La municipalité nantaise s’apprête à lancer une
« concertation citoyenne » sur le sort de Cap 44, ce bâtiment bleu
ciel situé en bord de Loire au-delà de la butte Sainte-Anne, face à la carrière
de Miséry. Puisqu’il y a « concertation », diront les mauvais esprits forts de
l’expérience acquise, c'est qu'elle a fait un choix et va tenter de l’imposer en
douce. À la veille de son
lancement, la question se présente ainsi :
« Quels usages imagineriez-vous sur le site CAP 44 – les grands moulins de Loire ? Et quel niveau de transformation du bâtiment ces usages induiraient-ils , en cohérence avec l'aménagement du secteur de la carrière dans sa globalité ? »
Tiens, on nous a dit maintes fois qu’il fallait imaginer la carrière de
Miséry en cohérence avec l’aménagement du secteur du Bas-Chantenay, ce qui
paraissait raisonnable. Et maintenant, quand il est question de l’extrémité est
du Bas-Chantenay, il faudrait renverser l’ordre des facteurs ‑ l’imaginer « en
cohérence avec l’aménagement du secteur de la carrière » ?
Déjà, les communicants municipaux orientent le débat vers
une question plus spécifique, récurrente dans les « indiscrétions »
livrées à la presse (voir
par exemple 20 Minutes d’aujourd’hui) : Faut-il détruire Cap
44 ?
Du temps de Jean-Marc Ayrault, la question ne se serait pas
posée. Tout ancien bâtiment industriel un peu remarquable était sacré – d’où la
transformation abracadabrantesque de la Halle Alstom, où l’on a cherché à marier la carpe et le lapin, aménager des locaux universitaires fonctionnels et conserver l’impressionnante majesté de l’usine, sans vraiment
réussir ni l’un ni l’autre.
Focaliser le débat sur le seul Cap 44 n’est pas neutre. En
l’état, beaucoup diront que ce bâtiment bleu ciel est moche. Des goûts et des
couleurs… Mais Cap 44 n’est pas seul. Avec le parking voisin et les terrains
situés plus à l’est, jusqu’à la piste pour hélicoptères, on parle en réalité
d’environ 1,5 hectare de terrains en bord de Loire, avec vue sur Trentemoult,
les deux bras de la Loire et le Hangar à bananes.
La question devrait donc être : Si l’on détruit Cap 44,
que va-t-on construire à la place ? Et si on le garde, que va-t-on construire
autour ? Détruire Cap 44 sans le remplacer aurait pour unique intérêt
d’assurer une vaste vue sur Loire aux branches supérieures de l’Arbre aux
Hérons (et alors, pourquoi ne pas le construire carrément en bord de
Loire ?). Mais ce serait abandonner une opportunité immobilière
exceptionnelle. Je ne sais trop combien vaudrait le terrain à bâtir (discret
appel du pied à MM. les agents immobiliers…), mais à 500 euros du m², il y en
aurait pour 7,5 millions. Tirer un trait dessus serait augmenter d’autant le
coût réel de l’Arbre aux Hérons pour la collectivité.
Mais le problème n’est pas seulement financier. Vu la configuration des
lieux et la courbe de la rive, ce terrain est le seul endroit du Bas-Chantenay
où une construction serait visible depuis le quai de la Fosse. Si l’on veut
assurer une continuité urbaine avec le centre-ville, la logique ne
voudrait-elle pas qu’on construise là un bâtiment de prestige qui marquerait la
pointe du nouveau quartier et affirmerait ses ambitions ? (Discret appel
du pied à MM. les architectes et urbanistes…) Et en plus, ses arrières auraient
vue sur l’Arbre aux Hérons…