On croyait que la déambulation des géants de Royal de Luxe,
du 6 au 8 juin 2014, avait pour objectif de réjouir le public et de faire
parler de Nantes. La ville de Nantes a néanmoins voulu en mesurer l’impact
économique et social. Bizarrement, elle n’a communiqué sur le résultat que
cette semaine, plus d’un an après l’événement. A-t-il fallu tant de palabres
pour aboutir à ces quelques chiffres ? Ou bien a-t-on choisi une période
où les gens avaient d’autres chats à fouetter, pour éviter des questions
gênantes ? De fait, le communiqué de la ville n’a guère été repris par la
presse.
En voici les chiffres clés :
- le
spectacle a été vu par 125.550 familles, dont 32 % résidant hors de
la métropole
- les
dépenses totales des spectateurs s’élèvent à près de 8,3 millions d’euros
- sur
ces 8,3 millions d’euros, plus de 3 millions n’auraient pas été dépensés à
Nantes sans le spectacle
- la
dépense moyenne est de 124 euros par famille.
À cette dernière précision, on voit que quelque chose ne
colle pas puisque, à raison de 124 euros par famille, il aurait suffi de 66.935
familles et demie pour atteindre les 8,3 millions d’euros allégués. Et à
propos, comment peut-on déterminer que le spectacle a été vu par 125.550
familles exactement ? C’est simple : en l’absence de billetterie, on
ne peut pas. Le chiffre a beau être précis, il est bidon.
Royal de Luxe aurait donc rapporté en définitive les 3
millions qui sans lui n’auraient pas été dépensés à Nantes.
Trois
millions, c’est à peu près ce que Royal de Luxe a coûté à Nantes en 2013-2014.
Il faut y ajouter les frais liés au spectacle (sécurité, signalisation, gestion
de la circulation, dépose de câbles électriques, communication, etc.). Au bas
mot 1 million d’euros. Plus les pertes de chiffre d’affaires subies ces
jours-là par les activités devenues impraticables, des transports publics aux
déménagements. Inévitablement, sur le strict plan économique, le spectacle de
Royal de Luxe a été très négatif pour la ville. Or celle-ci n’en dit rien.
Apparemment, on n’a pas tenté de calculer les dépenses et manques à gagner
occasionnés par le spectacle, alors que c’est le B-A BA des études d’impact.
Mesurer l’impact d’un événement touristique est une
entreprise extrêmement compliquée. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir
les
prescriptions
méthodologiques établies par la direction générale de la compétitivité, de
l’industrie et des services (DGCIS). Quoique plus pragmatique,
une
étude australienne confirme la difficulté de la chose. Ici, la ville n’a
pas effectué l’étude elle-même : elle l’a confiée à une microentreprise
rennaise, GECE.
Celle-ci
dit
s’être référée aux méthodes de la DGCIS. Elle avait déjà étudié le public
de festivals payants comme Les Vieilles charrues, mais un événement ouvert et
gratuit est autrement plus délicat à appréhender – a fortiori s’il est étalé
sur plusieurs jours et attire un demi-million de spectateurs (selon les
organisateurs). Quelle qu’ait pu être la bonne volonté de GECE, le résultat
n’est pas crédible. Le Voyage à Nantes,
qui
sait ce qu’est un bilan trafiqué, se sent désormais un peu moins seul.