27 février 2014

Lobbying pour NDDL (11) : bientôt fini ?

« L’action se passe dans les Pays de la Loire, c’est-à-dire nulle part »
Sven Jelure, d’après Alfred Jarry, Ubu roi

Jacques Auxiette, dont on connaît l’habileté épistolaire, vient d’adresser une supplique au président de la République. Il y écrit que les incidents qui ont émaillé la manifestation de samedi dernier à Nantes « étaient non seulement prévisibles mais absolument certains ». Tiens, tiens, comment pouvait-il en être si sûr ? Serait-ce une allusion à cet adage célèbre inspiré de Cocteau, « puisque ces événements me dépassent, feignons d’en être l’organisateur » ?

Et de réclamer un démarrage des travaux en avril, au motif qu’un report « serait probablement fatal au projet ». Ainsi, quelques semaines de réflexion supplémentaires conduiraient à se dire qu’après tout, on n'a pas vraiment besoin d’un nouvel aéroport ? Faut-il que ses justifications soient fragiles ! À moins que le projet ne soit régi par quelque agenda occulte dont le public n’est pas informé ? Là, M. Auxiette en a trop dit, ou pas assez : on espère des explications.

Retrouvez les épisodes précédents de « Lobbying pour NDDL » :

26 février 2014

Anne de Bretagne mal honorée (3)

Faut-il croire Giboire ? Depuis l’été dernier, un panneau d’affichage est posé sur la façade de feu l’Hôtel de la Duchesse Anne. « Ici, le Groupe Giboire investit pour la préservation du patrimoine », y lit-on. Et puis ceci : « Le Groupe Giboire engage des travaux de sécurisation des façades de l’ex-Hôtel de la Duchesse Anne dans le respect du plan de sauvegarde et de mise en valeur du centre-ville ». Pas « va engager » : « engage ».

En acceptant d’endosser ce chantier empoisonné en cette période de commémorations… et d’élections, le promoteur rennais a rendu un sacré service à la municipalité nantaise. L’inaction de celle-ci confinait au grotesque : depuis l’incendie de l’hôtel en 2004, le geste le plus énergique de Jean-Marc Ayrault avait été d’écrire aux propriétaires en 2011 « pour leur demander de bouger ». Désormais, ses héritiers peuvent se retrancher derrière un opérateur privé !

Il est vrai que le Groupe Giboire n’a pas à se plaindre du traitement que lui réserve Nantes Métropole. Il a obtenu le droit de construire des immeubles de luxe tout à côté du château de l’Éraudière, bel exemple de « folie » nantaise du 18ème siècle qu’on aurait cru mieux protégé. Et deux mois après avoir accroché sa pancarte sur l’hôtel dévasté, il a été chargé de construire le nouveau quartier Bottière-Chénaie – pas moins de 30.000 m² de planchers.

Seulement voilà : plus de six mois se sont écoulés et rien n’a été fait. La façade de l’hôtel continue de se dégrader et les intempéries de cet hiver n’auront rien arrangé. Giboire sauve peut-être la réputation des édiles nantais, mais il compromet la sienne.

20 février 2014

Anne de Bretagne mal honorée (2 bis)

Une bonne âme, qui lit peut-être La Méforme d’une ville, a redressé la plaque du pont Anne de Bretagne. Mais elle reste branlante et n’importe quel malfaisant pourrait à nouveau la mettre à bas.
Il n’y a pas de quoi en faire tout un plat ? N’empêche que si ce genre de chose arrivait au Mémorial de l’abolition de l’esclavage, à vingt mètres de là, les secours seraient aussitôt alertés. C’est même spécifié dans le cahier des clauses techniques particulières du récent appel d’offres pour le nettoyage du Mémorial. Il y a deux poids et deux mesures.
 
Et puis, à propos de Mémorial, les Nantais se rappelleront une petite histoire qui date de 1998. Cette année-là, une étudiante des Beaux-arts avait installé sur le quai de la Fosse, pour commémorer le cent-cinquantième anniversaire du décret d’abolition de l’esclavage, une statue représentant un esclave se libérant de ses chaînes. Quelques jours plus tard, cette statue avait été jetée à terre. S’était alors développé autour des débris tout un discours de repentance indignée : Nantes ne veut pas regarder en face son passé esclavagiste, etc.
 
