaire fabriqué en Chine n’est pas vraiment une œuvre originale. Son frère aîné a été exposé dans une galerie de New York, tandis que son frère cadet est visible dans un musée australien.

À gros serpent, gros argent ? Cela n’augure rien de bon pour le mètre-ruban et le banc géants créés respectivement par Lilian Bourgeat et Claude Ponti pour Le Voyage à Nantes 2013.

01 septembre 2013

Old Brother

La dépendance ?
Il y a des maisons
pour cela !
Quel est donc ce riant bâtiment en voie d'achèvement, dont la façade bardée de tôles marron jouit d'une vue imprenable d’un côté sur la paroi uniformément glauque de la Maison de l’avocat, de l’autre sur les hautes grilles du palais de justice ? C’est le « gérontopôle » construit par la Région et que celle-ci présente comme « une structure (…) conçue pour être à la fois un lieu d’information, de recherche, d’exposition permanente sur les aménagements adaptés au grand âge et de formation sur les métiers liés à la longévité et à l’accueil des aînés ».

Nom de baptême de ce charmant édifice consacré à la dépendance et à la fin de vie : Maison régionale de l’autonomie et de la longévité. Cela rappelle l’Oceania de 1984, où la guerre est confiée au ministère de la Paix, le maintien de l'ordre au ministère de l’Amour et la propagande au ministère de la Vérité.

C’est bien, de s’occuper de nos vieux jours. Mais franchement, à voir ce bâtiment, ça fait pas envie.