03 juillet 2016

Lobbying pour NDDL (35) : Respecter la démocratie ? Que MM. les démocrates commencent

Depuis lundi dernier, les hommes (et femmes) politiques partisans d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes sautent sur leur chaise comme des cabris en criant « la démocratie », « la démocratie », « la démocratie ». Mais de quoi parlent-ils donc ? Reprenons la séquence des événements.
  1. Le 11 février dernier, François Hollande annonce un « référendum local » sur le projet de Notre-Dame-des-Landes. Ce qui montre au passage qu’il n’est pas très sûr de tout ce qui s’est fait jusque-là. Un référendum est-il démocratique ? La question est discutée. Hitler et Mussolini en ont fait grand usage. Mais peut-être étaient-ils des démocrates, après tout ? Quoi qu’il en soit, le référendum local est une formule prévue par la Constitution de la république française et par les articles LO1112-1 et suivants du code général des collectivités territoriales*.
  2. Au lieu d'organiser le référendum annoncé, Manuel Valls crée par ordonnance une formule nouvelle, la « consultation locale » en exploitant une disposition de la « loi Macron » du 6 août 2015. Une ordonnance est-elle démocratique ? Plus ou moins. Elle aussi est prévue par la Constitution – mais comme une procédure d’exception. Elle permet au gouvernement d’avancer vite sur certains sujets urgents relevant en principe du parlement. Ici, l’urgence d’un avis consultatif sur une question qui traîne depuis un demi-siècle ne saute pas aux yeux…
  3. Pour respecter la loi du 6 août 2015, l’ordonnance de Manuel Valls doit être soumise au Conseil national de la transition écologique (CNTE). Le CNTE est-il démocratique ? Il a été créé par la loi. Parmi ses cinquante membres figurent huit parlementaires, huit représentants des collectivités locales, huit représentants des syndicats, huit représentants des entreprises, etc. Le 24 mars, le CNTE retoque sèchement le projet d’ordonnance, et à l’unanimité encore. Pas grave : Manuel Valls passe outre et publie son ordonnance le 21 avril.
  4. La consultation du 26 juin se prépare. Plusieurs collectivités locales, et non des moindres, font ouvertement campagne pour le « oui ». Les sites web de la région des Pays de la Loire et de Nantes Métropole affichent des panégyriques du projet d’aéroport. Est-il démocratique d’utiliser les moyens des citoyens pour influencer le vote des citoyens ? Il faudra au minimum que la justice se prononce. Tous les discours en faveur du « oui », y compris le document de la Commission nationale du débat public (CNDP) font la part belle aux arguments économiques. Est-il démocratique d’utiliser ces arguments avancés pendant l’enquête publique de 2006 mais devenus illicites depuis le Grenelle de l’environnement ? Là aussi, il faudra que la justice se prononce.
  5. La consultation du 26 juin est imminente. « Si le non l’emporte, le projet sera abandonné », déclare Manuel Valls à l’Assemblée nationale le 21. « Si le oui l’emporte dimanche, le projet sera engagé. » C’est un engagement de sa part – uniquement de sa part. Car il est trop tard : la consultation publique telle qu’il l’a voulue est seulement consultative (article L. 123-20 du code de l’environnement). C’est lui qui n’a pas voulu d’un référendum décisionnel. Et son engagement paraîtrait beaucoup plus sincère et démocratique s’il l’avait pris dès la publication de l’ordonnance, au mois d’avril, et non à cinq jours du scrutin… à une date où il avait sûrement en mains des sondages du ministère de l’intérieur annonçant le succès du « oui ».
  6. Et l’histoire ne s’arrête pas au 26 juin. Une ordonnance doit être ratifiée a posteriori par une loi. Sans cette ratification, elle demeure un fait du prince. Manuel Valls a jusqu’au 21 septembre pour déposer un projet de loi de ratification de son ordonnance. Si jamais le projet de loi n’était pas déposé, ou s'il était rejeté, on pourrait dire que la démarche de Manuel Valls n’était pas démocratique.
Je suis assez vieux pour me souvenir ‑ et pas assez vieux pour avoir oublié – qu’en 2005 nous avons été conviés à un référendum sur un projet de constitution pour l’Europe. Un référendum, un vrai, pas une simple consultation. Le « non » l’a emporté à près de 55 %… et la quasi-totalité des dispositions rejetées ont été adoptées par voie législative. Je ne me rappelle pas avoir entendu François Hollande et Manuel Valls protester à l’époque.

