28 novembre 2017

Miroir d’eau z’alouettes : (5) Jean-Marc Ayrault s’en lave les mains

Un avis de marché publié au cœur de l’été dernier invitait les entreprises à présenter leurs offres pour l’entretien du miroir d’eau situé devant le château des ducs de Bretagne. On s’était bien douté que l’énorme installation souterraine qui le fait fonctionner allait coûter cher à l’usage. Nantes Métropole ne se faisait pas trop d’illusions, d’ailleurs. À l’époque de la construction, en 2015, elle annonçait un coût d’entretien annuel compris entre 30.000 et 90.000 euros par an.

C’était déjà beaucoup par rapport à Bordeaux. La maintenance annuelle de son propre miroir d’eau – presque trois plus vaste que le nôtre – coûte entre 10.000 et 50.000 euros par an, d’après les services municipaux bordelais.

C’était déjà beaucoup… et pourtant ce n’était pas assez. Le résultat vient de tomber : 128.845,48 euros HT, soit 43 % de plus que le maximum envisagé il y deux ans. Jean-Marc Ayrault a eu son miroir d’eau et il est parti avant d’avoir à jouer les arroseurs arrosés. Aux Nantais d’éponger.

23 novembre 2017

Sept ans après, la Villa Déchets a-t-elle l’âge de raison ?

Jusqu’à dimanche, c’est la Semaine européenne de la réduction des déchets. Nantes a quelques titres à faire valoir à ce sujet. Voici sept ans, en novembre 2010, la Villa Déchets, entièrement construite avec des matériaux de récupération, voyait le jour sur le site des Chantiers navals.

Conçue par un architecte d’intérieur, Frédéric Tabary, et un marchand de biens, Yann Falquerho, fondateurs de l’association Tabakero, elle avait été construite grâce à 280.000 euros de mécénat apportés par Maisons du monde et à 7.000 journées de travail fournies par des bénévoles. Ceux-ci avaient récupéré, trié et exploité des déchets pour construire une maison de 70 m2.

Cela en faisait le logement le plus cher au m² construit à Nantes cette année-là. Mais c’était un bon investissement puisque la villa serait « 100% durable », comme l’indiquait le site web créé pour elle. Les techniciens de Nantes Métropole avaient bien montré un peu de réticence. Qu’importe ! Soucieux de faire de Nantes, au moins en apparence, la « capitale verte de l’Europe », Jean-Marc Ayrault leur avait imposé le projet. Les clés de la construction lui avaient été remises solennellement le 2 décembre 2010. Pendant quelques semaines, la presse nationale et régionale avait salué son souci écologique.

Sept ans, pour les banques, c’est le début du long terme. Pour les enfants, c’est celui de l’âge de raison. Sept ans après, où en est cette réalisation emblématique ? Après avoir été démontée puis remontée sur un terrain du côté de La Bottière, la villa déglinguée a été détruite pour de bon voici un an et demi. Elle a prouvé exactement l’inverse de ce qu’elle était censée démontrer.


20 novembre 2017

Des gros sous pour le Fonds de dotation de l’Arbre aux hérons ?

Le Fonds de dotation de l’Arbre aux hérons a désormais existence légale : sa création a été publiée au Journal officiel le 11 novembre. C’est comme si c’était fait : les 12 millions d’euros de financements privés nécessaires vont arriver dans la foulée. Johanna Rolland va pouvoir s’occuper à présent du troisième tiers des financements de l'Arbre : ceux qui ne proviendront ni du privé ni de Nantes Métropole mais d’autres contribuables (européens ? français ? paysdeloirons ? départementaux ?).

Faux nez de Nantes Métropole* et construction juridique un peu branlante, le Fonds de dotation est forcément irréprochable sur le plan financier, n’est-ce pas, puisqu’il compte parmi ses membres fondateurs la Chambre de commerce et d'industrie de Nantes-St-Nazaire, la Jeune chambre économique Nantes Métropole sud Loire, le MEDEF de Loire Atlantique et le Crédit Mutuel Loire Atlantique Centre Ouest ? Euh… pas si sûr, en réalité.

