30 mai 2016

Le serpent de Saint-Brévin : une maquette préparatoire pour le Grand Palais ?

La nef du Grand Palais à Paris, c’est plus d’un hectare et 45 mètres de haut. Tous les deux ans, l’exposition Monumenta invite un artiste à remplir cet espace énorme. Huang Yong Ping, qui s’y colle cette année, a opté pour une solution de facilité : il y a empilé 305 conteneurs maritimes. Puis, comme il faut quand même un peu de création pour faire art, il a posé sur les grosses boîtes des figurations du bicorne de Napoléon et d’un squelette de serpent géant.

Un peu de storytelling par-dessus et le tour est joué. « Le reptile tient en respect un chapeau vide posé sur les marchandises du monde », commente doctement le commissaire de l’exposition dans un dossier pédagogique. Sauf que le reptile est vide lui aussi, il n’en reste que les os en aluminium, et qu’on parierait bien que les conteneurs le sont aussi.

L’œuvre est intitulée Empires, rapport au chapeau de Napoléon que le dossier pédagogique s’emploie à magnifier* (« Huang Yong Ping  a bien compris que le bicorne d’Eylau est un chapeau mais qu’il est également LE chapeau »). Mais quand on travaille DU chapeau, il y a davantage à découvrir au Grand Palais que des piles de grosses boîtes. « C’est une de mes premières oeuvres qui est totalement chinoise et occidentale », assure Huang Yong Ping à propos d’Empires, avec une syntaxe peut-être un peu plus chinoise qu’occidentale. « On peut la comparer à Histoire de la peinture chinoise et l’histoire de l’art moderne occidental lavés à la machine pendant deux minutes de 1987. » La comparaison est morale et non physique, bien entendu, puisque le petit tas de boue issu des deux bouquins sacrifiés devait occuper à peu près 100.000 fois moins de place qu’Empires.

Le serpent, un bon business ?

Huang Yong Ping et le Grand Palais racontent bien ce qu’ils veulent. Mais cela ne peut nous être totalement indifférent, à nous Nantais. Car le reptile du Grand Palais reproduit, en plus grand, le Serpent d’océan du même artiste ancré à Saint-Brévin depuis Estuaire 2012. En 2012 toujours, Huang Yong Ping a aussi installé un serpent métallique dans un musée de Brisbane, en Australie. Avant même Estuaire, en 2009, il en avait exposé un à New York. Huang Yong Ping produit-il des serpents industriels à la chaîne ?

La réalité pourrait être encore plus décevante. « Le projet est né en 2006 dans sa forme quasi définitive grâce à des dessins, croquis, vignettes, avant de  prendre la forme d’une maquette en évolution permanente », révèle Huang Yong Ping lui-même à propos d’Empires dans le dossier pédagogique de Monumenta. En 2006 ? Le serpent de Saint-Brévin, l’une des rares œuvres d’Estuaire qui tiennent la route (façon de parler puisqu’il est ancré sur une plage), serait-il donc une simple maquette préparatoire de Monumenta, comme ceux de la Gladstone Gallery et de QAGOMA ? Et peut-être aussi la « mue » exposée à la HAB Galerie au cours du Voyage à Nantes 2014 ?

Ce serait un peu fort de café. Car Serpent d’océan a coûté pas moins de 694.955 euros – un prix que Jean Blaise prétendait ignorer à l’époque. Tout ça pour alléger le budget de Monumenta ? La coïncidence est d'autant plus troublante que Jean Blaise, maître à penser d'Estuaire, et Jean de Loisy, commissaire de l'exposition Monumenta, sont de vieux amis. Jean de Loisy a même été conseiller artistique d’Estuaire ! Le serpent est grand mais le monde de la culture est petit.
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* Tout en évitant de rappeler que le 18 juin, date de clôture de l’exposition, sera le 201ème anniversaire de la bataille de Waterloo.

27 mai 2016

La face cachée de Vinci n'est pas celle de Léonard

« La face cachée de Vinci », titrait Presse Océan hier. Des révélations sur le groupe de BTP qui aspire à construire un aéroport à Notre-Dame-des-Landes via sa filiale Vinci Airports ? Holà, non ! Rien d’aussi sulfureux : le quotidien nantais se fait l’écho d’une thèse soutenue par Sophie de Gourcy dans Le Tombeau des ducs de Bretagne, un miroir des princes sculpté (Beauchesne éditeur) : le monument de la cathédrale de Nantes contiendrait un portrait de Léonard de Vinci.