N’allons pas confondre respect de la démocratie et ingénierie électorale : ce n’est pas parce qu’une manipulation politicienne a été bien montée qu’elle respecte la démocratie. « Si l’on veut abolir la peine de mort, que MM. les assassins commencent », plaisantait Alphonse Karr au début du siècle dernier. On est tenté de réutiliser la boutade ici et maintenant : « Si l’on veut respecter la démocratie, que MM. les démocrates commencent ».
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* Un référendum local ne peut porter que sur des questions relevant de la compétence de la collectivité qui l’organise, or l’aéroport relève de l’État. Bruno Retailleau aurait sûrement refusé d’organiser un référendum régional. Ce qui n'était pas gênant puisqu’on ne voulait consulter que la Loire-Atlantique : il suffisait de demander à Philippe Grosvalet de s’y coller. Socialiste, il n’aurait tout de même pas refusé de faire ce plaisir au gouvernement. Il suffisait de poser une question du genre : « Voulez-vous que le département soutienne la construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes » et le tour était joué. Le préfet peut s’opposer à un référendum qui excède les compétences de la collectivité ; en l’occurrence, il n’aurait eu aucune raison de faire du zèle. Cette manip' aurait eu une petite odeur de magouille ? Bah ! ni plus ni moins que ce que nous avons eu. 

11 commentaires:


  1. Je pointerais une légère contradiction entre le préambule "régionalisant" de ce blog et votre sentiment sur la ratification in fine du Traité de Lisbonne.

    Si j'ai bien tout compris à ce "machin", comme disait mon Général, la fragilisation voire la disparition des états-nations n'est-il pas le projet de cette Europe des banques où « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. » dixit Juncker...

    Si vous souhaitez un jour reconstituer ce duché breton vieux de 500 ans, les méthodes et les recommandations de cet ancien 1er ministre du duché luxembourgeois ne devraient-elles pas vous convenir ?

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  2. Mon blog se veut local et je n'ai pas cherché à exprimer un "sentiment sur la ratification in fine du traité de Lisbonne", a fortiori pas sur les modalités et les buts ultimes de la construction européenne. J'ai seulement pris le référendum de 2005 comme exemple du double langage du milieu politique relativement au choix des électeurs : respect de la démocratie... à condition que la démocratie soit conforme aux choix arrêtés d'avance.
    Cela dit, il est difficile de répondre simplement à la question que vous posez. Voyez le cas du Brexit : le rejet de l'Union européenne par le Royaume-Uni renforce in fine la revendication nationaliste en Ecosse.

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  3. Merci pour cet article qui replace les choses à ...leur place !

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  4. Autre exemple en matière de démocratie http://www.presseocean.fr/actualite/nantes-mouvements-a-la-ville-05-07-2016-197527

    Sylvain Auvray mis à pied pour avoir répandu des vérités sur les projets de Nantes et Nantes Métropole ? NDDL ?
    Ce ne serait pas étonnant...

