31 mai 2011

Les trous béants du mur de Royal de Luxe

Le Mur tombé du ciel place de la Bourse procède d’une idée amusante et sa réalisation est plutôt sympathique. Mais qui donc a choisi la cinquantaine de Nantais représentés ? On dirait un résumé hâtif de l’introduction du Petit Futé ou du Guide du routard et d’un ou deux livres de Stéphane Pajot lus trop vite. Du digest mal digéré.

D’abord, le mur ne montre qu’une cinquantaine de personnages identifiés et non les trois cents, puis deux cents, qu’on nous avait promis. Le reste est formé de simples figurants. Remboursez ! Et encore, sur ce mur censé représenter des « personnages historiques, pittoresques, sites et événements de la cité de Nantes » figurent plusieurs quidams qui n’ont strictement rien à voir avec Nantes.

Diego Rivera, passe encore : le mur est censément inspiré des œuvres de ce peintre officiel mexicain, comme si les fresques à personnages ne dataient pas de l’Antiquité. Mais Frida Kahlo ? « Elle fut l’amante puis l’épouse de Diego Rivera », indique le dépliant explicatif du mur. Parce que Monsieur y est, Madame devrait y être aussi ? Voilà Royal de Luxe bien respectueux du conformisme bourgeois. « Le pape du surréalisme André Breton fut l’un de ses amis et admirateurs », dit aussi le dépliant. La réciproque n’est pas vraie. Revenant d’un séjour à Paris, Frida Kahlo traitait les surréalistes de « hijos de puta ». Pour en finir avec les Mexicains, Zapata n’a évidemment aucun rapport avec les personnages historiques et pittoresques de Nantes – mais on nous a quand même épargné ses vingt-sept épouses.

Guy Môquet, qu’on voit dans le fond face à un peloton d’exécution, n’a qu’un rapport indirect avec Nantes : Parisien, il a été emprisonné et fusillé à Châteaubriant. Il n’était que l’un des Cinquante otages : pourquoi n’avoir pas représenté aussi les quarante-sept autres ? Et avant tout les Nantais fusillés à Nantes (Paul Birien, Joseph Blot, Frédéric Creusé, Michel Dabat, Alexandre Fourny, Léon Jost…). Et pourquoi pas, tant qu’on y est, Gilbert Brustlein qui, en tirant sur Karl Hotz le 20 octobre 1941, déclencha le drame entier ? Toujours au chapitre des exécutions capitales, Gilles de Rais est sur le mur, mais pourquoi pas Charette, Chalais, Landais, Pontcallec, Montlouis, Talhouët, du Couëdic ?

Anne de Bretagne est là, heureusement, mais pourquoi pas son père François II, dernier duc de Bretagne ? Elle est accompagnée de son mari le roi Louis XII, toujours selon la logique des couples légitimes sans doute, mais pourquoi pas de Charles VIII, auquel elle a tout autant été mariée ? Saint Gohard est là aussi, mais pourquoi pas saint Donatien et saint Rogatien, saint Félix, saint Martin ?

Bien entendu, Jean-Luc Courcoult ne s’est pas oublié. Il n’a pas non plus oublié ses bienfaiteurs Jean-Marc Ayrault et Jean Blaise et y a même ajouté Alain Chenard (!) pour faire bonne mesure. Mais on s'étonne de ne pas voir Jean-Louis Jossic, ni Tri Yann collectivement ; ils laisseront pourtant plus de traces que les susdits dans l’histoire culturelle de Nantes.

On n’en finirait pas d’énumérer les absences inexplicables. Où sont par exemple, pour citer des domaines différents, Louis Juchault de Lamoricière (qui aurait pourtant eu de l’allure en zouave pontifical), Sophie Trébuchet, Mériadec Laënnec, les frères Cacault, Jean-Baptiste Ceineray, Evariste Luminais, Jean-François de Nantes ? Avec un minimum de culture historique, ou simplement de documentation, le mur de Royal de Luxe aurait sans peine comporté les trois cents Nantais initialement promis.

30 mai 2011

Dans les prisons de Tepepan y’avait une prisonnière, y’avait une prisonnièèèèère

Du temps où il visitait Guadalajara pour découvrir en avant-première le spectacle de Royal de Luxe largement financé par ses administrés, en novembre dernier, Jean-Marc Ayrault avait pris soin de diffuser à Nantes un communiqué de soutien à Florence Cassez, prisonnière française au Mexique.

