Vite, vite, vite, toutes affaires cessantes, la ville de
Nantes veut débattre d’un sujet de la plus haute urgence : « une
opportunité de comprendre collectivement le Nantes de demain ». L’avenir
n’attend pas, et comme les Nantais ne sont sans doute pas très malins
individuellement, il faut faire collectif.
La ville veut organiser cinq débats publics auxquels elle fixe les cinq
objectifs suivants :
- « Rentrer en conversation avec les Nantais »
- « Compréhension les enjeux [sic], les mutations de demain »
- « Découvrir les solutions nantaises face aux enjeux, aux mutations de demain »
- « Comment répondre collectivement à ces enjeux »
- « Au
final : comment le Nantes de demain se réinvente avec vous »
Mutations de demain (bis), enjeux collectifs, réinvention du
Nantes de demain : l’ambition est immense. Pas les délais :
un avis de marché a été publié le 28 mars, la date limite de réponse est le 4
avril : sept jours, dont le week-end de Pâques !
Il est demandé au candidat (bizarre, l'avis de marché met le mot au singulier, comme si l'on n'en attendait qu'un...) « de soumettre à la Ville de
Nantes une liste d’invités nationaux et locaux pour chaque table ronde à
organiser », « de prendre contact avec les intervenants
validés », « de déterminer avec eux la nature de leur
intervention », etc. Pas mal, sous une semaine de délai.
Cependant, pour faciliter le travail conceptuel, la ville propose une idée qu'elle est bonne :
• Il est proposé d’organiser
ces débats avec un média national en lien avec les initiatives technologiques,
économiques, énergétiques, médicales, alimentaires et artistiques, pratiques
qui réinventent le monde, un média qui scrute au quotidien ce changement
d’époque aussi complexe qu’enthousiasmant afin d’animer ces débats dans une
parfaite connaissance des éléments structurant le changement aujourd’hui et en
prise directe avec les enjeux de la société actuelle.
Il n’est pas inutile de relire deux ou trois fois cette
phrase de 64 mots pour apprécier la profondeur de la pensée municipale et la
lourdeur de la tâche confiée au média. Dont on constate au passage qu’il sera
« national » et « quotidien » : la PQR manque sûrement
de la hauteur de vue nécessaire pour scruter ce « changement d’époque
aussi complexe qu’enthousiasmant ». Et vlan ! pour Ouest France et
Presse Océan !
Quatre jours ouvrables pour s’accorder avec un média national
et des « invités » du même métal afin d’organiser des débats d’une
immense ambition, cela exige une bien grande réactivité. (On ne soupçonnera
évidemment pas l’honnête Direction Générale à l’Information et à la Relation au
Citoyen de la Ville de Nantes d’un pipotage quelconque en complicité avec un
journal vénal.)
Un tsunami de débats à Nantes
De l’organisation matérielle de la chose, l’avis de marché
ne dit strictement rien : preuve que la plus grande confiance sera faite
au prestataire retenu. Pas de problème : organiser des débats est une
tâche classique pour les agences de relations publiques et autres sociétés de
communication événementielle. Rien qu’à Nantes, au moins une douzaine de
structures seraient à même de répondre à cet avis de marché… si les délais de
réponse étaient normaux.
Une fois de plus, la ville recourt à une procédure dite
« adaptée ».
Cela lui permet d’échapper au délai de réponse de 35 jours fixé par la loi pour
les marchés publics. Mais,
comme
on l’avait déjà dit ici, tout n’est pas permis pour autant : le délai
fixé doit être suffisant pour préparer un dossier de candidature et une offre.
Sans quoi, tout prestataire putatif peut contester le marché devant le tribunal
administratif.