28 avril 2017

Une marque pas très créative pour le Quartier de la création

Qu’est-ce donc que cette histoire de Creative Factory ? Le Cluster Quartier de la création a changé de marque, assurait Presse Océan voici quelques jours. Ce nouveau nom aurait été sélectionné « à l’unanimité du jury » à l’issue d’un « concours de création » remporté par l’agence Nouvelle Vague.

Ce n’est pas une bonne nouvelle. Le nom Quartier de la création est utilisé depuis au moins 2009. « Le Quartier de la création symbolise un nouvel axe de développement pour la métropole nantaise et toute la région des Pays de la Loire, au carrefour de la culture, des technologies et de l’économie », proclamait alors la ville de Nantes. On n’aurait pas besoin de changer de nom si l’« axe de développement » avait tenu ses promesses. La réalisation du quartier lui-même a commencé en 2011. Et son image serait à refaire au bout de six ans ? Quel gâchis ! (À vrai dire, on s’en doutait un peu…)

En réalité, cette Creative Factory n’est pas si nouvelle. Depuis 2014, la Samoa (donc le Quartier de la création), une société d’expertise comptable, un cabinet d’avocats, une firme de conseil en innovation et Atlanpole, « technopole du bassin économique de la région Nantes Atlantique », ont lancé un « accélérateur de projets » à l’intention des jeunes pousses, intitulé justement « Creative Factory ». De cette époque date la création par la Samoa du site web http://www.creativefactory.info/. La « saison 3 » de cette opération a été lancée au mois de mars.
Nantaise aussi, cette autre Creative
Factory 
n'est pas celle qu'on croit...

Presse Océan persiste néanmoins à voir en Creative Factory une « nouvelle marque » qui « adopte une dimension internationale par l’usage de l’anglais ». Ah ! ça, en effet, la dimension internationale ne fait aucun doute : les Creative Factory abondent à travers le monde. Occurrences nantaises mises à part, une recherche Google sur « Creative Factory » trouve environ 687.000 résultats. Autrement dit, la visibilité d’une telle marque est à peu près nulle.

Paradoxalement, les Creative Factory semblent spécialement nombreux en France, où le nom est porté, seul ou en combinaison, par une agence de publicité lilloise, un graphiste niçois, un forum de création de scrap digital, etc. En revanche, The Creative Factory à Paris, un conseil en communication, a fait l’objet d’une liquidation judiciaire voici deux ans. Le plus cocasse est que parmi ces Creative Factory qui ne sont pas notre quartier de la création figure une association créée l’an dernier à Nantes pour « partager des pratiques professionnelles et managériales entre dirigeants et salariés ».

Pour compléter le tableau, on notera que diverses marques contenant l’expression Creative Factory ont été déposées à l’INPI, mais aucune par Nantes ou par la Samoa. Le « nouvel axe de développement pour la métropole nantaise et toute la région des Pays de la Loire » n’est même pas propriétaire de son nom. 

16 avril 2017

Nantes croule sous les poubelles, le Mémorial y échappe

Avec un sens aigu de l’à-propos, Nantes Métropole vient de publier un avis de marché concernant le nettoyage du Mémorial de l’abolition de l’esclavage à Nantes. Au moment où les poubelles jaunes et bleues, intactes ou déchiquetées, s’amoncellent dans les rues pour cause de grève, on nous rappelle que ce monument n’est pas seulement l’endroit le plus surveillé de toute l’agglomération mais aussi le plus propre.

Inutile de s’étendre sur le contenu de l’avis de marché : il reprend à peu de choses près celui de 2014. Son périmètre est un peu élargi : il inclut la piste cyclable créée sur le trottoir et avoue la présence de « 12 caméras de vidéosurveillance » (oubliant que le vocable politiquement correct est aujourd’hui « vidéoprotection »). Et il ne tolère plus aucun « gros déchet » du genre canettes ou sacs poubelles (sic) sur l’esplanade, au lieu d'un tous les 40 m2 jusqu’à présent. En revanche, il maintient la tolérance d’un chewing-gum par mètre carré, et autant de « petits déchets » du genre mégots ou tickets de bus. L’urine et les vomissures seront totalement proscrites.