L’année 2011 devait être l’année du Mexique en France. Le spectacle nantais de Royal de Luxe était l’un des nombreux spectacles labellisés « année du Mexique ». Martine Aubry avait demandé aux municipalités socialistes d’annuler ces spectacles en soutien à Florence Cassez. Aucune réaction de la municipalité nantaise.

Florence Cassez elle-même avait proposé une solution moins radicale : « qu'on profite de l'année du Mexique en France pour parler de ma cause, qu'on affiche mes photos, qu'on discute de mon cas à chaque événement ». Qui a vu une photo de Florence Cassez ces jours-ci à Nantes ? Qui a prononcé son nom ?

Pas Jean-Marc Ayrault, en tout cas, qui dans le dernier post de son blog se félicite du spectacle de ce week-end, sans un mot pour la prisonnière dont il s’inquiétait quand elle était à la mode. Il est vrai qu’il ne peut pas se soucier de tous les prisonniers français à l’étranger et que le cas DSK lui tient probablement plus à cœur.

27 mai 2011

Royal de Luxe (4) : le talent à la nantaise

Nantes paie cher pour qu’on dise (ou qu’on ne dise pas, l’expérience de Guadalajara est hélas éloquente) que Royal de Luxe est une troupe « nantaise ». Mais à partir du moment où Royal de Luxe s’est installé à Nantes et a été certain que le contribuable couvrirait ses fins de mois, sa créativité a commencé à s'émousser.

C’est humain et probablement inéluctable. On dirait pourtant que la municipalité nantaise ne s’en rend pas compte, ou fait semblant de.

Il en va de même pour son autre grande aventure créative : les Machines de l'île. Elle va répétant machinalement qu'elles sont nées d'une imagination verno-vincienne débordante. Mais la conception de leur pièce majeure, l'éléphant, date en fait de la Visite du sultan des Indes en 2005, tandis que le futur Carrousel des mondes marins concrétisera un pitch antérieur à 2007.

Cela s'explique sans doute par le fait que l'imagination n'est pas le fort de la municipalité nantaise. Dépenser, en revanche, elle sait faire. Si une création coûte très cher, eh ! bien, ça doit être qu'elle est bourrée d'imagination.

Ainsi va l'art officiel : le talent à la nantaise, c’est 1 % d’inspiration, 99 % de subvention.

26 mai 2011

Royal de Luxe (3) : assez d’eau de rose !

Comme le jeu scénique des acteurs est limité, on l’a dit hier, les scénarios des spectacles de géants de Royal de Luxe le sont aussi. L'essentiel est relégué dans un passé qu'on ne verra jamais. On pourrait en produire à la chaîne sur un coin de nappe en papier : « Alors, la petite géante part à la recherche de son frère jumeau dont elle a été séparée à la naissance, le moustachu redescend des montagnes où il se cachait depuis des siècles pour échapper à la vengeance de la sorcière, le beau-frère revient d’un long exil sur une île déserte où son bateau négrier armé à Nantes avait fait naufrage », etc.

Et si l’on a du mal à rabouter les scènes, inutile de trop se casser la tête, il suffit de faire intervenir un deus ex machina ; c’est fou tout ce qui tombe du ciel dans ces spectacles. L’intervention divine, ou celle des extra-terrestres, coupe court à tout besoin d’explication.

Mais quand donc Royal de Luxe se décidera-t-il à quitter le registre du Père Castor pour nous servir des histoires moins convenues ? Et pourquoi pas un peu sulfureuses ? Les mouvements sommaires des géants (de haut en bas, d’avant en arrière…) permettraient déjà toutes sortes de licences. Or Jean-Luc Courcoult n’a rien montré de pire que la sucette de la petite géante : une grande sucette, une très petite audace. (« J'eusse aimé voir son corps fleurir avec son âme / Et grandir librement dans ses terribles jeux » !)

On réclame des scénarios qui font peur et qui scandalisent, un géant affamé de la chair fraîche des Nantais-Nantaises, de l’effroyable de luxe et du royal de luxure. Ce serait d’ailleurs conforme à la véritable origine du personnage. Car voici d’où vient en réalité le géant, selon le récit de Robert Walton rapporté par Mary Shelley.