Il s’agit du visage de vieillard sculpté sur l’arrière de la tête de la statue représentant la Prudence, qui forme l’un des angles du mausolée. Cette figure double fascine le visiteur. Elle n’était pourtant pas une nouveauté à l’époque de sa création : le tarot de Mantegna, antérieur de quelques dizaines d’années, représentait déjà la Prudence avec deux visages, celui d’une jeune femme et celui d’un vieillard. (Selon la tradition, le visage féminin du tombeau serait celui de la duchesse Anne.)

La thèse est séduisante*. Hélas, il est permis de la considérer comme le point faible de ce livre par ailleurs remarquable. Sophie de Gourcy argue de la ressemblance entre le personnage du tombeau et le célèbre autoportrait de Léonard de Vinci conservé à Turin. Assurément, l’un et l’autre présentent une longue barbe, des poches sous les yeux et le front ridé. Mais beaucoup de vieillards barbus sont aussi ridés. La bouche aux coins tombants n’est pas plus significative : depuis l’Antiquité grecque, elle connote la sagesse de la vieillesse.

Oui, mais Perréal a rencontré Vinci, avance l'historienne. Jean Perréal, portraitiste favori de la cour de Charles VIII, a conçu le tombeau sculpté par Michel Colombe à la demande d’Anne de Bretagne. S’il a rencontré Léonard de Vinci, on peut imaginer qu’il en a fait le portrait. Mais cette rencontre aurait eu lieu, d’après une note manuscrite de Léonard, vers 1494, soit une petite vingtaine d’années avant l’autoportrait réalisé entre 1512 et 1515. Léonard de Vinci avait alors 42 ans : il ne pouvait être le vieillard du tombeau.

Un biographe de Perréal ne tient d'ailleurs pour certaine qu’une seule rencontre entre les deux artistes, quand Léonard, sexagénaire, est arrivé en France en compagnie de François Ier**. Mais c’était en 1516, dix ans après l’achèvement du tombeau de François II.

Et puis, la ressemblance entre la statue de Nantes et l’autoportrait ne vaut que de trois-quarts face. De profil, c’est une autre affaire. Allez-y voir : la statue montre un nez modeste, presque grec, bien différent du nez puissant, plutôt bourbonien, visible sur les portraits de Léonard de Vinci. La thèse de Sophie de Gourcy est séduisante, oui, mais elle manque de... prudence. Dire que Léonard de Vinci a inspiré le tombeau de François II n’est pas plus crédible que de dire qu’il a inspiré – au hasard – Les Machines de l’île.
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* Geneviève-Morgane Tanguy en avait presque eu l’intuition dans Les Jardins secrets d’Anne de Bretagne, Paris, Fernand Lanore, 1991, p. 15.
** Léon Charvet, Jehan Perréal, Clément Trie et Édouard Grand, Lyon, Glairon Mondet, 1874.

22 mai 2016

Qu’allaient-ils faire dans cette Maker Faire ? (5) le bal des faiseurs

« Nous avons été reconnus par les fondateurs californiens du mouvement des makers et leurs représentants français comme de grands makers », se rengorge Pierre Orefice sur le site web des Machines de l’île. « Ils nous ont sollicités pour organiser à Nantes, sur le site des Machines, une Maker Faire européenne qui nous ressemble. »

L’honneur ainsi fait aux grands faiseurs nantais est-il si considérable ? Oublions la dimension européenne : comme on l’a dit, une dizaine de Maker Faire® auront lieu en Europe cette année, plus une quinzaine de Mini Maker Faire (l’une d’elle se déroulera à Moscou aux mêmes dates que le Nantes Maker Campus). Même régionale, cependant, la sollicitation adressée aux Machines de l’île rend hommage à leur savoir-faire événementiel… et subventionnel !