L’empoussièrement des lames de verre suscite toujours autant de perplexité qu’il y a trois ans. Il devra être inférieur à 1 sur l’échelle de Bacharach. Celle-ci est en réalité une échelle des gris où 0=blanc et 9=noir. Pour mesurer le niveau de gris, on passe un chiffon blanc sur la surface à contrôler puis on compare sa teinte à celle d’un nuancier Pantone. Rien de plus simple, donc. Hélas, les objectifs fixés par l’avis de marché « sont ceux à atteindre quotidiennement à la fin de chaque prestation de nettoyage ». On imagine donc que le test du chiffon blanc devra être effectué chaque jour. Et comme la surface de contrôle est fixée à 10 centimètres carrés, il faudra en théorie 800.000 chiffons blancs par jour pour contrôler les 800 m² des lames de verre…

Dernier détail étrange : comme en 2014, l’avis de marché n’explique pas pourquoi la prestation est demandée (et payée) par Nantes Métropole. À peine indique-t-il que Le Voyage à Nantes est « en charge de l’animation patrimoniale du site ». En réalité, par délibération du 6 décembre 2013, le conseil municipal a confié à la société publique locale la « gestion » du site. Sans réserve. Mais peut-être que le VAN n’entend pas s’abaisser aux histoires de serpillières, de vomissures et de Bacharach. 

08 avril 2017

Carnaval de Nantes 2017 : l’insolence revient à petits pas

À la faveur d’une crise financière, la municipalité nantaise a repris en 2011 la haute main sur le comité des fêtes, organisateur du Carnaval. Les risques de dérapage satirique ont été sérieusement limités.

Cependant, la nature reprend ses droits. Les carnavaliers ont l’esprit malicieux et quelques touches d’insolence n’ont pas tardé à réapparaître.  Oh ! le défilé ne brandit pas vraiment l’étendard de la révolte. Mais il ose des incursions sur un terrain gandilleux.

Le thème choisi (imposé ?) pour le défilé de cette année était : Arts et métiers. Il a légèrement dérapé vers « Culture et business ». « Cessons ces clowneries », propose un char derrière l’effigie d’un éléphant. Un autre se moque ouvertement des géants de Royal de Luxe.

Comme toujours, ces réalisations éphémères rivalisent d’imagination et de motivation. Une fois de plus on se prend à rêver à ce qu’aurait pu accomplir Jean-Marc Ayrault si, au lieu d’écouter de prétentieux conseillers, il avait décidé de faire du Carnaval un temps fort de la culture municipale, comme l’ont fait Nice ou Dunkerque. Pour une fraction des sommes englouties dans Les Machines de l’île et Royal de Luxe, il aurait pu obtenir aisément cette exposition médiatique à laquelle il aspirait tant. 

Le défilé nocturne de ce soir offre aux Nantais une dernière occasion d’acclamer le Carnaval 2017 !

Deux chroniques à relire :

Pourquoi Ayrault ne sera jamais roi Carnaval :

06 avril 2017

L’Arbre aux hérons est déjà en voie de privatisation

La maquette de l’Arbre aux hérons n’appartient plus aux Nantais : elle a été vendue à une banque.

Vraiment ? À en croire l’internet, on ne dirait pas. « Dans la Galerie des Machines, (…) un héron de 8 mètres survole la maquette du projet d’Arbre aux hérons », promet le site web du Voyage à Nantes. « L’oiseau prend son envol (…) pour un voyage de 35 mètres au-dessus de la tête des visiteurs et de la maquette au 1/10e de l’Arbre », confirment Les Machines de l’île. « La grande maquette de l’Arbre aux hérons (échelle 1/10e) et une branche prototype de l'arbre sont visibles sur le site des Machines », renchérit Nantes Métropole, suivie par la ville de Nantes : « Visible en maquette dans la Galerie des Machines, l'Arbre aux hérons... ».

Les complices ont bien coordonné leurs déclarations. Mais elles sont fausses : la maquette a quitté la Galerie des Machines depuis plusieurs mois déjà. Est-ce la raison du coup de mou actuel des Machines ? En tout cas, ça ne doit pas aider.