Un discours totalement fabriqué, une indignation totalement artificielle : l’outrage n’a jamais été revendiqué. Son auteur connaissait-il la signification de la statue, pas évidente à première vue, surtout dans l’obscurité ? Nul n’en sait rien : il est resté inconnu. C'était peut-être un simple pochard de passage. Deux ou trois coups de pied ont pu suffire pour venir à bout de cette œuvre fragile, exercice scolaire réalisé avec les moyens du bord (un jetis de ciment sur un treillis de fil de fer). Quant au « passé qui ne passe pas », on le sait, il n’a jamais été tu. Même si certains ont fini par le croire, à force de se l’entendre répéter.
 
La statue brisée est aujourd’hui exposée au château des ducs de Bretagne. Le vandale inconnu lui a finalement rendu un fier service. Les intempéries l'auraient ruinée depuis longtemps si elle était restée exposée sur le quai de la Fosse.
 
L’un des deux outrages a été monté en épingle, l’autre ne l’a pas été. Nantes ne veut pas regarder en face son passé breton.

15 février 2014

Anne de Bretagne mal honorée (2)


La plaque située à l’entrée du pont Anne de Bretagne est constellée de graffitis depuis des années. Rien à voir avec le tout proche Mémorial à l’abolition de l’esclavage, nettoyé dans l’heure de la moindre souillure.

Mais depuis quelque temps, le sort de la malheureuse plaque est plus radical : décollée de son socle, sans doute lors de la pose d’une barrière, elle gît face contre terre. Les services municipaux ne s’en soucient pas davantage que des graffitis.

En cette année d’élections, on a mieux à faire que d’honorer la duchesse Anne pour le 500ème anniversaire de sa mort, le 9 janvier 1514.

14 février 2014

Les Machines de l’île entrent dans la campagne électorale, et ce n'est sans doute pas très malin de la part de Pierre Orefice

Pierre Orefice ne veut pas que Laurence Garnier soit élue maire de Nantes. L’intervention du directeur des Machines de l’île dans la campagne électorale est-elle téléguidée par Johanna Rolland ? Probablement pas, car elle met en lumière une vérité dérangeante : pendant le long règne de Jean-Marc Ayrault, un grand nombre d’obligés ont été placés aux manettes de divers organismes. Pierre Orefice est simplement plus gaffeur que les autres.

Plus nombriliste aussi. Quel prétexte invoque-t-il ? Laurence Garnier « n’a pas cherché à nous rencontrer, elle nous a méprisés, ce n’est pas respectueux » ! Faudrait-il donc que les candidats à la mairie lui demandent audience pour venir déposer leurs respects à ses pieds ? Et pourquoi se limiter au directeur des Machines de l’île ? Faut-il en faire autant avec les directeurs du château des Ducs de Bretagne, de Nantes Tourisme, de la Samoa, de la Semitan, de la Cité internationale des congrès, de Nantes métropole aménagement, de NGE, de l’Accoord et autres courroies de transmission de la municipalité ?

Pierre Orefice mélange les genres. Les Machines de l’île dépendent de la SPL Le Voyage à Nantes, dont le capital est très majoritairement détenu par Nantes Métropole, et non par la ville de Nantes. Or, à ce stade, Laurence Garnier n’est candidate qu’à la mairie de Nantes : élue, elle n'aurait aucun pouvoir sur Les Machines. Cela ne l’a pas empêchée de suivre Pierre Orefice dans son délire en acceptant par avance sa démission : même si elle est élue maire de Nantes, ce n’est pas à elle que Pierre Orefice remettra sa démission mais à ses patrons, Valérie Demangeau et Jean Blaise, respectivement présidente et directeur général du Voyage à Nantes.