Le 31 juillet 17xx, Robert Walton se trouve à bord d’un vaisseau qui vogue vers le pôle Nord. Longeant une banquise hostile, son équipage et lui ont la vision fugace d'un traîneau qui file sur la glace. « Une silhouette de forme humaine, de toute apparence de stature gigantesque, était assise dans le traîneau et guidait les chiens », écrit-il. On aura noté la silhouette de stature gigantesque.

Le lendemain, écrit toujours Walton, « un traîneau semblable à celui que nous avions vu avait dérivé vers nous pendant la nuit, sur un énorme morceau de glace. Un seul chien était encore vivant. Mais il y avait aussi un homme auquel les matelots s’adressaient pour qu’il monte à bord. ». Un chien apparu pendant la nuit sur un énorme morceau de glace : c’est évidemment El Xolo. Et ce naufragé qui montera finalement à bord, c’est Victor Frankenstein.

Il ne fait aucun doute que le géant est cette silhouette de stature gigantesque aperçue à travers les brumes arctiques. Ou si ce n'est lui, c'est donc son frère, ou bien quelqu'un des siens. Et voilà pourquoi il y a un tel air de famille* entre la créature de Frankenstein et celle de Courcoult.



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* On notera le menton proéminent, les pommettes saillantes, le front large et bombé vers le haut, les yeux cernés, l'arcade sourcillaire marquée, les lèvres aux commissures tombantes, et bien sûr la cicatrice sur le front.

25 mai 2011

Royal de Luxe (2) : le vêtement, c’est la moitié du spectacle

Tous les géants se ressemblent plus ou moins. Jean-Luc Courcoult tente bien de scénariser leurs apparitions pour en faire autant de spectacles différents. Mais le jeu scénique est contraint par les limites du matériel. On aura beau multiplier poulies et cabestans, les gestes resteront fatalement assez mécaniques : le géant (ou la petite géante) se lève, avance, lève la tête, baisse la tête, tourne la tête, se couche. Ne lui demandez pas une galipette.

La technique permet d’ajouter un peu de diversité, mais il faut de gros moyens pour pas grand chose, finalement. Une grue à plusieurs milliers d’euros par jour va donner quoi ? Le géant monte au ciel - l’Ascension, c’est la semaine prochaine mais, justement, le concept est déjà pris - le géant sort de sa boîte, le géant rentre dans sa boîte, le géant est mis à l'eau, le géant se hisse sur un bâtiment, etc. On ne va quand même pas bien loin avec ça.

En réalité, le scénario joue principalement du costume. Peut-être même le costume dicte-t-il le scénario. Le géant appelle des tenues sommaires, couvrantes, qui ne gênent pas l’animation. Elles doivent être assez robustes pour résister à ses mouvements et raconter en soi le début d’une histoire. Le scaphandre de 2009 répondait bien à ce cahier des charges, tout comme le poncho et le sombrero mexicains cette année. Attendons-nous à voir le géant à Lhassa avec une chuba tibétaine, le géant à Helsinki avec la houppelande du Père Noël, le géant à Fukushima en kimono…

Heureusement, les vêtements amples et simples ne manquent pas à travers l'histoire et la géographie : cotte, tabard, chiton, aube, sarrau, boubou, gandoura, burnous, peplos, chapkan, jaque, saie, macrochère, pien-fou, dalmatique, caftan, haubert, surcot, arkalouk, farruj, goncha, pulu, caracalla, bliaut, exomide, san-benito… il y en a pour des siècles de Royal de Luxe.

Le géant, créature du Dr Frankenstein ?
La réponse est ici !

24 mai 2011

Royal de Luxe (1) : un bilan créatif pas si énorme

Le « nouveau » spectacle de Royal de Luxe commence aujourd’hui en ville. La presse locale va une fois de plus saluer la fabuleuse créativité de Royal de Luxe. Ne lui jetons pas la pierre, elle n’a pas vraiment d’autre choix que de reprendre docilement les dossiers de presse préparés par la troupe chérie de la municipalité. Même ainsi, pourtant, un léger scepticisme s’instille, témoin le titre de 20 Minutes ce matin : « Royal de Luxe remet ça dès aujourd’hui ».