Ses fondateurs ont pris soin d’affirmer que son objet était de financer une « œuvre d’art ». Le Code général des impôts, annexe 3, a fixé en son article 98 A une liste des réalisations considérées comme œuvres d’art en matière de TVA. Elle comprend les « productions originales de l'art statuaire ou de la sculpture en toutes matières », sous une réserve cependant : « les productions sont exécutées entièrement par l'artiste ». Pour être d’équerre, François Delarozière devrait jouer du chalumeau pendant un bout de temps !

Le Fonds de dotation compte lancer une campagne de financement participatif auprès des particuliers. L'objectif évoqué à ce jour est de 200.000 euros. Cela ne dénote pas une énorme ambition ; en 2016, Jean Le Cam a récolté 367.172 euros sur KissKissBankBank pour sa participation au Vendée Globe. Surtout, ces 200.000 euros ne représentent encore que 1,66 % de l’objectif du Fonds de dotation. Il manque 11,8 millions d’euros.

Pour les fournir, on compte sur les entreprises. Quand elles donnent à une œuvre d'intérêt général, elles peuvent réduire leurs impôts de 60% de leurs dons dans la limite de 5‰ de leur chiffre d’affaires. Pour parvenir à 11,8 millions d’euros de dons, comptez 2,36 milliards de chiffre d’affaires. Ah ! oui, quand même… Idea Groupe, dont le PDG, Bruno Hug de Larauze, est aussi président du Fonds de dotation de l’Arbre aux hérons, pourrait ainsi, au regard de son chiffre d’affaires 2016, faire un don de 92.595 euros. Il en faudra 127 autres de même taille pour atteindre l’objectif. Et autant de patrons prêts à annoncer à leurs salariés qu'ils vont faire un don à une installation touristique.

La réduction d’impôts n’est pas tout : il y a aussi les contreparties. Elles pourraient bien susciter des situations cocasses sur lesquelles on reviendra. 

13 novembre 2017

Bolopoly (35) : FiascoNantes

« SoNantes : le fiasco de la monnaie locale », titre aujourd’hui Presse Océan sur toute la largeur de sa Une. « Le constat est sévère, c’est un échec », confirme Philippe Corbou en pages intérieures. Et moi qui hésitais à revenir sur le sujet, comme me l’avait suggéré Herminie44 fin octobre

La SoNantes est en plein marasme. Depuis des mois, le compteur des entreprises adhérentes est bloqué sur 175. Le plus récent adhérent répertorié à ce jour par son annuaire, Olibaba, spécialiste des produits à base d’olive, était déjà signalé comme nouvel adhérent le 18 juillet dernier sur le compte Facebook de la SoNantaise. Lors du lancement de la SoNantes en avril 2015, ses fondateurs affichaient une cible de 3.000 entreprises adhérentes en trois ans : il ne reste que 14 % du temps pour remplir 94 % de l’objectif…

« Ce projet n’a pas coûté le moindre centime d’argent public », assure Pascal Bolo, « grand argentier de la ville ». Quelle blague ! Pendant des années, lui-même, un professeur d’université et le directeur général du Crédit Municipal ont multiplié les réflexions et les voyages d’étude. Cette phase a déjà coûté 0,8 million d’euros. Puis le Crédit Municipal a investi dans l’aventure 2 millions d’euros, dont plus de 750.000 ont déjà été engloutis par les pertes des années 2015 et 2016. Or, comme il le précise lui-même, le Crédit Municipal est « un établissement public de crédit et d’aide sociale, propriété de la ville de Nantes ». Ce qui coûte au Crédit Municipal coûte aux Nantais.

Si elle n'est pas toujours clairvoyante, l’opposition, dans cette matière économique, s’est montrée plus éclairée que l’homme qui dirige les finances municipales. À plusieurs reprises, Laurence Garnier avait dit que ça ne pouvait pas marcher. Et ce blog ne disait pas autre chose. La série Bolopoly est longue ; en voici les précédents épisodes :

11 novembre 2017

Le nouveau moteur de l’Éléphant : (4) business hybride

Le moteur hybride choisi pour rééquiper l’Éléphant a-t-il une génération de retard ? Ici, il faut lancer un appel solennel aux spécialistes de l’énergie électrique : Quelle puissance faut-il pour déplacer à 2 km/h sur terrain plat une machine de 48 tonnes ? Et, aux prix actuels, que coûteraient les batteries nécessaires ? Un indice : deux sociétés suisses viennent de convertir au tout-électrique un énorme dumper Komatsu de 45 tonnes à vide plus 65 tonnes de charge, qui livre des blocs de pierre à une cimenterie depuis une carrière à flanc de montagne sur une pente à 13 %. Ses batteries ont une capacité de 700 kWh. Il se pourrait donc qu’on reparle de la technique avant longtemps.