Un vote à la sauvette en fin de séance

Vers la fin de sa séance du 10 février dernier, au 32ème point de l’ordre du jour, le conseil de Nantes Métropole a été invité à adopter pèle-mêle une augmentation des tarifs de la boutique du Planétarium, la gratuité de la visite du musée d’arts pendant un mois pour les riverains gênés par les travaux et… le « déclassement » de la maquette de l’Arbre aux hérons. En langage ordinaire, il a autorisé sa vente.

En quelques secondes, cette préfiguration d’un équipement qui devrait engloutir des dizaines de millions d’argent public, et qui est censé influencer pour longtemps l’image de la ville, a cessé d’appartenir aux Nantais. La délibération n’a d’ailleurs fait que valider à retardement une situation irrégulière.

Le raisonnement présenté au conseil métropolitain est particulièrement spécieux : « Dans la mesure où elle n'est plus exposée depuis plusieurs mois dans la Galerie des Machines qui renouvelle régulièrement les éléments exposés, [la maquette] n'est plus affectée au service public ». On pourrait en dire autant des 13.500 œuvres amassées dans les réserves du Musée d’arts ; il n’est pas question de les privatiser pour autant.

Or c’est bien ce qui s’est passé pour la maquette de l’Arbre aux hérons : elle a été vendue au Crédit Mutuel Loire-Atlantique Centre Ouest (CMLACO), qui en a décoré le hall de son siège, rue de Rieux, à Nantes, tout à côté des locaux de Nantes Métropole. De la part de la banque, cette acquisition est habile : désormais, toute communication autour de l’Arbre aux hérons est un peu une publicité pour le Crédit Mutuel, elle contribue à orienter des prospects vers ses locaux. De la part de Nantes Métropole, qui ne s’en est pas vantée, la démarche est plus étrange.

La banque a joué plus finement que les politiques

Y compris de la part de l’opposition, qui affecte pourtant de s’intéresser au projet, même si elle ne semble pas toujours bien le connaître. (On n’a pas fini de rire de la proposition de Laurence Garnier : faire parrainer individuellement les feuilles de l’Arbre par de généreux donateurs, alors qu’il s’agit d’authentiques végétaux. Poisson d’avril ? Même pas. C’est digne du chapeau lumineux de la tour Bretagne.) Bizarrement, l’opposition municipale a voté comme un seul homme pour le « déclassement », alors qu’elle aurait dû au minimum s’abstenir. Serait-ce parce que l’un de ses ténors est un ancien patron du Crédit Mutuel ?

On a fait grand cas de la généreuse contribution du Crédit Mutuel au budget des futures études de l'Arbre. Cette phase destinée à durer deux ans apportera plus d’une occasion de parler de la banque et de sa maquette. Que l’Arbre aux hérons se fasse ou pas en définitive, le Crédit Mutuel a déjà réussi un joli coup de communication.

04 avril 2017

Arbre aux hérons : happy few et lumpen héronariat, à chacun son entrée

Après le « thème de l’Arbre et tous ses attributs » puis le point culminant de l’Arbre à 30 mètres de hauteur, voici le troisième volet de notre exploration du dossier de présentation de l’Arbre aux hérons rédigé par Pierre Orefice et François Delarozière.

Ce dossier décrit l’Arbre tel qu’il devrait être et les sensations des visiteurs telles qu’on espère qu’elles seront. « Ce voyage est encore plus fou que l’embarquement dans l’Éléphant ! » assure-t-il à propos du vol des hérons. Encore plus fou peut-être, mais encore plus contingenté sûrement. Car « en période de plus forte affluence, il y a 5 à 6 vols par heure ». Comme les hérons pourront accueillir une douzaine de passagers à la fois, le compte est vite fait : pour transporter les 400.000 visiteurs annuels espérés à raison de 6x12=72 passagers par heure, les hérons devraient fonctionner à plein plus de quinze heures par jour, 365 jours par an ! Un rendez-vous le 9 janvier à 23h30 ou le 10 à 6 heures du matin, ça vous va ? Là, oui, vraiment, ça serait « encore plus fou que l’embarquement dans l’Éléphant » !