Au fond, le confusionnisme fait partie de l’ADN des Machines de l’île, équipement touristique (compétence de la communauté urbaine) qui se veut équipement culturel (compétence de la ville). Pierre Orefice directeur salarié des Machines de l’île, perçoit aussi en tant que concepteur un pourcentage de leur chiffre d’affaires. Qui plus est, Les Machines ne sont pas La Machine, entreprise privée de forme associative qui construit les machines. Installée dans le hangar d’à côté, bien que son siège social se trouve à Toulouse, La Machine a pour directeur artistique François Delarozière, qui lui aussi touche un pourcentage sur le chiffre d’affaires réalisé par Les Machines. Les Machines, qui perdent beaucoup d’argent, sont clientes de La Machine, qui en gagne beaucoup. D’accord pour considérer comme des œuvres d’art les machines construites par l’une et payées par l’autre, les deux entités échappent aux règles de la commande publique. Ainsi, quand on nous dit que l’Arbre aux hérons coûterait 35 millions d’euros, cela signifie simplement que c’est le prix sur lequel s’entendraient La Machine (François Delarozière) et Les Machines (Pierre Orefice). Vous comprenez quelque chose à ce jeu de bonneteau ? Une seule chose est claire : au bout du compte, c’est nous qui payons.

12 février 2014

Nantes Métropole confirme : le Mémorial est hors-la-loi

Comme on l’a dit avant-hier, Nantes Métropole cherche un prestataire pour le nettoyage courant du Mémorial à l’abolition de l’esclavage. La liste des éléments à entretenir est fixée avec précision. Elle comprend « 12 caméras de vidéosurveillance » (oui, Nantes Métropole semble ignorer que le terme politiquement correct est à présent « vidéoprotection »). Douze caméras pour 8.000 m² d’esplanade et 430 m² de passage souterrain : c’est sûrement l’endroit le mieux surveillé de Nantes.

Le Mémorial comprend aussi « 8 plaques en inox avec des lettrages gravées installées par séries de 2 aux entrées principales du Mémorial ». Ainsi, Nantes Métropole désigne clairement les « entrées principales » du monument.

Or, ainsi qu’on l’a déjà indiqué, l’arrêté préfectoral du 12 décembre 2011 qui a autorisé Le Voyage à Nantes à installer ses caméras dispose, conformément à la loi, que l’existence du système de vidéoprotection doit être signalée « à chaque point d’accès du public ».

Il aurait donc fallu apposer une signalétique « claire, permanente et significative » à chacune des quatre entrées principales. Les deux modestes pancartes posées l’une en bas à gauche de l’escalier principal, l’autre dans l’édicule de l’ascenseur, sont complètement hors des clous.

Célébrer la libération des esclaves, c’est bien. Respecter les libertés publiques, ça serait pas mal aussi.


10 février 2014

Le Mémorial à l’abolition de l’esclavage et ses 8.000 chewing-gums

Nettoyer le Mémorial à l’abolition de l’esclavage  est un travail d’une haute technicité. On s’en rend compte au vu de l’appel d’offres lancé par Nantes Métropole pour le nettoyage courant du monument. Outre les formalités de publicité, une dizaine de documents ont été confectionnés à cet effet : cahier des clauses techniques particulières (CCTP), plan de situation, règlement de consultation, tableau des effectifs, etc. Les candidats doivent répondre à tout un questionnaire couvrant aussi bien le « le niveau de qualification des opérateurs qui interviendront pour réaliser les différentes prestations » que « leur politique générale (…) en matière d’hygiène et de sécurité ». Vu la complexité de la tâche, on comprend pourquoi elle n’est pas assurée tout simplement par les services de la ville.

Les objectifs à atteindre sont fixés avec la plus grande précision. Ainsi, un seul gros déchet du genre canette ou sac poubelle sera toléré dans tout le passage souterrain. Sur l’esplanade, en revanche, on admettra un gros déchet pour 40 m², soit quand même un total possible de 200 cochonneries, auxquelles pourraient s’ajouter jusqu’à 8.000 petits déchets (mégots, capsules, tickets de bus…) et autant de chewing-gums écrasés à raison d’un par mètre carré. L’empoussièrement devra être inférieur à 3 sur l’échelle de Bacharach dans les escaliers, mais inférieur à 1 sur les lames de verre*. Etc. Qui dira la poésie des CCTP ?