Car Maker Faire est en quête de visibilité et d’argent. Redisons-le, Maker Faire est une initiative commerciale d’une entreprise américaine, Maker Media, Inc. Celle-ci vend à d’autres opérateurs à travers le monde le droit d’utiliser son concept et le nom Maker Faire (protégé dans l’Union européenne par un dépôt de marque enregistré à l’INPI sous le numéro 10889046). Parmi ces opérateurs figure une entreprise française, Makers Events, une société anonyme simplifiée au capital de 5.000 euros immatriculée l’an dernier au registre du commerce, qui se substitue à Avro Tech, même dirigeant et même adresse, en règlement judiciaire depuis septembre dernier.

Les Machines de l’île ont le droit d’héberger un événement organisé par un tiers. La convention de délégation de service public conclue entre Nantes Métropole et la SPL Le Voyage à Nantes leur accorde « la possibilité de commercialiser la location de tout ou partie des espaces communs dans le cadre de manifestations évènementielles ». Et en effet, les Machines de l’île louent occasionnellement leurs locaux à des entreprises pour leurs manifestations privées. Elles mettent ainsi un peu de beurre dans les épinards. Le contribuable nantais, qui comble chaque année leur déficit (à hauteur de 1,26 million d’euros en 2014), ne peut que s’en réjouir. Car la convention accordée par Nantes Métropole est claire : les espaces des Nefs Dubigeon doivent être loués « à des fins de produire des recettes à la DSP ». Elle précise même : « Le délégataire fixe librement les prix dans un souci d’équilibre économique de cette activité accessoire au service public. »

Mais le Nantes Maker Campus ne se situe pas dans ce cadre-là. Pierre Orefice lui-même présente explicitement les Machines de l’île comme l’organisateur de la Maker Faire « en complicité [sic] avec François Delarozière de la compagnie La Machine et en collaboration avec Bertier Luyt de Makers Events ». Dans le même temps, Makers Events se présente comme le producteur de la Maker Faire de Nantes. Et le numéro de téléphone indiqué par le site web de la Maker Faire, géré par Makers Events, est le numéro à tarification majorée des Machines de l’île. Il y a là plus qu’un début de confusion des genres entre la société commerciale qu’est Makers Event et le service public d’exploitation des Machines de l’île délégué au Voyage à Nantes.


Or il y a de l’argent à la clé puisque les visiteurs de la Maker Faire paieront, au tarif normal, 12 euros par jour, tandis que les stands seront loués entre 300 et 900 euros aux exposants – à quoi s’ajoutent les redevances de « partenaires officiels » : Leroy-Merlin, le CIC Ouest, Bouygues Immobilier, etc. Plus 150.000 euros H.T. de subvention de Nantes Métropole (dont 50.000 pour la seule Araignée géante de La Machine, qui sera montrée à cette occasion). On se disait bien, aussi, que le contribuable n’en sortirait pas indemne !

18 mai 2016

Qu’allaient-ils faire dans cette Maker Faire ? (4) Gaston Lagaffe aux Machines de l’île

Il est bon assurément que le public s’intéresse aux inventions, à l’industrie, à la création. Mais Nantes n’a pas attendu la Maker Faire®. Nous disposons déjà d’un éventail de manifestations destinées à un large public comme le Festival D, Scopitone, Web2day, les soirées Pecha Kucha ou tout simplement la Foire de Nantes. Fallait-il en rajouter ?

Les passionnés qui n’en ont jamais assez apprécieront la création d’un événement supplémentaire. Cette vision additive est pourtant rejetée par les promoteurs de la Maker Faire qui voient en celle-ci un « concept totalement unique ». Unique en quoi ? Unique, un point c’est tout : la Maker Faire peine à verbaliser l’imagination qu'elle prétend déployer ! Ce qui la rend unique semble être la démarche « événementielle » qui a fait son succès. Elle pourrait attirer ainsi un public pas assez curieux pour visiter les manifestations existantes mais assez suiveur pour se rendre à une manifestation médiatisée. Les miroirs aux alouettes attirent les têtes de linotte…

Le problème de l’événementiel à répétition est qu’il faut en faire toujours plus pour continuer à susciter l’étonnement chez un public shooté au spectaculaire. Dale Dougherty, son fondateur, disait l’an dernier que la Maker Faire se situe « quelque part entre Burning Man et Disneyland – elle n’est pas aussi calibrée que Disneyland mais pas aussi déjantée que Burning Man ». À Nantes, Les Machines de l’île, qui rejettent un modèle Disneyland de toute manière hors de leur portée, accentuent explicitement le volet Burning man : elles doublent la Maker Faire d’un « Campement d’artistes internationaux » où figureront des « artistes associés à l’invitation de Burning Man ».