Mais revenons au montage de l’opération. Nantes Métropole propriétaire de l’Éléphant paie l’essentiel des travaux, à charge pour la société publique locale (SPL) Le Voyage à Nantes, gestionnaire des Machines de l’île, de réaliser le programme. Le Voyage à Nantes est soumis aux règles des marchés publics pour l’ensemble de ses achats. Or, la liste des achats publics affichée par Le Voyage à Nantes ne comporte pas trace d’un appel d’offres concernant l’achat du moteur et des services connexes. Il semble que ce marché de 413.000 euros HT ait été confié de gré à gré à la société Dintec.

Dintec n’est pas un inconnu : c’est ce petit bureau d’études, déjà, qui a conçu le moteur hybride du cheval-dragon construit par l'association La Machine, animée par François Delarozière, dont on connaît les liens étroits avec Les Machines de l’île. Sur son propre site web, Dintec indique être membre de cette association. Il fait partie d’un groupe nantais prospère dont l’une des principales activités est la vente de moteurs diesel et qui a fêté ses 35 ans aux Machines de l’île en 2013. Le fondateur de ce groupe, aujourd’hui en retraite, est un ami personnel de François Delarozière, notait incidemment le magazine municipal Nantes Passion il y a quelques mois.

Comme le monde est petit et Chantenay plus encore, il se trouve que le groupe ou ses actionnaires détiennent une bonne partie des terrains les plus proches de la carrière de Miséry. La décision soudain prise d’y construire l’Arbre aux Hérons imaginé par François Delarozière, animateur de La Machine, et Pierre Orefice, directeur des Machines de l’île, peut leur laisser espérer une jolie plus-value. De ses nouveaux bureaux, Dintec pourrait même surveiller le chantier en direct. Entre amis, il est bien normal de se rendre des services. 

10 novembre 2017

Le nouveau moteur de l’Éléphant : (3) recalé à la session de rattrapage

On dirait que Pierre Orefice a été piqué au vif par les deux billets publiés ici ces derniers jours à propos du changement de moteur du Grand Éléphant : « Un très mauvais choix initial » et « Beaucoup de rien pour bruit ». Emmanuel Vautier et Stéphane Pajot, lui prêtent aujourd’hui leur plume dans Presse Océan pour tenter de remettre son discours d’aplomb.

Hélas, le patron des Machines de l’île se montre une fois de plus brouillé avec les chiffres. Il réaffirme que l’Éléphant, dont le circuit « fait environ 1 km » aurait parcouru 20.000 km en dix ans.  « Comment les Machines aboutissent-elles à 20.000 km ? » demande le quotidien. « Nous avons fait une moyenne : 9 voyages sur 300 jours par an », répond le patron des Machines. On n’a donc pas pensé à équiper l’Éléphant d’un compteur kilométrique ? Cela aurait été plus prudent, car ce calcul à la louche est faux.

Si par « voyages » Pierre Orefice désignait autant de circuits, il devrait revendiquer un kilométrage 35 % plus élevé, 27.000 km parcourus et non 20.000. En effet, de notoriété publique, 9 voyages x 300 jours x 10 ans x 1 km = 27.000 km. Comment se tromper dans un calcul aussi élémentaire ? (La question s'adresse aussi à Emmanuel Vautier et Stéphane Pajot, qui auraient dû repérer l'erreur au premier coup d'oeil.)
Le verdict de Google Earth : des Nefs au Carrousel, l’Éléphant parcourt 327,63 m.
Mais l'erreur la plus grave est ailleurs. Les neuf « voyages » par jour désignent en réalité des « embarquements » pour des trajets de moins de 350 mètres chacun en moyenne, allant soit des Nefs au Carrousel, soit du Carrousel à la passerelle, soit de la passerelle aux Nefs, qui mis bout à bout forment un circuit complet. Pierre Orefice aurait donc dû annoncer 9 voyages x 300 jours x 10 ans x 0,350 km = 9.450 km. Les 20.000 km revendiqués sont bidons pour plus de la moitié !