Le nettoyage du Mémorial est assuré par Véolia dans le cadre d’un précédent marché. Mais le futur prestataire s’engagera à reprendre le personnel en place, soit l’effectif colossal de « 1 CDI temps plein, agent de nettoiement, au coefficient 107 », dont ses voisins apprendront avec intérêt qu’il est payé 24.047,79 euros brut par an, plus une indemnité salissure mensuelle de 35,22 euros net et une indemnité casse-croûte journalière de 4,532 euros net. L’agent de nettoiement au coefficient 107 ne devra pas seulement manier le balai mais aussi remplir différentes paperasses destinées à un inspecteur des travaux finis, ou plus exactement un « responsable du suivi et de l’exécution du marché (RSEM) » désigné par « la personne responsable du marché ».

L’appel d’offres soulève encore différentes questions d’importance mineure (faut-il dire à présent « Mémorial à… » et non plus « Mémorial de… » ?) ou moyenne (pourquoi un marché de nettoyage passé par Nantes Métropole, alors que la gestion courante du Mémorial a été confiée par la Ville de Nantes au Voyage à Nantes dans le cadre d’une délégation de service public ?). Mais au passage, il met le doigt sur un détail plus gênant dont on reparlera bientôt.
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* L’échelle de Bacharach va de 0 à 9, du blanc au noir ou gris foncé. On passe un chiffon blanc sur la surface à contrôler et on compare sa teinte à celle d’un nuancier. Sachant que la surface de contrôle dans le Mémorial est fixée à 10 centimètres carrés et que les lames de verre à elles seules font 800 m², soit 800.000 fois la surface de contrôle, combien de mouchoirs faudra-t-il utiliser pour ce contrôle qu’on imagine journalier ? Question subsidiaire : combien d’agents faudra-t-il affecter à cette tâche ?

05 février 2014

Bolopoly (11) : le SoNantes se rattrape aux branches

Créer une monnaie locale à Nantes : le principe remonte à l’Agenda 21 local, lui-même issu d’une démarche initiée par le Sommet de Rio, en 1992. Vingt-deux ans après le Sommet de Rio, neuf ans après l’Agenda 21 nantais, où en est cette monnaie locale ?

Elle n’existe toujours pas, ce qui montre son urgente nécessité. Mais elle a déjà fait couler beaucoup d’encre, suscité colloques, expertises et déplacements, et un concours pour lui trouver un nom : SoNantes. Son promoteur, Pascal Bolo, maire-adjoint de Nantes chargé des finances, assurait à Presse Océan en novembre dernier que le lancement du SoNantes interviendrait « après l’échéance des municipales, en juin ».


On verra bien. Pour l’heure, si Pascal Bolo est n° 2 sur la liste socialiste, le SoNantes n’est que n° 142 dans le Projet pour Nantes de Johanna Rolland. Et encore… La proposition 142 est ainsi libellée : « Encourager les expérimentations de nouveaux modèles économiques, comme les « paniers culture » ou le financement participatif local, en s’appuyant sur l’existence de la monnaie locale ».

« Encourager les expérimentations » ne dénote déjà pas une grande détermination. Et l’on dirait bien que la monnaie locale n’est qu’un appendice ajouté in extremis à la proposition 142. Le SoNantes, même pas désigné par son nom, s’est rattrapé aux branches.

Et en quel état ! Car le « financement participatif » n’a jamais été dans ses attributions. Le SoNantes, explique le site web ad hoc, doit servir à « payer en monnaie locale les produits et services vendus par les entreprises de l’agglomération nantaise qui adhèrent au système ». Financer des investissements serait presque contraire à sa vocation, puisque, en bonne monnaie locale, il est destiné à circuler le plus vite possible. Le gadget financier de la municipalité Ayrault n’est pas encore né qu’on ne sait déjà plus à quoi il devrait servir.

Les épisodes précédents de la série « Bolopoly » :