C’est fou l'effet que peut faire un trait de peinture verte sur un
trottoir. Aux touristes disciplinés désireux de rejoindre le musée Dobrée
depuis la place Graslin, Le Voyage à Nantes impose, plutôt qu’un trajet plus
court via la rue Racine, ou plus court encore via la rue Voltaire, un petit
crochet par la rue Franklin. Du pas de sa boutique, le vice-président de la chambre
de commerce et d’industrie les voit gravir la pente. Il en conclut que le
regain du commerce nantais en 2017 est « lié à la bonne dynamique du
Voyage à Nantes ».
Presse Océan, dans son numéro du 17 février, le croit
sur parole et titre sur un « rebond lié au tourisme d’été ». On
s’est tellement habitué aux chiffres truqués qu’il n’est même plus
nécessaire de bricoler un raisonnement à peu près présentable.
Le meilleur mois de l’année 2017 pour le commerce nantais
est, de loin, septembre : son indice de chiffre d’affaires a bondi de
9,3 % par rapport à 2016. La deuxième période la plus favorable est avril
(+4,2 %). Le Voyage à Nantes n’y est strictement pour rien : il a
duré du 1er juillet au 27 août.
Pourquoi une telle progression en septembre ? En partie pour une
raison de calendrier. Le meilleur jour de la semaine est le samedi. En 2017,
les achats de rentrée se sont étalés en septembre sur cinq samedis, au lieu de
quatre en 2016. Mécaniquement, octobre, quatre samedis en 2017 contre cinq en
2016, a baissé de 2,9 %.
Et Le Voyage à Nantes, alors ? En juillet-août, le
commerce nantais a progressé de 3,3 %. C’est beaucoup plus modeste.
Surtout si l’on en déduit la tendance de fond de l’économie française, qui a
progressé de 1,9 % en 2017. Le tourisme français a connu une nette
reprise presque partout en France pendant l’été 2017, en particulier grâce au
retour en masse de touristes étrangers. Selon l’Insee, les nuitées d’été ont
progressé de 7,5 % en Bretagne (8,6 % sur le littoral breton).
Nantes a profité d’un mouvement général – et plutôt moins que
les autres. Si l’on n’a pas imputé au Voyage à Nantes le déclin commercial de
2012, 2013 et 2014, il n’y a pas plus de raison de lui imputer le mieux de
2015, 2016 et 2017. Ses effets sont, au mieux, modestes.
« L’objectif est
de faire entrer Nantes dans le Top 5 des destinations urbaines
françaises », annonçait
Le Voyage à Nantes lors de sa création en janvier 2011, il y a plus de sept
ans déjà. C’est clairement raté. Les dizaines de millions d’euros que Nantes
Métropole y a engloutis n’ont pas été un bon investissement. Mais pourquoi donc la CCI, qui sait ce qu'investir veut dire, affecte-t-elle de croire autre chose ?