La capacité horaire des hérons représente à peu près la moitié de celle de l’Éléphant. Il est donc raisonnable d’escompter un bilan de l’ordre d’un demi-Éléphant, soit 46.000 visiteurs par an. Cela ne fait que 11,5 % des 400.000 visiteurs maintes fois allégués pour justifier la construction de l’Arbre aux hérons. Où sont les autres ? Facile, il y aura deux catégories de clients : ceux qui embarqueront sur le dos des hérons, et la piétaille, très majoritaire, qui devra se contenter de regarder. C’est d’ailleurs bien ce qui est prévu entre les lignes du dossier de présentation : « le circuit des hérons et celui des jardins suspendus sont distincts et leurs accès séparés »*. On ne mélange pas les happy few et le lumpen héronariat !

Trouvera-t-on 400.000-46.000=354.000 clients par an pour une visite au rabais, même à tarif réduit ? Pierre Orefice et François Delarozière voudraient s’en convaincre. Mais ils ont du mal à forger des arguments. Encore et toujours, ils comptent sur le même produit d'appel, les hérons, pour attirer les futurs clients, y compris ceux qui n’auront pas eu droit d’emprunter leur accès séparé. Les visiteurs seront « hypnotisés par le héron qui s’élance dans le ciel en déployant son cou et ses ailes », assurent-ils. « Cette vision est une des raisons d’atteindre les grands belvédères au sommet de l’Arbre pour assister à l’envol des hérons. »

Dans le square Marcel-Schwob, « L’Épave » de Paul Auban
(1869-1945) semble maudire d’avance l’Arbre aux hérons
Après tout, pourquoi pas ? Si mémé s’offre un baptême de l’air à dos de héron, on peut imaginer que toute la famille vienne l’encourager de la voix et du geste depuis les grands belvédères. Pour une mémé héronisée, il ne devrait pas être sorcier de belvédériser huit enfants, petits-enfants, gendres et brus, neveux et nièces, et le tour serait joué.

Mais c’est quand même de la méthode Coué, car on pourra assister à l’envol des hérons gratuitement depuis le sol. Ou, bien mieux, depuis le square Marcel-Schwob et la rue des Garennes. Là, on aura en prime un beau point de vue plongeant sur la carrière de Miséry et la Loire en arrière-plan. Sauf à dégrader le site en remplaçant la grille actuelle par un mur opaque, on voit mal comment obliger les gens à payer pour voir. Le business model de l’Arbre aux hérons reste un mystère.

P.S. du 4 avril. Laurence Garnier, très désireuse de voir l'Arbre pousser, propose un « financement participatif auprès des particuliers qui pourraient acheter des feuilles de l’arbre » et faire inscrire leur nom dessus. C'est gentil de sa part mais il n'est pas nécessaire d'être très observateur pour remarquer que si les branches de l'Arbre aux hérons sont en acier, ses feuilles sont de vraies feuilles avec chlorophylle et tout. Les branches sont « végétalisées », comme disent Les Machines, elles alignent des jardinières de balcon. Allez donc inscrire votre nom sur une feuille de géranium.

_________________

* Ce qui pourrait avoir un intérêt pratique : il est probable que le vol en héron sera interdit pour des raisons de sécurité à partir d’une vitesse du vent relativement basse – et donc fréquente. Un accès distinct permettra de garder l’Arbre ouvert – de même qu’aujourd’hui la Galerie des machines reste ouverte quand l’Éléphant ne peut fonctionner (en principe quand le vent dépasse 60 km/h, vitesse atteinte aux heures ouvrables quatre jours au cours du mois dernier, les 1er, 5, 6 et 25 mars).

02 avril 2017

Arbre aux hérons : la carrière à moitié pleine ou à moitié vide

L’Arbre aux hérons, on l’a dit hier, entend « préempter le thème de l’Arbre et tous ses attributs ». Mais qu’on se rassure, il devrait servir aussi à séduire les touristes. Il a été affirmé à maintes reprises, ici ou , qu’il attirerait 400.000 visiteurs par an. Les bases de cette prévision n’ont jamais été explicitées. Elles sont sûrement fragiles car le communiqué de presse commun diffusé le 8 février par Nantes Métropole et la CCI Nantes St-Nazaire ne table implicitement que sur 350.000 visiteurs, soit quand même 12,5 % de baisse d’un seul coup.