Royal de Luxe, bien entendu, a beaucoup créé depuis sa propre création. Pourtant, après son installation à Nantes en 1990, on constate une décélération. Il y a eu des temps forts, voire très forts comme La Véritable histoire de France en 1990 ou La Visite du sultan des Indes en 2005. Mais aussi pas mal de redites.

Surtout avec les géants, on a l’impression que la troupe bégaie. Elle « remet ça », en effet. Chaque nouveau spectacle a un air de déjà vu. À sa décharge, on peut dire que Royal de Luxe est victime de son succès : comme les géants plaisent au public, il est tentant de les ressortir régulièrement, quitte à leur ajouter des accessoires comme le Xolo (par ailleurs très réussi à en juger d’après les vidéos de Guadalajara). Et pourquoi pas ? Dans le Nord et le Pas-de-Calais, leurs modèles, par centaines, suscitent chaque année la même ferveur depuis des siècles. On est passé du registre de la créativité à celui du rite.

En une bonne vingtaine d’années nantaises, la compagnie n’a pas créé plus d’une dizaine de spectacles vraiment originaux. Dans les vingt années suivant son installation à Amiens, Jules Verne a publié trente-trois romans.

22 mai 2011

L’affichage du Manège des mondes marins laisse à désirer

Comme il se doit, Le Voyage à Nantes a affiché sur l’île de Nantes un panneau relatif au permis de construire de son Manège des mondes marins et du bâtiment voisin.

Le code de l’urbanisme impose de faire figurer sur ce panneau plusieurs mentions. En l’absence de l’une d’elles, le délai de recours des tiers ne court pas ; la période pendant laquelle le permis peut être attaqué est donc rallongée d’autant.

Ces mentions sont les suivantes :
* Nom du bénéficiaire
* Date et numéro du permis
* Nature du projet
* Superficie du terrain
* Adresse de la mairie où le dossier peut être consulté
* Superficie du plancher hors œuvre nette autorisée
* Hauteur des constructions par rapport au sol naturel.

Est-ce que tout y est bien ? Mmmmm….. on dirait qu’il manque quelque chose.

21 mai 2011

Le Manège des mondes marins va devoir tourner vite

« Manège géant : le chantier démarre aujourd’hui », proclamait Ouest France en titre mercredi dernier, le 18 mai. « Aujourd’hui, les palissades en bois de ce vaste chantier vont être posées sur l'esplanade du site des anciens chantiers navals », expliquait ensuite Philippe Gambert.

Cela dénotait une grande célérité puisque le permis de construire du Carrousel des mondes marins n’a été délivré que le 13 mai. Hélas, les Nantais qui se promèneront du côté de la grue Titan jaune ce week-end pourront constater que les palissades en bois n’y sont pas. On dirait bien que le chantier a pris plusieurs jours de retard avant même d’avoir commencé…

Ce qui augure mal de la suite. « C’est parti pour plus de douze mois de travaux », écrivait Philippe Gambert en première ligne de son article. Puis : « Le 15 juillet 2012, le Carrousel des mondes marins tournera sur l’île de Nantes ». Mais l’appel d’offres paru au Bulletin officiel des annonces des marchés publics donnait une autre version de ces « plus de douze mois » : le délai était fixé à 15 mois. Là, ça ne passe plus. Mais on savait déjà que le calendrier des Machines de l’île n’est pas celui du commun des mortels.

Les entreprises parviendront-elles à tenir la date du 15 juillet 2012 en mettant les bouchées doubles ? C’est douteux, car il s’agit d’une réalisation hors normes, pour laquelle on manque d’expérience et de recul : n’importe quel incident peut provoquer un retard. La nature du sol risque de ne rien faciliter. Il suffit de regarder de l’autre côté de la Loire : le chantier du Mémorial à l’abolition de l’esclavage n’a pas pris de l’avance mais au contraire plus d’un mois de retard. Et puis, avant que le manège ne tourne, une fois le chantier achevé, il devra encore subir les lourds contrôles prévus par le décret du 30 décembre 2008 et l’arrêté du 12 mars 2009 en application de la loi du 13 février 2008 sur la sécurité des manèges.