Extrait d'une copie d'écran du site web des Machines de l'île
Qu’auront-ils à montrer ? Entre autres choses déjà vues ailleurs, un robot-dessinateur capable de reproduire un portrait grâce à un crayon fixé à un bras articulé, une machine à écrire des lettres de sable sur le sol (de quoi mettre au chômage l’artiste de rue nantais qui orne la place Royale de ses textes en marc de café), une danseuse mécanique de 5 mètres de haut et les serpents articulés géants de l’artiste-métallo Jon Sarriugarte. Ce qui vous rappelle sûrement quelque chose : mais oui, ces premières annonces évoquent assez le catalogue des inventions de Gaston Lagaffe : machine à faire les nœuds de cravate, épouvantail à klaxon, bulles de savon noires, appeau à plombier-zingueur… Tout est possible !

Il n’est pas indispensable que la création soit « sérieuse », mais les créateurs ne se trouveront jamais chez les suiveurs. Et surtout, en donnant à voir un produit spectaculaire, on fait passer un mauvais message : on focalise les visiteurs sur un résultat et non sur un processus. Or l’important est le chemin : la joie est dans la création, dans l’invention, dans l’eurêka. La Maker Faire de Nantes sera sûrement distrayante mais probablement pas inspiratrice.

Accessoirement, elle pourrait avoir un autre effet pervers. Elle montrera à un public nanto-nantais convaincu de la singularité des Machines de l’île que leur type d’inspiration n’est pas unique. D’autres, ailleurs dans le monde, savent aussi utiliser habilement le bois, le métal et l’électronique pour fabriquer de grands trucs étonnants. La découverte de l’Amérique va rapetisser l’île de Nantes.

15 mai 2016

Qu’allaient-ils faire dans cette Maker Faire ? (3) l’île de Nantes et la Bay Area complètement à l’ouest

Avec le Nantes Maker Campus, alias Maker Faire®, organisé à Nantes début juillet, Pierre Orefice, patron des Machines de l'île, se trouve dans son élément naturel, celui de l’événementiel médiatique. Et aussi dans son élément artificiel, celui du mélange des genres.

Extrait du site web des Machines de l'île
Événement médiatique, d’abord. Avec l’aimable concours de la presse locale (Anne Augié, qui décrit la Maker Faire comme une « grande foire à tout faire » dans Ouest France, semble cependant plus circonspecte que Stéphane Pageot dans Presse Océan), le patron des Machines de l’île s’enthousiasme pour cette opération présentée comme d’avant-garde. Ce qu’elle n’est pas.

La première Maker Faire a eu lieu en Californie il y a dix ans. Son succès a incité son organisateur, Maker Media, Inc., à étendre la formule, d’abord aux États-Unis puis dans le monde entier. Les « Maker Faire » se sont ainsi multipliées depuis quatre ou cinq ans. Rien qu’en Europe, il en est annoncé une dizaine en 2016 à Berlin, Bilbao, Bodensee, Dortmund, Hanovre, Lisbonne, Newcastle, Rome, Trondheim, Vienne… Sans parler d’une foule de Mini Market Faire, dont celles de Saint-Malo, Perpignan, Lille, Rouen, etc. Au total, quelque 200 événements porteront le label Maker Faire dans le monde en 2016.

Nantes n’est donc pas en avance sur les autres mais figure au contraire dans un gros peloton de suiveurs. S’il n’est pas factice, l’enthousiasme de Pierre Orefice relève de la jobardise et du provincialisme !

Et encore, on s’en tient là aux événements signés Maker Faire. Car le concept est en réalité bien antérieur. Qu’est-ce qu’un « maker » ? Wikipédia, reprenant sa version en anglais, dit ceci : « La culture maker (de l'anglais make, lit. faiseur) est une culture (ou sous-culture) contemporaine constituant une branche de la culture Do it yourself (DIY) (qu'on peut traduire en français par « faites-le vous-même ») tournée vers la technologie. » Cela fait beaucoup de culture et de sous-culture pour désigner ce qu’il suffirait en bon français d’appeler « bricolage », voire « bidouillage » puisqu'il y a un peu d’informatique dedans. Et encore, pas toujours : beaucoup d’objets artisanaux très low-tech (sacs fabriqués à partir de vieux vêtements, jouets en peluche décalés, systèmes de meubles en kit, etc.) sont exposés dans les Maker Faire du monde entier. 