Quels sont les atouts de cet Arbre pour drainer tant de monde ? Les hérons mécaniques, bien sûr. Ils seront le clou de la visite. Pas pour leur altitude puisque, notent Pierre Orefice et François Delarozière dans leur présentation de l’attraction, « l’arbre culmine à 30 mètres de hauteur ». Ce n’est que la moitié du Bomber Maxxx qu’on peut voir en ce moment à la fête foraine du cours Saint-Pierre, qui emmène seize passagers à 60 mètres de hauteur. À une quarantaine de mètres au-dessus de la surface de la Loire, les hérons seront aussi à une quarantaine de mètres au-dessous de la pointe du clocher de
La représentation "officielle" de l'Arbre
le montre en vol au-dessus du clocher de
Sainte-Anne. Posé au fond de la carrière,
il aura moins belle allure.
Sainte-Anne, à 200 mètres de là. Au-dessous, aussi des étages supérieurs du 14 rue des Garennes, qui leur fera face immédiatement. Ils donneront une impression de hauteur côté sud, de rase-mottes côté nord. C’est l’inconvénient de s’installer dans le trou d’une ancienne carrière.

À défaut d’altitude, il y aura l’expérience. Pierre Orefice et François Delarozière s’étendent avec lyrisme sur le vol des hérons : « L’enfant vole, il sent dans la machine chaque battement d’aile, il fait partie de l’animal », etc. Cette littérature vous rappelle quelque chose ? Bien sûr, elle fait écho aux descriptions officielles du Carrousel des mondes marins du genre « spectateurs d’étranges et inquiétantes créatures marines qui tournent dans une gigantesque pièce montée sur trois niveaux, vous découvrez la mer dans tous ses états, depuis les fonds marins, les abysses et jusqu’à la surface de la mer ».

Bon, supposons que l’Arbre soit en définitive plus épatant que le Carrousel : cela suffira-t-il pour attirer les 400.000 visiteurs annoncés ? On y reviendra sous peu.

01 avril 2017

Arbre aux hérons : préemption, réaction, déception

Pierre Orefice et François Delarozière ont pris la plume pour rédiger un dossier de présentation de l’Arbre aux hérons tel qu’ils l’imaginent dans la carrière de Miséry. Lyriques, ils assurent que « la puissance, la démesure et l’accessibilité de l’Arbre aux Hérons permettent à une ville de préempter le thème de l’Arbre et tous ses attributs ». Un thème que le Lunar Tree de Mrzyk et Moriceau, qui domine la carrière depuis le Voyage à Nantes 2012, n'avait donc pas permis de « préempter ».

C’est fréquent à Nantes : tout est toujours à refaire parce que le grandiose projet précédent n’a pas tenu ses promesses. Le Carrousel des Mondes Marins devait faire de Nantes une destination touristique internationale. Et voilà qu’il faut quand même faire l’Arbre aux hérons. Auquel on confie donc cette mission supplémentaire : « préempter le thème de l’Arbre et tous ses attributs », qu’on ne peut quand même pas abandonner à La Boissière-du-Doré (une boissière est un lieu où poussent des buis), La Chapelle-Launay (une aulnaie est un lieu où poussent des aulnes) Derval (du breton derv, chêne), Guéméné-Penfao (du breton fao, hêtre), Carquefou (idem), Fay-de-Bretagne (ibidem), Aigrefeuille-sur-Maine (de la langue d’oïl aigrefuilhe, houx), Le Pin, La Haye-Fouassière, Saint-Brévin-les-Pins et quelques autres. (À ce compte-là, on se demande s’il ne faudrait pas parler de « postemption » au lieu de préemption.)

Pierre Orefice et François Delarozière nous proposent de préempter non seulement le « thème » de l’Arbre (avec une capitale) mais aussi ses « attributs ». Lesquels ? « Les origines, la généalogie, l’enracinement, le lien à la terre », énumèrent les concepteurs de l’engin, sans craindre les clichés réactionnaires ; « le roi rendait la justice sous un chêne », rappellent-ils même.

Pourquoi pas ? Mais on remarque surtout que, parmi les « attributs » de l’arbre, ils ne citent pas les fruits. Et c’est plus prudent. Car ceux de l’Arbre aux hérons s’annoncent amers. Nous verrons cela demain.