Il est vrai que le Carrousel devait initialement ouvrir ses portes en 2009, et le Mémorial en 2006 : on n’en est plus à un mois près. Pourtant, son nouveau retard probable est plus qu’un peu embêtant, tout comme le retard certain du Mémorial. Le Voyage à Nantes vient d’éditer un catalogue « spécial professionnels » pour vendre des séjours dans l’agglomération. Il comprend un engagement calendaire formel : « Ouverture des Mondes Marins des Machines de l’île : 15 juillet 2012 ». Il est vrai que l’équipe de Jean Blaise promet aussi l’inauguration du Mémorial le 20 octobre, alors qu’elle ne devrait pas avoir lieu avant le 1er décembre. Tout cela fleure l’amateurisme.

19 mai 2011

Ma Tante déserte le centre-ville

Le Crédit municipal de Nantes organise aujourd’hui sa première vente aux enchères dans ses nouveaux locaux.

Le Crédit municipal est l’un des rares services « commerciaux » de la mairie de Nantes : pour qu'il distribue des prêts et pour que les enchères montent, il faut que les clients viennent.

La municipalité se dit attentive aux besoins des commerçants du centre-ville. En particulier, si elle rend la circulation sans cesse plus difficile et le stationnement sans cesse plus rare, c’est pour leur bien.

Mais elle-même n’est sans doute pas parfaitement convaincue des bienfaits de son action. Elle a transféré le Crédit municipal de la rue Saint-Vincent à Euronantes, où elle a pris soin d’aménager de nombreuses places de parking.

S'ils ont des problèmes, les commerçants du centre-ville pourront toujours aller accrocher au clou leurs bijoux de famille.

18 mai 2011

Les subventions ne réussissent pas à la région des Pays de la Loire

On avait raison de dire ici que les subventions publiques sont « mieux maîtrisées pour les uns que pour les autres ». Et l'on comprend de mieux en mieux pourquoi les collectivités locales ne tiennent pas à crier leurs subventions sur les toits. Yan Gauchard révèle aujourd’hui dans Presse Océan que la ville de Nantes, le conseil général de Loire-Atlantique et la région des Pays de la Loire se seraient fait repasser de quelque 80.000 euros de subventions en faveur d’un faux collège (ou lycée) à construire dans la ville ivoirienne de Béoué.

Et encore… en ne comptant que les subventions versées à partir de 2006, car il y en a eu auparavant ; la ville a ainsi versé 1.500 euros d'argent public en 2005 à l’Association humanitaire pour le développement de Béoué (AHDB), instrument de l’escroquerie soupçonnée, montée par un ex-agent de sécurité ivoirien et sa femme. Sans parler des autres victimes, comme La Joliverie.

On a tous reçu de ces lettres qui proposent de percevoir 1 million d’euros en aidant le fils d’un ancien banquier guinéen ou la fille d’un ancien ministre nigérien à rapatrier via la France un colossal héritage planqué en Suisse. Tous les documents sont disponibles : attestation du notaire, certificat de filiation, relevé de compte de la banque suisse, etc. Tout est faux. Seuls d’extrêmes jobards s’y font encore prendre.

En pointe dans l’affaire avec plus de 70.000 euros au compteur, la région aurait pris pour argent comptant, si l’on peut dire, de faux courriers du ministère de l’éducation nationale de Côte d’Ivoire. Et elle voudrait bien ne pas être seule à porter le chapeau : les subventions versées au titre de la coopération internationale, souligne-t-elle, sont validées par un comité d’experts. Chapeau les experts !

17 mai 2011

In Memorial

« Je vais le faire, je le fais, je l’ai fait : c’est trois informations pour le prix d’une. » Nantes applique avec art ce précepte de spin doctor. Elle parle tant du Mémorial à l’abolition de l’esclavage qu’on croirait en avoir déjà une douzaine. En guise de petite pierre à cet édifice communicationnel, voici une mise à jour du calendrier publié jadis dans ce blog :