Or les foires-expositions de bricoleurs ne datent pas d’hier : le Concours Lépine est organisé à Paris depuis 1901. Son palmarès ne le cède en rien à celui des Maker Faire : aspirateur, stylo-bille, moteur deux-temps, hélice à pas variable, lave-linge, lave-vaisselle, fer à vapeur y ont fait leurs premiers pas. Les Maker Faire prétendent réinventer le fil à couper le beurre : la jobardise est aussi de mise dans la Bay Area, et le Nantes Maker Campus a en réalité plus d’un siècle de retard sur l’événement !

14 mai 2016

L'Embuscade

Jolie photo, signée PO-RB, sur le site web de Presse Océan ce matin. En voici un extrait :



01 mai 2016

Lobbying pour NDDL (26) : Qu'il fassent Vinci où ils veulent

Jusqu'où peut conduire l'ordonnance du 21 avril 2016 « relative à la consultation locale sur les projets susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement » ? Manifestement rédigé à la va-vite en songeant aux seuls besoins du projet de Notre-Dame-des-Landes, pour respecter (enfin, presque...) un engagement pris par le président de la République tout en tenant dans le délai imparti par un premier ministre contraint par quelque échéance mystérieuse, ce texte ouvre une sorte de boîte de Pandore.

Il permet de consulter les électeurs de n'importe quelle « aire territoriale » à propos de tous projets d'infrastructure ou d'équipement « susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement » , c'est-à-dire en pratique n'importe quoi. Y compris si le projet a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique – elle-même précédée d'une enquête au cours de laquelle les citoyens ont pu s'exprimer. Sans qu'on tienne compte de leur avis le plus souvent. Mais qu'on se rassure : rien n'oblige l'Etat à tenir davantage compte du résultat de la consultation locale. C'est ceinture ET bretelles, sans que le pantalon soit mieux fixé pour autant.

Pourquoi se priver désormais ? Comme tout aménagement un peu important peut avoir une incidence sur environnement, les demandes de consultation vont sûrement se multiplier localement – à la grande joie des élus, bien entendu ! À moins qu'ils ne préfèrent mettre fin à la plaisanterie avant qu'elle n'ait commencé puisqu'une ordonnance est soumise à la ratification du Parlement : Manuel Valls va pouvoir compter ses troupes à l'Assemblée nationale. Quant au Sénat, vu l'enthousiasme de Bruno Retailleau devant la nouvelle péripétie du dossier NDDL, il vaut mieux ne pas trop compter dessus.

Et puis, pourquoi s'arrêter en si bonne voie et ne pas étendre le principe de la consultation locale à n'importe quel sujet, avec ou sans incidence sur l'environnement ? Cela pourrait
Wrightsville Beach, NC
devenir un moyen de se tirer de situations délicates. Aux États-Unis, un sénateur de Caroline du Nord envisage ainsi de recourir au référendum pour sortir du guêpier
d'une loi locale dite HB2, dont la disposition-phare interdit aux transsexuels d'utiliser des toilettes publiques autres que celles destinées à leur sexe d'origine. Ce Clochemerle réinventé agite le pays entier, jusqu'à affecter la campagne présidentielle en cours (« Qu'ils fassent pipi où ils veulent », a répondu en substance Donald Trump quand on lui a posé la question).

Faut-il aller devant les électeurs pour se débarrasser du problème façon Ponce Pilate ? « Que les législateurs fassent leur travail ! », rétorque le StarNews, plus ancien quotidien de Caroline du Nord, dans un éditorial publié ce dimanche. Et d'insister : « Les dictateurs, en particulier, adorent les référendums. Hitler et Mussolini y ont souvent eu recours pour faire avaliser leurs jeux de pouvoir. » Et vlan ! pour Manuel Valls et François Hollande.

Quoi qu'il en soit, c'est évidemment un honneur pour la Loire-Atlantique d'occuper les avant-postes d'un débat aux implications constitutionnelles et démocratiques aussi vastes.