26 novembre 2015

Oreficia delaroziera, témoin de l'extinction des espèces

La mise au rancart de l'Arbre aux hérons afflige François Delarozière et Pierre Orefice. C'est leur faute aussi. Ils ont mis la charrue avant les (b)œufs en tentant d'imposer leur projet créatif sans avoir bordé ses conditions de réalisation et d'exploitation. François Delarozière encore, ça se comprend : emporté par l'enthousiasme du créateur et par l'intérêt commercial de son association, La Machine, il n'avait aucune raison de se demander qui allait payer – pourvu que quelqu'un paie. Il en va autrement de Pierre Orefice, directeur salarié des Machines de l'île, propriété des collectivités locales via Le Voyage à Nantes : il aurait dû, lui, éviter de confondre ses deux casquettes.

Pour l'avenir, les deux compères se sont enfermés eux-mêmes dans une seringue infernale. Ils ont trop proclamé que les Machines n'avaient pas d'avenir sans l'Arbre aux hérons, et ils ont imprudemment fait de la Galerie une préfiguration de l'Arbre qui n'a plus lieu d'être désormais. À présent, de deux choses l'une : soit les Machines disparaissent, soit ils ont dit n'importe quoi.

Ils traîneront aussi un  boulet plus lourd : sourds aux avertissements, ils ont obligé Johanna Rolland à jouer les mère Fouettard en assumant publiquement une décision raisonnable mais impopulaire. Si encore ils avaient fait profil bas, la question aurait pu se régler discrètement entre gens de bonne compagnie. Mais en cherchant à passer en force, ils ont exposé inutilement Madame le maire de Nantes.

Celle-ci s'est montrée indulgente jusqu'à présent. En prétextant une absence de terrain disponible, elle a évité de pointer les faiblesses du projet et ses perspectives d'exploitation exécrables. Il est vrai que cela la dispensait aussi de rappeler l'inconséquence dont Jean-Marc Ayrault a fait preuve en imposant en 2004 un projet mal calibré et géré dans des conditions à faire frémir*. Mais si Johanna Rolland a un peu de mémoire, voilà MM. Delarozière et Orefice marqués à l'encre rouge pour longtemps.

Ce qui ne leur fait peut-être ni chaud ni froid : le premier a déjà un canot de sauvetage à Toulouse et le second, sexagénaire, pourra bientôt faire valoir ses droits à la retraite.
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* Pêle-mêle : les Machines de l'île ont été financées comme un équipement touristique mais excipent de leur caractère artistique pour échapper à la législation des marchés publics, leur directeur salarié bénéficie aussi de droits d'auteur – tout comme le dirigeant de leur principal fournisseur, leurs déficits d'exploitation sont supportés  par la communauté urbaine alors qu'elles sont en droit gérées à ses propres risques par une SPL, elles ont toujours été déficitaires alors que leur exploitation devait être équilibrée après 2009, etc.

08 novembre 2015

Non, non, non, non, saint héron n’est pas mort car il branche encore

« On a la conviction que si le projet n'est pas inscrit au prochain mandat, c'est-à-dire en 2014, il ne se fera pas », déclarait Pierre Orefice à Frédéric Brenon, de 20 Minutes, il y a deux ans et demi, à propos du projet de l’Arbre aux hérons. « C’est 2019 ou jamais », insistait le patron des Machines de l’île, compte tenu des cinq ans qu’aurait duré le chantier. À l’heure qu’il est, donc, c’est fichu.

Fichu... à moins bien sûr que Pierre Orefice n’ait parlé à tort et à travers. C’est apparemment ce qu’espère la Jeune chambre économique Sud Loire. Elle redit de temps en temps, sur Facebook et dans la presse, son espoir de voir le projet se réaliser quand même. Sans craindre l’acharnement thérapeutique, elle voudrait le tirer du coma en lui apportant sur un plateau le financement que Nantes Métropole, instruite par l'expérience des Machines de l'île, ne semble pas décidée à lui accorder. Deux sources sont envisagées :
  • un crowdfunding qui ferait appel à de généreux donateurs
  • le parrainage des 22 branches et des 40 bancs de l’Arbre
On a déjà évoqué le crowdfunding ici : inutile de se bercer d’illusions sur ses perspectives. Le record absolu, et de loin, des financements participatifs rassemblés via le leader français et européen Ulule est inférieur à 0,7 millions d’euros, soit 2 % de ce qu’il faudrait à l’Arbre aux hérons. Or ce record a fait intervenir près de 12.000 contributeurs alors que la page Facebook du projet nantais a recueilli, au 6 novembre, 723 mentions « j’aime » (qui au surplus ne sont nullement des promesses de financement).