1998 : Le conseil municipal de Nantes décide d'ériger un monument à l'abolition de l'esclavage.
2000 : Un comité de pilotage rédige un cahier des charges et présélectionne des artistes.
2003 : Le projet de Krzysztof Wodiczko est retenu par le conseil municipal.
2004 : Wodiczko vient à Nantes régler les détails du projet qui doit être achevé fin 2006.
2005 : Nantes Métropole adopte le programme de réalisation.
2006 : Lancement d'appels d'offres (BOAMP du 8 juillet).
2007 : Rien n'est encore fait, mais Nantes Métropole vote une augmentation du budget (conseil du 9 mars).
2008 : Rien n'est encore fait, mais Nantes Métrople demande une réduction du budget. Appel d'offres infructueux.
2009 : Lancement d’un nouvel appel d’offres.
2010 : Début du chantier en février, pose de la première pierre le 10 mai pour ouverture à l’été 2011.
2011 : Suite à un « retard technique » [sic], l’inauguration du monument aura lieu le 1er décembre. Peut-être.

Un chantier loin d'être achevé

16 mai 2011

Les avocats privés d'inauguration à Nantes

L’une des manifestations les plus prestigieuses accueillies par Nantes cette année sera, du 19 au 22 octobre, la Convention nationale des avocats. Plusieurs milliers d’avocats de toute la France y participeront. Le Président de la République devrait être présent à la cérémonie d’ouverture, entouré d’une demi-douzaine de ministres. Le maire de Nantes assure avoir beaucoup oeuvré pour attirer la convention.

« Venez nombreux à Nantes, vous ne serez pas déçus », écrit Thierry Wickers, Président du Conseil national des barreaux, s’adressant à ses confrères dans le dernier numéro (n° 37) d’Avocats & Droit. Pas déçus ? Un peu quand même, ça se pourrait.

« Jeudi 21 octobre sera inauguré à Nantes un mémorial à "l’abolition de l’esclavage" et nous tiendrons à cette occasion une table ronde sur les formes d’expression de l’esclavagisme moderne en partenariat avec la Mairie de Nantes, le Forum Mondial des droits de l’Homme et Yves Repiquet, Président de la CNCDH », précise Marie-Aimée Peyron, vice-présidente du Conseil national des barreaux, dans le même numéro d’Avocats & Droit.

Ce qui était vrai à propos du Mémorial, peut-être, à la mise sous presse de la revue nationale des barreaux ne l’est déjà plus. Certes, sur le site web de Nantes Métropole, on lit encore ceci :
 Mais le numéro de mai-juin du journal de la communauté urbaine annonce une ouverture au public « à la fin de l’année » seulement. Octave Cestor, interviewé par Philippe Corbou dans Presse Océan du 6 mai, est même (un peu) plus précis : « le mémorial sera vraisemblablement inauguré le jeudi 1er décembre ». Nantes a vendu aux avocats une promesse qu’elle était incapable de tenir.
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Actualisation au 21 mai : Ce blog se réjouit d'avoir contribué à la mise à jour du site de Nantes Métropole, sur lequel on lit désormais :
La mauvaise manière faite à la Convention nationale des avocats est maintenant officielle.

14 mai 2011

Fallait qu’ça pète

Un feu d’artifice en plein jour et en plein soleil : il n’y a qu’à Nantes qu’on voit ça (qu’on entend ça, du moins, car pour ce qui est de voir…).

C’était cet après-midi, face aux chantiers navals, pour le baptême du Saint-Michel II. Une belle fête fluviale qui n’avait pas vraiment besoin de cet épisode fumeux pour être un succès.

Sans doute, quelqu'un dans les hautes sphères a dû penser qu'il était absolument indispensable de faire parler la poudre. Résultat : un beau gaspillage d'argent et de compétences, plus un peu de pollution. Non loin de là, devant les Nefs, un village écolo vantait les mérites de la frugalité...

13 mai 2011

Fresques et frasques nantaises

L’acte inaugural du prochain spectacle de Royal de Luxe à Nantes sera le dévoilement d’un mur de dix mètres de long où seront peints les portraits de 300 personnages locaux. Bonne idée. Depuis le « Mur des célébrités » de Paris (1988), hélas disparu, et le « Mur des Lyonnais » (1995), plusieurs villes françaises comme Levallois-Perret ou Valence se sont dotées de fresques murales à la gloire de leurs grands hommes. Cela manquait à Nantes.

Nous avions bien la grande toile d’Alain Thomas, transférée de la place Aimé-Delrue à la rue Fanny-Peccot, mais nul ne confondrait le toucan à bec caréné avec un maire de Nantes d'hier ou d'aujourd'hui.

