Quand on parle de La Folle Journée à Nantes, le ton hagiographique
est de rigueur. Le
rapport sur la SEM La Folle Journée
publié ce matin par la Chambre régionale des comptes fera donc grincer
quelques dents.
Rien de très grave il est vrai. Sur le plan financier, principale préoccupation de la
Chambre, la situation de la structure organisatrice de La Folle Journée est
« satisfaisante sur la période examinée »
(2007-2011). Les recettes tarifaires sont
« en augmentation
significative » et les partenariats avec des entreprises privées
progressent aussi. Les subventions des collectivités publiques représentent le
tiers des charges totales, ce qui est
« considéré comme très faible dans
le secteur culturel » (4,5 euros par place, quand même).
âgé et aisé dans l’ensemble, le public
se renouvelle peu mais provient d’un
« bassin géographique d’attraction
[…] bien plus large que pour les autres structures culturelles
nantaises ». Même si la SEM les
surévalue quelque peu, les effets de la manifestation sont
positifs :
« il apparaît que l’investissement initial de la ville
(la subvention de 1 M€) génère des retombées économiques de court, moyen et
long terme assez substantielles ».
Néanmoins, les détails qui clochent ne manquent pas. La
Chambre signale des
« imprécisions et absences d’information » dans
la collaboration de la SEM avec la Cité des congrès et le CREA. Par exemple, la
SEM n’a jamais remis en concurrence ses marchés avec la Cité des congrès en
invoquant l’article 35 du code des marchés publics… qui ne lui est pas
applicable ! La comptabilité de la SEM est assurée par la Cité, situation
« doublement problématique » puisque
« le prestataire comptable
de la SEM est en même temps son principal fournisseur » et que les
prestations de comptabilité n’entrent pas dans l’objet social de la Cité !
Quand au CREA de René Martin, dont la Chambre salue le rayonnement et le rôle capital, il
« demeure formellement un fournisseur de la SEM » mais ses
prestations ne sont jamais détaillées ; sa facture globale a bondi d’un
tiers d’un seul coup sans la moindre justification (au demeurant, elle ne semble
pas délirante : 120.000 euros HT par an, à quoi il faut quand même ajouter
des invitations et avantages tarifaires équivalant à près de 45.000 euros en
2011).
La Chambre s’étonne aussi du nombre de billets
exonérés : 15 % en moyenne, l’équivalent de 20.181 billets en 2011,
sans que la SEM sache très bien à qui ils bénéficient finalement. Ils
représentent un manque à gagner important puisqu’ils concernent le plus souvent
les concerts les plus chers, dont le public comprend 16 à 20 %
d’invités !
La Chambre critique encore au passage une pratique qui
semble fréquente à Nantes.
« La ville prend en charge la diffusion sur
le réseau public d’affichage de 167 affiches animées », relève-t-elle.
« Mais cette action n’est ni refacturée à la société ni valorisée, ce qui
nuit à la bonne connaissance des coûts de la manifestation. »
À propos de coût, un peu indiscrètement, la Chambre révèle
en creux celui de la directrice de la SEM. En 2010, la rémunération des
personnels de la SEM La Folle Journée a fait un bond de 80 %. Celui-ci est
dû, note le rapport,
« à la fin de la mise à disposition, à compter du 1er
janvier 2010, de la directrice générale par la Cité des Congrès et à son
intégration dans les effectifs de la SEM, et donc au versement de sa
rémunération ». Comme un tableau donne les montants globaux, il n’est pas
difficile d’évaluer le salaire honorable de Michèle Guillossou…
Les lecteurs du rapport de la Chambre ne manqueront pas de
parcourir aussi la réponse qu’y fait Jacques Auxiette. Le président de région
tient à souligner
« le rôle moteur qu’occupe la Folle Journée de Nantes
dans la vie culturelle métropolitaine dont elle est sans doute l’événement
culturel le plus important ». Et vlan ! pour Le Voyage à
Nantes. Jean Blaise appréciera.
La région dispose d’un représentant au conseil
d’administration de la SEM. Il se signale par un absentéisme
massif. Il
« a même été absent durant deux années consécutives », dénonce
impitoyablement la Chambre régionale des comptes. La région reconnaît peut-être
à La Folle Journée un
« rôle moteur », mais elle-même ne se soucie
guère de tenir le volant.