Reste le parrainage : 62 panneaux publicitaires à commercialiser. La formule n’est pas une nouveauté. À New York, Central Park a mis en place en 1986 le programme « Adopt a Bench ». Sur les 9.000 bancs du parc, 4.100 ont trouvé preneur, à 10.000 dollars pièce. À supposer que la JCE trouve des parrains pour tous les bancs de l’Arbre et que chacun d’eux accepte de payer aussi cher que pour un banc de Central Park (défense de ricaner), la recette plafonnerait aux alentours de 370.000 euros, soit un peu plus de 1 % du budget nécessaire. Et l’on remarquera qu’il a fallu 29 ans à Central Park pour placer moins de la moitié de ses bancs…

Les branches pourraient-elles se vendre plus cher ? Rien n'est moins sûr*. Et allez donc trouver 22 entreprises (hormis les habituels SAMOA et autres pseudopodes municipaux) qui soient prêtes à dépenser beaucoup d’argent pour y accrocher leur nom… Et puis, la transformation de l’Arbre en panneau publicitaire géant pourrait soulever d’intéressantes questions : Est-ce vraiment l’image qu’on souhaite donner de Nantes ? La ville exonérerait-elle les annonceurs de sa taxe locale sur les publicités extérieures (TLPE) ? Comment éviter que l’Arbre ne fasse la promotion des chaînes de fast-food à tous les étages ? Etc.

Des questions qui ne perturbent probablement pas la JCE mais qui promettent de jolis débats municipaux en cas de résurrection du projet. Et l'on entend, dans les champs, s'enc... les éléphants !
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* Les Machines de l'île avaient pour l'Arbre aux hérons un objectif de fréquentation d'environ 400.000 visiteurs/an, soit en langage publicitaire 400.000 ODV (occasions de voir). Le CPM (coût pour mille) de la publicité extérieure est généralement inférieur à 1 euro. Un panneau publicitaire sur une branche de l'Arbre pourrait donc valoir peut-être 400 euros par an ; à ce prix, les 22 panneaux couvriraient en dix ans 0,25 % du coût du projet.

06 novembre 2015

Lobbying pour NDDL (17) : L’aéroport ? Quel aéroport ?

Le sujet, c’est les zadistes, pas l’aéroport. L’aéroport, les politiques ne connaissent pas, ou seulement de nom. Témoin ce que disait hier Christophe Clergeau, chef de file des candidats socialistes à l’élection régionale du mois prochain : l’aéroport « ne doit pas être placé au cœur des élections régionales. […] Tout ramener à NDDL, c’est priver les citoyens du débat auquel ils ont droit sur l’avenir de leur région, et sur l’orientation de ses politiques publiques ».

L’élément de langage transparaît clairement : surtout, ne parlons pas de NDDL. De quoi parler alors ? De « l’état de droit » ! Cette expression très langue-de-bois est omniprésente. « l’État de Droit pourrait bientôt être enfin de retour à Notre Dame des Landes », déclare ainsi Bruno Retailleau, homologue de Christophe Clergeau côté droite. « La France est un État de droit, il est inacceptable et inimaginable qu'une minorité d'individus ultra-violents puisse empêcher l'application des décisions de justice et aller contre l'intérêt général », assurait Manuel Valls avant-hier à l’Assemblée nationale.

(À vrai dire, si l’État n’est pas capable de rétablir cet « état de droit » quand cinquante gens du voyage bloquent une portion d’autoroute, on est curieux de savoir comment il se débrouillerait face à des bataillons de zadistes embusqués sur des centaines d’hectares.)

Sur son site web, alors que la campagne électorale bat son plein, Christophe Clergeau n’a plus mentionné Notre-Dame-des-Landes depuis plus de quatre mois – et c’était déjà pour dire qu’il ne fallait pas en parler.

Tous ces responsables politiques ont en main des sondages d’opinion. S’ils ne parlent pas du projet d’aéroport, c’est que le public n’en veut pas. Se déclarer en faveur du projet d’aéroport pourrait leur coûter cher électoralement. Naïvement, Christophe Clergeau le confirme « en creux », assurant que les dirigeants d’EELV sont venus à NDDL avant hier « pour se refaire à bon compte une santé politique » ‑ autrement dit, être contre l’aéroport, ça rapporte des voix.