Qui seront les 300 personnages de Royal de Luxe ? Interrogé par Presse Océan (10 mai 2011), Jean-Luc Courcoult en a cité deux : Willy Wolf et Jacques Vaché. Le premier était un acrobate polonais précurseur du théâtre de rue ; en 1925, il s’est bêtement tué devant un vaste public en se jetant dans la Loire du haut du pont Transbordeur. Le second, écrivain qui n’a pas eu le temps d'écrire grand chose, proche ami d'André Breton, est mort en 1919, à 23 ans, d’une overdose collective d’opium, allongé nu sur un lit de l’Hôtel de France. Ça promet pour les 298 autres.

11 mai 2011

Royal de Luxe : vers un bidonnage record

On va donc revoir la petite géante de Royal de Luxe à Nantes, fin mai, pour une réédition du spectacle montré à Guadalajara en novembre. Il paraît que la manifestation coûtera 800.000 euros aux Nantais. En plus des 150.000 euros d’« aide à la création » versés en 2010 pour le projet mexicain.

C’est deux fois plus d’argent qu’il n’en aurait fallu pour que le carnaval de Nantes ait lieu. La municipalité de Jean-Marc Ayrault a les yeux de Chimène pour Jean-Luc Courcoult, pas pour Annick Le Ridant.

Ce n’est pas si cher, jure Jean-Louis Jossic, cela ne représente que 2 euros par personne puisqu’il y aura 400.000 spectateurs. C’est bien d’avoir de l’ambition. De toutes façons, les chiffres de spectateurs peuvent être gonflés à l’envi, nul ne pourra prouver qu’ils sont faux : seules les dépenses sont certaines.

L’adjoint à la culture pousse quand même le bouchon bien loin : Jean Blaise n’avait revendiqué que 150.000 spectateurs pour le spectacle de Royal de Luxe annexé à Estuaire 2009. Et cela paraissait déjà beaucoup. Mais, comme dit Jean-Luc Courcoult (Presse Océan du 10 mai 2011), « raconter des histoires, c’est fondamental ».

07 mai 2011

Les Labex, un désastre fait maison

Au vu des résultats de l’appels d’offres « Laboratoires d’excellence » (Labex), on s’en souvient, la région des Pays de la Loire avait cherché à présenter comme un succès les miettes obtenues par ses universités.
 
Ouest France et Presse Océan s’étaient gardés d’épiloguer. Filiale du Télégramme, Le Journal des entreprises n’a pas ces pudeurs. Ces résultats sont « désastreux pour les Pays de la Loire », écrit-il en une de son numéro de mai.

« Une terrible gifle… un véritable désaveu pour l’Ouest et pour la Loire-Atlantique en particulier… », insiste en page 3 Stéphane Vandangeon, qui a aussi interrogé Jean-Yves Delaune. L’avis de celui-ci est sans appel : « C’était perdu d’avance… Personne n’ose regarder en face quelle est la vraie problématique de l’Ouest ». Et c’est un expert, ancien patron d’Atlanpole, qui s’exprime.

La catastrophe des Labex, des Idex et des IHU n’est pas le résultat d’une discrimination à l'égard de Nantes. C’est ici qu’est le problème.

06 mai 2011

Grosvalet ligérien, Louvrier breton ?

Ce qu’un maréchal avait fait, on espérait qu’un Mareschal le déferait. On avait tort. Quand Patrick Mareschal a été élu président du conseil général d'une Loire-Atlantique nouvellement passée à gauche, les partisans de la réunification administrative de la Bretagne ont cru le grand jour arrivé. En fait, Mareschal n’était pas l’homme idoine.

Mareschal n’a pas toujours été socialiste : il vient du radicalisme. On disait autrefois des radicaux qu’il y avait du radis en eux : ils étaient roses à l’extérieur, blancs à l’intérieur. À l’intérieur, Mareschal était gwenn-ha-du. Ses années de travail militant lui avaient valu le respect des milieux fidèles à la bretonnité nantaise.