Si l’on voulait entrer dans les détails, il faudrait préciser que de 2007 à 2012, les trajets étaient un peu plus longs car le Carrousel n’existait pas. Mais ils étaient aussi moins nombreux : ils variaient de quatre embarquements en basse saison à huit en haute saison. La moyenne de neuf voyages par jour retenue par Pierre Orefice est donc erronée. Il faudrait aussi noter que si les Machines sont bien ouvertes environ 300 jours par an, le nombre de jours de fonctionnement de l’Éléphant est inférieur. Du fait des pannes, des révisions et des intempéries (en théorie, l’Éléphant ne devrait pas fonctionner quand le vent souffle à plus de 50 km/h, soit une cinquantaine de jours par an), il faudrait retrancher du total plusieurs centaines de kilomètres. 

09 novembre 2017

Le nouveau moteur de l’Éléphant : (2) beaucoup de rien pour bruit

En arrêt pour travaux, l’Éléphant de l’île de Nantes va être équipé d’un moteur hybride. Il fonctionnera au thermique et à l’électrique. Ce sera « le premier pachyderme mécanique éco-responsable », se rengorgent Les Machines de l’île.

Dans une motorisation hybride standard, le moteur électrique fonctionne seul quand les besoins d’énergie sont faibles (typiquement, à petite vitesse) ou en appoint du moteur thermique pour répondre à un besoin ponctuel (typiquement, pour accélérer ou monter une côte). Ses batteries sont rechargées par le moteur thermique en vitesse de croisière ou par récupération d’énergie cinétique au freinage ou en descente. Une motorisation hybride est donc intéressante lorsque les terrains et les vitesses sont divers.

L’Éléphant va-t-il désormais galoper à hybride abattue à travers l’esplanade des Chantiers ? Ou se cabrer à la manière du cheval-dragon ? Cramponnez-vous là-haut, ça va secouer ! En dehors de ces hypothèses, s'il continue à fonctionner à toute petite vitesse stabilisée, sans côte à monter ou à descendre, un moteur hybride ne lui sera pas d'une grande utilité. Ses besoins en énergie demeureront identiques. Il consommera moins (quoique certainement pas les « dix fois moins » annoncées par Pierre Orefice) parce que son moteur diesel sera plus efficient, un point c’est tout.

Un moteur en retard d’une génération ?

Reste quand même un unique avantage : doté d’un moteur hybride, l’Éléphant pourra fonctionner à l’électricité, donc en silence, sur certaines parties de son parcours, en particulier sous les Nefs. Ce ne sera pas du luxe ? Si quand même, pour plusieurs raisons :
  • Le nouveau moteur diesel de 140 ch devrait déjà être moins bruyant que son prédécesseur de 420 cv. 
  • Le ronronnement de l’Éléphant, contrairement au prix des billets, n'est pas souvent critiqué par les visiteurs. Pour certains même, il participe au spectacle. « Sympathique, bruyant, des enfants partout... », écrit l'un d'eux,
  • Le barrissement de l’Éléphant est plus bruyant que son moteur ; pourtant, il est douteux qu’on y renonce.
  • Surtout, le bruit pourrait être largement réduit par un capot insonorisant (camouflé par exemple en éléphanteau suivant sa mère).

Cette dernière disposition était d’ailleurs possible dès le début, en 2007. Pourquoi la réduction du bruit est-elle soudain devenue un objectif si impérieux qu’on lui consacre des centaines de milliers d’euros ? Pour faire moderne ? La Toyota Prius, hybride elle aussi, est née dix ans avant l’Éléphant, en 1997 ! (Accessoirement, on note que son silence n’est pas seulement une affaire de moteur : Toyota a soigné l’insonorisation.) Mais à présent, tous les grands constructeurs automobiles lancent des modèles 100 % électriques. Au niveau mondial, Google enregistre quatre fois plus de recherches sur « electric car » que sur « hybrid car ». En choisissant un diesel en 2007, Les Machines de l’île avaient un temps de retard. Et en choisissant un hybride en 2017 ?

