« L’action se passe dans les Pays de la Loire, c’est-à-dire nulle
part »
Sven Jelure, d’après Alfred Jarry, Ubu
roi
Si l’information ne venait pas d’
Ouest
France, on croirait à un canular : Laurence Garnier, au nom de la
région des Pays de la Loire, va attribuer une subvention de 4 millions d’euros
au projet de L’Arbre aux Hérons. Soit 11,4 % de son coût prévisionnel. La
question servira de hors-d’œuvre au conseil métropolitain ce vendredi.
L’étonnant n’est pas que Laurence Garnier arrose L’Arbre aux
Hérons. Après l’avoir radicalement condamné en 2014, elle rame pour expliquer
que si, quand même, au fond, elle est pour, juste un peu différemment. Par exemple,
elle proposait de
faire
parrainer les feuilles de l’Arbre par des particuliers. L’étonnant est
plutôt qu’elle parle au nom de la Région, dont elle est vice-présidente chargée
de la culture.
Un
aspirateur à subventions ?
L’Arbre aux Hérons relèverait donc de la culture ?
Puisque tout fait culture de nos jours, pourquoi pas ? Le
budget
primitif de la région des Pays de la Loire a prévu 21,5 millions d’euros
d’investissements au chapitre « Culture, sport, vie associative, bénévolat
et solidarités » en 2018. L’Arbre aux Hérons absorberait donc à lui seul
près d’un cinquième du budget régional d’une année pour l’ensemble de cette
rubrique. Toutes les associations culturelles, sportives et autres qui voient
leurs projets retoqués sauront où l’argent est allé !
Mais ça ne colle pas ! La région a solennellement
adopté une
« nouvelle
stratégie pour la culture » en juin 2017. Une stratégie articulée
selon trois axes, « Pour les territoires et les publics »,
« Pour les artistes, les créateurs et les projets » et « Pour
entrer dans la culture du 21e siècle » (au bout de dix-huit
ans, il serait temps !). L’Arbre aux Hérons n’entre dans aucune de ces
trois catégories.
Un
appel à projets bouclé d’avance
Aussi n’est-ce pas dans le budget dont elle a la charge que
Laurence Garnier range le projet mais dans la politique
contractuelle de la Région.
« La Région passe des contrats de territoires
avec toutes les communautés de communes, pour venir appuyer leurs
politiques »,
explique
la vice-présidente*.
« On leur demande quels projets sont
prioritaires à leurs yeux. Cela ne veut pas dire qu’on les cautionne. Que
n’aurait-on pas entendu si la Région avait choisi certains projets et pas
d’autres, se substituant ainsi aux élus métropolitains ? »
La Région serait donc une simple chambre d’enregistrement où les élus métropolitains dicteraient leurs désirs aux élus régionaux, et
Laurence Garnier une préposée aux coups de tampon malgré ses presque 4.000
euros mensuels d’indemnité de vice-présidente…
Heureusement, c’est faux. Les contrats passés avec Nantes
Métropole, Angers et Le Mans ne sont pas des chèques en blanc. Ils se
traduisent concrètement par des appels à projets.
« Les thématiques de
ces appels à projets seront élaborées en concertation avec les chefs de file
des trois territoires sur la base de priorités stratégiques partagées avec la
Région »,
spécifie
cette dernière. Qui insiste lourdement :
« Dans une logique
d’optimisation, la Région recherchera systématiquement la complémentarité avec
ses dispositifs sectoriels ».
Conclusion logique : si la Région
finance L’Arbre aux Hérons, ce n'est pas qu'il lui a été imposé, c’est qu’elle le considère comme une priorité
stratégique mitonnée en concertation avec Nantes Métropole !
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* Qui d’ailleurs se plante : avec Nantes Métropole,
Angers et Le Mans, la Région ne signe des « contrats de territoire »
mais des « contrats de développement métropolitain ».