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  5. @Anonyme 4 juillet 2016 à 14:32
    Arrêtez vous deux secondes sur l'Ecosse et les deux référendums pour lesquels elle a voté en deux ans. A partir de là, affirmer que l'UE cherche la fin des Etats-Nations me semble bien compliqué. A moins de se lancer sur la théorie du coup à 3 bandes, mais on n'est alors plus très loin du complotisme extrémiste pour qui tout est de la faute de Brussel et de la CIA mais sans jamais oser se demander si ce n'est pas d'abord les Etats-Nations qui sont effectivement périmés. Ou si Paris n'est pas une aberration géographique et démographique, en plus d'une bombe à retardement pour la société française.
    La RF n'en finit pas de se dégrader mais c'est forcément la faute à l'UE. Facile. Et c'est du régionalisme dont il faut se méfier. Bien qu'il soit quasi-inexistant dans ce pays, il serait un danger énorme et imminent. C'est fascinant. Vraiment. On est pas loin de Don Quichotte.
    Ah... Et en passant, personne ne veut du retour du Royaume (oui, oui, c'est un fait, vous l'apprenez j'en suis sûr) ou Duché de Bretagne. Ni chez les plus gauchistes ou fascistes des indépendantistes. Ce sont des Républicains. Mais plutôt à l'allemande, pas à la française. Quant aux quelques nostalgiques du duché, ils sont, logiquement, royalistes et donc catholiques. Vous connaissez l'organisation épiscopale de l'Ouest français ? J'en doute. Renseignez-vous. Ca risque de compliquer un peu vos a priori.

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  6. @VerCocu,

    Que ressentiriez-vous si l'on vous accusait d'être un négationniste à refuser de prendre en considération les déclarations et le profil des Pères de l'Europe ainsi que la perte de souveraineté des états-nations depuis 1957 ? Y a-t-il un modérateur sur le blog ? Je propose un signalement au commentaire de @VerCocu. En effet, il est extrêmement insultant et désagréable de se faire traiter de conspirationiste à la moindre saillie anti-européenne.

    Concernant le cas écossais, je ne l'ai pas évoqué mais sujet néanmoins inédit et important avancé par @Sven et vous-même. Des avis étayés et divergents circulent sur le Net. Voilà c'est tout ! Contrairement à vous, je n'en sais pas plus !

    Plus largement sur le Brexit, je ne m'avancerai pas trop en déclarant que le vert de l'espoir est dans le free et qu'une réaction en chaîne est fort possible ! Ainsi démonstration, peut-être vous sera faite que les états-nations ne sont pas périmés mais le sont assurément les dates de commercialisation et le mode d'emploi de votre machin fédéraliste.

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  7. @Anonyme de 18h59
    je ne me qualifierais pas de "modérateur", mais je lis les commentaires, et je vois mal ce qui vous offense dans le commentaire de VertCocu. Vous et lui n'êtes pas d'accord sur les causes du déclin des Etats-nations (tout en étant plus ou moins d'accord, semble-t-il, sur la réalité du phénomène). Il y a débat, c'est tout. S'il y avait échanges d'insultes, ce serait autre chose (là, je deviendrais peut-être un modérateur... expression hypocrite puisqu'il s'agirait de faire acte d'autorité), mais tant qu'on reste dans les échanges de désaccords, je m'en réjouis puisque ce blog a une vocation polémique. Merci donc à vous-même ET à VertCocu de ne pas être d'accord et de le dire !

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  8. Ah...!? Il me semblait pourtant que clouer place du Pilori son interlocuteur en l'associant à des théories complotiste n'était pas débattre...

    Merci tout de même pour votre mise au point.