Et c’est sans doute ce qui faisait son prix pour le PS. Car, après la disparition d’Olivier Guichard, une éventuelle conversion de la droite à l’idée bretonne était assurément un danger pour la majorité locale*. En plaçant Mareschal à la tête du département, le PS faisait coup double : il incitait la droite à se raidir contre l’idée bretonne et amadouait l’opinion rattachiste. Mais il ne courait pas de risque. Mareschal est un homme pondéré et intelligent. On lui avait confié à 65 ans un poste à sa hauteur : il n’allait pas tenter de le rehausser en contestant sérieusement l’ordre établi au risque de gâter le confort de sa fin de carrière.

Philippe Grosvalet, nouveau président du conseil général, n’a pas suivi le même parcours. Lui est un sabra du socialisme. Avant de devenir professionnel de la politique, il était permanent d’une association solidement tenue par la gauche. Il ne cache pas son peu d’intérêt pour la question bretonne.

La droite a tout de suite détecté l’opportunité. Franck Louvrier, conseiller à l’Élysée, a même fait assez fort. Dans une longue interview au mensuel Bretons, il déclare carrément : « Moi, à terme, je suis favorable au rattachement de Nantes à la Bretagne. » La droite a tout à gagner à un coup de barre à l’Ouest : d’après un sondage de 2009, ses électeurs y sont beaucoup plus sensibles que ceux de gauche.

Reste à voir si, du coup, l’enthousiasme des socialistes de la région Bretagne ne faiblira pas.
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* La conversion de la droite à l’écologie était un risque moins immédiat, mais non nul : le respect de la nature serait facilement un thème conservateur. En faisant une place à François de Rugy, le PS s’est bordé de ce côté-là aussi. Il n’avait sans doute pas prévu à l’époque que les Verts deviendraient à leur tour une force politique menaçante.

04 mai 2011

Un bref voyage à Nantes pour Marie-Hélène Joly

Nantaise venue d’ailleurs et vite repartie, Marie-Hélène Joly quitte la direction du Château des ducs de Bretagne après tout juste deux ans de fonction.

Marie-Hélène Joly est un calibre. Avant d’arriver à Nantes, elle avait été chef de l’inspection générale des musées au ministère de la culture. La direction du château n’était pas un caprice : « C'est l'aboutissement d'un rêve professionnel ! » déclarait-elle à l’époque à Nantes Métropole. Le rêve passe…



L'ex-directrice s'inscrivait pourtant dans la durée. Sur le site de Nantes Métropole, on peut encore lire aujourd'hui qu’elle bouillonnait d’idées et voulait faire « évoluer le musée tout doucement, par petites touches ».

On espère savoir bientôt ce qui a poussé le capitaine à quitter le navire au début de la saison touristique. Un an après le départ de Jean-Marc Devanne et Jean-Baptiste Desbois, on constate en tout cas que la création du Voyage à Nantes ne se fait pas sans casse.

02 mai 2011

Le Voyage à Nantes vend à ses clients le soleil de minuit

Le Voyage à Nantes se lance pour de bon dans le bain touristique en diffusant à l’intention des professionnels, sous l’étiquette VAN PRO, un catalogue de ses prestations 2011-2012. On ignore qui a rédigé cette plaquette de vingt-quatre pages, où la tour Bretagne semble rangée parmi les « plus beaux exemples d’urbanisme des XVIIIe et XIXe siècles » tandis que La Cigale se trouve en haut de la rue Crébillon.

On y apprend aussi que la station Prouvé « se transforme, à la nuit tombée, en une lanterne magique, invitation à un voyage immobile à la découverte du parcours des oeuvres à ciel ouvert d’Estuaire Nantes <> Saint-Nazaire ». Préconiser un voyage nocturne et immobile pour découvrir un parcours à ciel ouvert, n’est-ce pas annoncer qu’il n’y a pas grand chose à voir ?

Il faut d’ailleurs quelque témérité pour s’aventurer de nuit dans le no man’s land qui entoure la station. Mais au touriste sans peur, VAN PRO signale un autre attrait majeur, non loin de là : « si la nuit est tombée, l’œuvre De temps en temps de François Morellet s’étend sur 8 000 m2 de façade : des néons rouges (soleil), blancs (nuages) ou bleus (pluie) vous indiqueront avec certitude le temps qu’il fera dans quatre heures ». Avec certitude ? À la nuit tombée, promettre le soleil pour dans quatre heures, c’est beaucoup s’engager, même dans une ville qui se voudrait surréaliste.