À Ergué-Gaberic, près de Quimper, BlueSolutions, filiale du groupe Bolloré, construit aujourd’hui le BlueTram, tramway électrique sans rails ni caténaires capable de parcourir 2 km sur une seule recharge de 20 secondes. Deux kilomètres : plus qu’il n’en faudrait à l’Éléphant pour une tournée complète des Nefs aux Nefs. Si l’on tenait à changer de moteur, voilà pour le coup une solution qui aurait fait moderne.

« On aurait été incapables de le trouver parce que l’on restait bloqués sur l’île de Nantes », disait Pierre Orefice l’an dernier à propos du site choisi pour l’Arbre aux Hérons. Reste-t-il à présent bloqué sur le Bas-Chantenay au point de ne pas imaginer qu’on puisse trouver des motoristes ailleurs en Bretagne ?

07 novembre 2017

Le nouveau moteur de l’Éléphant : (1) une machine partie du mauvais pied

« Votre voiture diesel a 20.000 km, le moteur est bon à changer » : le jour où votre garagiste vous annonce ça, devis de 7.700 euros H.T. à la clé pour un modèle acheté neuf 20.000 euros il y a dix ans, vous vous mettez en rogne. Vous maudissez le constructeur. Le vendeur aura de vos nouvelles. Mais quand Les Machines de l’île nous disent que notre Éléphant (nous en sommes tous un peu propriétaires puisqu’il appartient à Nantes Métropole) est à l’arrêt pour changer de moteur et que les travaux vont coûter 770.000 euros hors taxes (dont 413.000 pour le moteur lui-même), tout le monde a l’air de trouver ça normal.

« Le Grand Éléphant se refait une beauté après avoir parcouru près de 20 000 kilomètres et effectué pas moins de 23 000 voyages », assurent Les Machines de l’île. Dont la calculette doit être déréglée une fois de plus. L’Éléphant a peut-être effectué dans les 23.000 voyages depuis 2007, soit pas loin de huit par jour de fonctionnement en moyenne, mais cela ne fait pas 20.000 km. Ses « voyages » conduisent l'engin des Nefs au Carrousel, du Carrousel à la passerelle ou de la passerelle aux Nefs, soit des trajets de 350 m en moyenne. 23.000 x 350 m = 8.050 km*. C’est bien la première fois qu’on trafique le compteur d’un véhicule pour lui ajouter des kilomètres.

En tout état de cause, fût-elle même de 20.000 km, la distance parcourue – à moins de 2 km/h de moyenne sur terrain plat et ferme – n’avait pas de quoi épuiser un diesel de 420 chevaux. Pourquoi le remplacer, alors ? Par souci d’« exemplarité » (sic). Le nouveau moteur « va consommer dix fois moins et sera moins bruyant », a assuré Pierre Orefice à 20 Minutes. « Il polluera bien moins en rejetant vingt fois moins de particules dans l'atmosphère », a-t-il aussi promis à Ouest France. Dix fois moins de carburant, vingt fois moins de particules ? Soit le patron des Machines de l’île nous raconte des histoires, soit le moteur d’origine était un choix vraiment catastrophique.

Confirmation : le moteur de 420 ch va être remplacé par un moteur de 140 ch seulement alors que les besoins en énergie ne seront pas moindres. Ce qui est exemplaire n’est pas la vertu du nouveau moteur mais l’inadéquation de l’ancien. Plus étonnant encore : le remplacement du moteur est confié à ceux qui avaient fait un mauvais choix de départ. Faire et défaire, c’est toujours facturer.
______________

* La réalité est un peu supérieure, peut-être 10.000 km, car de 2007 à 2012, avant l’inauguration du Carrousel, les voyages étaient plus longs : la boucle des Nefs aux Nefs ne comptait que deux tronçons au lieu de trois.