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  9. Réponse tardive...
    Je constate que vous éludez mes remarques en vous posant en victime d'insultes. Très constructif.
    Quant au "machin fédéraliste"... Vous parlez de l'UE, je suppose. Je n'ai pas d'avis arrêté sur cette question. Mais j'en ai un sur la République française. Je suis pour une République Fédéraliste Française. Ce qui ne signifie pas la fin de cet État-Nation mais une évolution. Combien sont avec moi ? Vous aurez bien du mal à me citer un nom. Même les Régionalistes ne le sont pas. Je suis prêt à parier qu'il y a plus de Royalistes. Ce n'est pourtant vraiment pas grand chose. Une réforme. Pas une révolution. Mais qui pourrait faire du bien.
    À part remettre en cause les habitudes des élus, je ne vois pas qui ça peut gêner. Un peu comme remplacer les sénateurs par des citoyens tirés au sort. Comme lorsqu'on a donné le droit de vote aux femmes. Les institutions ne se résument pas à "plus ou plus d'UE" et ne bougent pas que par des évolutions violentes.
    Pourquoi fantasmer sur ce prétendu danger ? Pourquoi ne pas le prendre comme un projet inédit, dans ce pays, qui n'est ni un retour en arrière impossible (la France de 1957 n'est plus, le monde a changé), ni un projet en sous-marin de l'UE (ou alors, il faudrait expliquer en quoi la dernière réforme territoriale recentralisatrice va à son encontre... mais c'est comme parler de l'Écosse, de l'Histoire bretonne dans son entièreté ou de l'organisation de l'Eglise catholisue française, ça ne colle pas aux aprioris) ?
    Une grande question est pourquoi la RF est incapable de réformer le haut de sa pyramide ? Qui y a-t-il de choquant à vouloir fédéraliser la France ? D'où vient ce blocage qui fait sortir systématiquement l'Europe ou le rappel du Moyen-Age ? Je ne vois pas la RF comme le meilleur des systèmes. Mais je la crois assez solide par ce qu'elle a construit. Pourquoi ses idolâtres ont, eux, si peur ? Cela m'a toujours étonné. Comment peut-on se passionner pour ce système tout en pensant qu'il puisse être menacé en suivant les modèles allemand ou suisse ? Qui permettent économie et démocratie. La RF est beaucoup plus solide que le RU ou l'Espagne. Qui sont loin d'être la Yougoslavie.
    La RF est malade et refuse de se prendre en main. Elle ne voit comme alternatives que de revenir à un état qui n'a pourtant pas empêché son affaiblissement ou de se réformer par l'extérieur. Pourquoi est-elle incapable de chercher à évoluer par elle-même ? Le fédéralisme n'est évidemment pas la seule option mais le fait que celle-ci soit surtout ignorée, sinon ridiculisée ou vue comme menaçante est tout de même très étonnant. À ce point, c'est désespérant.
    Je ne souhaite pas la disparition de la RF. J'ai simplement le sentiment qu'elle n'y échappera pas si elle ne change pas. Mais j'ai peur qu'elle préfère que tout disparaisse avec elle (que ce soit ses éléments constitutifs ou ses voisins directs). Tout simplement.

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  10. Voici la première ligne du commentaire de Sven Jelure :
    " Depuis lundi dernier, les hommes (et femmes) politiques partisans d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes sautent sur leur chaise comme des cabris..."

    Pourquoi les femmes sont elles mises entre parenthèse ?
    Cela en dirait-il long sur comment Sven Jelure considère les femmes ?

    Olivier Tric
    Je signe mon commentaire, car je ne comprends pas pourquoi les commentaires de ce blog ne sont jamais signés; leurs auteurs ont-ils peur de représailles de la part du pouvoir municipal ?

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  11. Vous cherchez la petite bête, M. Tric, et vous m'obligez à un peu de cuistrerie. "Homme politique" est un concept opératoire de la science politique depuis deux siècles. Ce n'est pas un concept genré (pour rappel, la première des définitions du mot "homme" selon l'Académie française est "être humain de l'un ou l'autre sexe"). Ma parenthèse visait seulement à rappeler sur le mode de la plaisanterie que beaucoup d'hommes politiques nantais, et non des moindres, sont des femmes, même si la plus éminente d'entre elles a longtemps tenu à ce qu'on l'appelle Mme LE maire.

    Mais n'hésitez pas à poursuivre vos recherches : vous parviendrez bien à dénicher sous ma plume diverses formules pas politiquement correctes.

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