La dernière couverture de TV Magazine a dû faire tousser du côté de la rue Clemenceau. Le magazine de programmes
télévisés titre en effet cette semaine : « Jean-Luc Reichmann –
L’homme libre ».
La première grande exposition du musée d’arts rénové est
intitulée, on s’en souvient, « Nicolas Régnier – L’homme libre ».
L’article défini est impitoyable : deux l’homme libre, c’est un de
trop. Or la force de frappe de TV Magazine, distribué comme supplément de nombreux journaux dont Ouest France et Presse Océan,
est bien supérieure à celle d’un musée de province.
L’exposition elle-même n’est pas en cause : visible
jusqu’au 11 mars, elle est très belle, « sublime », même, écrit Connaissance
des Arts – tout en dézinguant globalement le musée dans un éditorial intitulé : « Nantes rate son musée d’arts ». Le
problème, ce ne sont pas les œuvres, ce n’est pas le peintre, ce n’est pas
l’accrochage, c’est le titre choisi par le musée.
Pour une exposition de prestige dans un musée aux grandes
ambitions, il aurait fallu un titre remarquable, n’importe quel communicant
vous dira ça. Or le thème de « l’homme libre » est à peu près
illisible.
Nicolo Reyniero, den Vrijman
Déjà, sa légitimité est contestable. Pourquoi appliquer ce
qualificatif à Nicolas Régnier, peintre du début du 17ème siècle ? Parce que, jeune rapin à Rome, il fréquentait une confrérie
d’artistes où chacun choisissait un pseudonyme. Le seul témoignage certain de
cette époque de sa vie, un portrait de groupe anonyme, ne le désigne pas comme
« Nicolas Régnier, l’homme libre », ce serait trop simple, mais comme
« Nicolo Reyniero, den Vrijman » : il avait italianisé son nom
et exprimé son pseudonyme dans la langue de son pays d’origine, la Flandre.
C’était en 1620. Nicolas Régnier n’avait pas 30 ans. Il
avait devant lui quarante-sept années de travail, dont plus de quarante à Venise
où, peintre reconnu et installé, il a tourné la page de sa tapageuse confrérie
romaine. On n’est plus un homme si libre quand on vend des portraits de saints
à des cardinaux et des scènes de genre à de riches marchands.
Mais le plus ennuyeux reste la banalité absolue d'un
qualificatif comme "l'homme libre". De l’Antiquité athénienne aux souvenirs de
Jean-Jacques Bourdin en passant par L’Éthique de Spinoza, Le
Culte du moi de Maurice Barrès et les chants populaires allemands, les
hommes libres abondent dans la littérature, la philosophie, la théologie, la
politique.
Sans aller jusqu’à « Nicole Araignée ? Quel drôle de nom pour un peintre ! » suggéré ici, réminiscence de Jacques Prévert (« le pape est mort, un nouveau pape est appelé à régner. Araignée ? quel drôle de nom, pourquoi pas libellule ou papillon ?») qui aurait rappelé les prétentions surréalistes de Nantes, le musée d’arts aurait sûrement pu trouver mieux. Le conseil en communication recruté sur le tard fin septembre n’a pas fait de miracle.