Le projet d’un nouveau
musée d’arts avait été voté dans l’enthousiasme en 2009, y compris par
l’opposition. Il fallait relancer le musée des beaux-arts, pas assez fréquenté. Peut-être était-ce une question de personnes,
peut-être fallait-il surtout un conservateur imaginatif et dynamique, capable
de créer et de promouvoir des concepts forts. Mais il est vrai que les
Henri-Claude Cousseau ne courent pas les rues. Et qu'une municipalité
raisonne plus volontiers en termes de budget et de béton.
De plus, Jossic voulait dépasser Josso*. Il expliquait
ainsi le projet : « nous construisons du côté de la rue Léon
Gambetta un bâtiment contemporain, en faisant appel à un architecte de
renommée. Il est souhaitable, s’agissant d’exposer principalement les œuvres de
la collection contemporaine, que l’écrin lui-même soit un bâtiment de grande
valeur architecturale contemporaine. »
L’architecte choisi, Patrick
Richard, directeur d’un cabinet britannique, coche sûrement la case « architecte
de renommée ». Mais il pousse un peu le bouchon quand il
affirme : « c’est un projet très nantais, avec une architecture
que nous n’aurions pas faite ailleurs ». Quelle est donc cette
architecture si particulière ? Elle est résumée dans le nom par lequel les instances officielles désignent en général ce nouveau bâtiment : « le
Cube ».
Un cube. Une forme originale, très nantaise, « de grande valeur architecturale
contemporaine » et infaisable ailleurs. Enfin, presque. De la Kaaba de La Mecque (17e s.) au Cube
de Birmingham (2010) en passant par la Grande Arche de La Défense (1989) ou
l’Atlas de Wageningue (2007), les constructions cuboïdes remarquables ne se
comptent jamais que par centaines.
Le cube est en outre
polyvalent. Il ne dénote pas seulement une singularité architecturale nantaise
mais aussi une continuité de l'espace et du temps. « Nous avons conçu la nouvelle
extension comme un trait d’union entre le XVIIe, le XVIIIe siècle, le palais,
et l’extension, la chapelle de l’Oratoire », explique Patrick Richard.
« Cela s’est fait à travers les matériaux et un peu par la forme
monolithique du cube. » L’avantage du cube, en somme, c’est qu’on peut
lui faire dire tout et n'importe quoi dès qu’on prétend lui donner une
signification.
Et c’est contagieux.
L’originalité du cube s’étend à son matériau : le marbre blond de sa
façade serait un « clin d’œil au tuffeau nantais et au granit », si
l’on en croit Le Voyage à Nantes, multirécidiviste de la formule inutile. Ce clin d’œil marmoréen épatera sûrement les
minéralogistes. À moins que ce soit un pied-de-nez ? Ou un doigt dans
l’œil ?
Cependant, il y a
peut-être une logique dans ces élucubrations. Le nouveau bâtiment étant destiné
à « exposer principalement les œuvres de la collection
contemporaine », quelque chose me dit que l’intérieur vaudra l’extérieur : il permettra des commentaires extravagants.
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* Clément Marie Josso
(1853-1928), architecte du musée des beaux-arts de Nantes. Un génie très en avance
sur son temps si l’on en croit Nantes
Métropole, qui affirme : « Le musée des Beaux-Arts est une
vieille dame doublement centenaire. Construit en 1801, le monument n’avait pas
connu d’opération profonde de restauration depuis sa fondation ».
Bah ! on n’en est pas à un siècle près…