En revanche, comme les électeurs n’aiment pas trop les fauteurs de trouble, être contre les zadistes, c’est porteur. C’est à présent le leitmotiv des politiques, à droite comme à gauche, toute leur communication tourne autour de « l’état de droit ». L’aéroport n’est plus qu’un accessoire de l’anti-zadisme. On l’aura en prime de la dézadification. Comme si le moyen le plus efficace de se débarrasser des zadistes n’était pas de renoncer au projet d’aéroport !


03 novembre 2015

Jacques Auxiette voyage encore pour la région

« L’action se passe dans les Pays de la Loire, c’est-à-dire nulle part »
Sven Jelure, d’après Alfred Jarry, Ubu roi

Jacques Auxiette a sacrifié une partie des vacances de la Toussaint pour se rendre dans le Sud tunisien afin de « faire le point sur la coopération entre notre Région et la province de Gafsa », écrit-il sur son blog.

À un mois de la fin de son mandat de président de région, ce « point » était-il vraiment indispensable ? L’accord de coopération a été renouvelé pour trois ans en février dernier : à moins que la région ne signe les yeux fermés, un « point » avait été fait à ce moment-là. Sinon, pourquoi Jacques Auxiette aurait-il sacrifié une partie des vacances d’hiver, du 15 au 20 février, pour se rendre au gouvernorat de Gafsa ?

Il avait déjà sacrifié une partie des vacances de la Toussaint 2012 pour se rendre sur place afin de signer l’accord initial le 7 novembre 2012. Un accord qu’il avait préparé au cours d’une semaine entière de visite en Tunisie du 12 au 18 mars 2012. Ce qui prouve la permanence de son esprit de sacrifice. Un esprit largement partagé d’ailleurs, puisqu’il était à chaque fois accompagné d’une copieuse délégation régionale.

« Je suis persuadé que l’avenir de la Tunisie s’écrit notamment à Gafsa ! », s’exclamait le président de région en février. L’avenir de la Tunisie, peut-être, mais le passé de Jacques Auxiette (ex-coopérant dans ce pays), sûrement. 

01 novembre 2015

Lobbying pour NDDL (16) : débroussaillage et/ou enfumage ?

L’État, via la DREAL, a donc lancé un appel d’offres portant sur des « travaux de débroussaillage, de rétablissements d'accès et de clôtures de la desserte routière de l'aéroport du grand ouest à Nantes » (sic).

Le vrai événement n’est pas dans cet appel d’offres. Comme son titre l’indique, il ne porte que sur des travaux préparatoires et périphériques : élagage, coupe d’arbres, destruction et construction de clôtures, griffage des sols dans les zones favorables au campagnol amphibie (la grande vedette de Notre-Dame-des-Landes), pose de panneaux de signalisation, etc. Ce qui est coupé est coupé, certes. Mais ce qui est construit… ne l’est pas forcément pour longtemps.

Le candidat retenu devrait par exemple construire des kilomètres de clôtures herbagères, définies comme « 4 rangs de fil de fer ronce n°16 classe C fixés sur des poteaux en châtaignier écorcés et traités distants de 3 mètres ». Vu l’ambiance locale, une bonne partie du travail risque d’être à refaire chaque jour, à moins de mettre un CRS derrière chaque poteau ! Aucun chef d’entreprise raisonnable ne s’aventurerait à présenter une offre dans ces conditions. Reste à voir qui voudra se signaler publiquement comme pas raisonnable.

On imagine mal que la DREAL n’ait pas été consciente du problème. Pourtant, elle ne dit pas comment le travail réalisé serait protégé. On peut donc douter du sérieux de cet appel d’offres. Qui n’indique pas de date de réalisation… Conclusion : comme dit François de Rugy, « cette annonce s’apparente à des gesticulations ».

Des gesticulations même pas très visibles, d’ailleurs. Publié au BOAMP le 26 octobre, l’appel d’offres est d’abord passé inaperçu des partisans comme des adversaires du projet d’aéroport. Cette absence de remous n’était-elle pas une bonne affaire pour un pouvoir amateur de coups en douce ? Apparemment non : la préfecture de Loire-Atlantique a tenu à agiter le grelot en publiant un communiqué le 30. Cette fois, elle a obtenu les réactions attendues. Toute la presse, locale et nationale, jusqu’au journal télévisé de TF1, a enfin relayé le message : l’État va agir ! (Peut-être…)

À quelle stratégie de communication cette mousse médiatique obéit-elle ? Différentes hypothèses sont envisageables. On ne s’embêtera pas à les décortiquer ici, mais aucune ne paraît très glorieuse !