Mise à jour du 8 novembre : Une première version de ce texte indiquait que les travaux allaient coûter 7,7 millions d'euros H.T. C'était une coquille, bien entendu : le changement de moteur n'allait pas coûter trois ou quatre fois le prix initial de l'Éléphant ! Merci aux lecteurs vigilants qui ont rectifié et toutes mes excuses à ceux qui auraient été induits en erreur.

06 novembre 2017

Le Fonds de dotation de l’Arbre aux hérons, OVNI juridique ?

Le Fonds de dotation de l’Arbre aux hérons est un faux nez de Nantes Métropole. Cela suffit à créer une insécurité juridique. Ce n’est pas tout. Les rédacteurs de ses statuts semblent s’être ingéniés à multiplier les risques. Du moins dans la version adoptée par le conseil de Nantes Métropole le 26 juin 2017.

Ce Fonds est un fonds « redistributeur ». Un tel fonds reçoit et gère des biens et « redistribue [les revenus] pour assister une personne morale à but non lucratif dans l'accomplissement de ses œuvres et de ses missions d'intérêt général » (Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, art. 140). Il doit définir sa propre mission avec rigueur. Le Comité stratégique des fonds de dotation réclame qu’elle « soit décrite avec précision dans les statuts afin que son caractère d’intérêt général ne prête pas à contestation ». Cette exigence a été rappelée par le ministre de l’Intérieur et le ministre de l’Économie dans une circulaire aux préfets.

Le Fonds de dotation de l’Arbre aux hérons décrit-il sa mission avec précision ? Selon l’article 2 de ses statuts, il « a pour objet de financer les actions concourant à la création d’une œuvre d’art d’intérêt général dénommée « Arbre aux Hérons » sur le site de la carrière Chantenay à Nantes. » Cela peut sembler précis. Hélas, le même article ajoute que le fonds « a pour vocation de :
  • Concevoir et mettre en oeuvre la stratégie de recherche de fonds privés d’entreprises, d’associations et de particuliers désireux de participer au financement de l’ « Arbre aux Hérons »,
  • Animer le collectif des donateurs et des acteurs du projet en leur donnant les informations sur l’avancement du projet en relation avec Nantes Métropole et le Maître d’œuvre
  • Concevoir en lien étroit avec les auteurs le récit et la communication qui doivent accompagner le projet »
Il vise donc à jouer un rôle large. Un fonds de dotation s’occupe normalement d’activités « amont » : il recueille des capitaux, les gère et choisit la cause qui en bénéficiera. La suite n’est pas son affaire. Le Fonds de dotation de l’Arbre aux hérons, lui, compte s’occuper d’activités « aval ». Les statuts eux-mêmes le qualifient explicitement d’« outil de gouvernance ». En amont, il n’a pas le choix : il « reversera la dotation en capital et ses autres ressources à Nantes Métropole en vue de la réalisation du projet ‘Arbre aux Hérons’ ».

Là, on débusque une petite astuce. On l’a vu, l’objet du fonds est de financer « la création d’une œuvre d’art […] dénommée ‘Arbre aux Hérons’ »… mais l’argent récolté servira à « la réalisation du projet ‘Arbre aux Hérons’ ». De même que Voyage à Nantes désigne à la fois une société publique locale et l’opération estivale qu’elle organise, Arbre aux Hérons désigne à la fois une « œuvre » et un « projet ». Ce dernier est décrit par les statuts comme « un projet unique et singulier qui permettra au territoire de la métropole nantaise de franchir un cap en termes de rayonnement et de visibilité mondiale, et aussi de renforcer son développement touristique et économique avec des retombées directes pour le territoire ». On est loin de l’œuvre d’art, désormais.

Corrélativement, la troisième « vocation » énoncée plus haut intrigue. Vu l’ampleur du projet, concevoir « le récit et la communication qui doivent [l’]accompagner » est un travail considérable. Et vu l’ambition affichée, il ne peut être confié à des amateurs. Le Fonds de dotation sera-t-il en réalité une direction de la communication ou une agence de publicité ? On note que l’article 10 des statuts inclut parmi ses ressources « le produit des rétributions perçues pour services rendus ».

Inutile de pousser plus loin les conjectures, il faudra observer la pratique effective du Fonds. Toujours est-il que sa mission n’est pas « décrite avec précision dans les statuts ».