Comme l’indique Ouest-France,
la monstration à Nantes du cheval-dragon mécanique Long Ma « a été
possible grâce au financement de Nantes métropole (79 000 €) ». Ouais,
se dit-on, 79 000 euros, ça n’est pas donné pour quelques heures
d’animation, mais s’il y a eu entre 120 000 et 150 000 spectateurs
(selon la police ou selon les organisateurs ?), ça ne fait guère plus d’un
demi-euro par personne. Hélas, ça n’est qu’une petite partie du vrai coût de l’opération.
Comme
on l’a rappelé précédemment, quand Long Ma a été montré à Calais, La
Machine a vendu le spectacle 400 000 euros. Si d’un coup le tarif est
divisé par cinq, la maire de Calais peut avoir l’impression de s’être fait
estamper, même si son spectacle était plus élaboré. Surtout, plus aucune ville
n’acceptera de payer le prix fort. Pas bon pour les affaires futures de La
Machine…
Bien entendu, il y a un truc. « La collectivité a
participé au financement du show à hauteur de 79 000 €, "en
coopération étroite avec le Voyage à Nantes et La Machine" », insiste
Ouest-France. Voilà : Nantes Métropole a seulement
« participé » en subventionnant La Machine – une « coopération
étroite », on peut le dire.
Diplomatie nanto-chinoise
Pour justifier cette subvention, Nantes
Métropole avance cette motivation : « le cheval dragon […] construit
par la compagnie La Machine dans le cadre du 50ème anniversaire de
l’établissement des relations franco-chinoises, et depuis en Chine, revient en
France pour le 60ème anniversaire de ces relations ». Si c’est pour la
diplomatie, alors... Pourtant, si l’on consulte le programme
des manifestations organisées pour cet anniversaire, il n’est nulle part
question de cheval-dragon ni de visite à Nantes. Nantes Métropole a organisé
toute seule sa politique diplomatique nanto-chinoise.
Un peu précipitamment, semble-t-il. Le soixantième
anniversaire date en réalité du 27 janvier dernier, mais c’est seulement le 24 juin
que Johanna Rolland a annoncé la visite de la machine et le 5 juillet que le
bureau métropolitain a accordé une subvention à La Machine. Pourquoi si tard
alors que dès le 6 mai, un communiqué
de Bolloré Logistics annonçait le transport du cheval-dragon vers Nantes ?
Et pourquoi une subvention ? D’ordinaire, les
prestations de La Machine ne sont pas subventionnées mais achetées par les
collectivités. Ce changement de procédure a de quoi laisser perplexe. Il n’enthousiasme
pas forcément La Machine : en vertu de l’article 10 de la loi du 12 avril
2000, tout citoyen peut désormais avoir accès à ses comptes via Nantes
Métropole.
La « coopération étroite » de Nantes Métropole
avec Le Voyage à Nantes est-elle de même nature, c’est-à-dire subventionnelle ?
La société encore dirigée par Jean Blaise traîne un lourd déficit depuis l’an
dernier. On la voit mal prendre en charge une dépense à six chiffres.
Une tonne en trop
Car au prix de la prestation il faut bien sûr ajouter le coût
du transport. C’est probablement le poste le plus élevé de la facture totale.
En effet, il y a beaucoup plus de travail matériel et administratif dans ce
transport international complexe que dans les quelques déambulations de la
machine sur le site des Chantiers navals.
Ce printemps, le fret aérien entre la Chine et l’Europe coûtait
en moyenne 3,94
dollars par kilo. Soit, pour 45 tonnes, 177 300 dollars
(environ 165 000 euros) pour le seul voyage aller. La vérité est sans
doute bien plus élevée puisque la machine, fragile, exige plus de soin qu’un
chargement de colis lambda. En revanche, bonne nouvelle, comme il y a moins de
marchandises à transporter de l’Europe à la Chine qu’en sens inverse, les prix
du fret sont plus bas : le voyage retour coûtera moins cher.
Au fret aérien, il faut bien sûr ajouter le coût des
transports terrestres de Hangzhou, lieu de garage habituel de la machine, à Shenzhen,
aéroport de départ, puis de Vatry, aéroport d’arrivée, à Nantes (580 km), et retour.
Long Ma a toujours été donné pour 45 tonnes, voire 48
tonnes, ou même 50
tonnes. Pas de chance : au-dessus de 44 tonnes, on tombe
réglementairement dans la catégorie « convoi exceptionnel ». Les
contraintes imposées rendent le transport beaucoup plus coûteux.
Sans doute a-t-on trouvé moyen de transporter la machine en
plusieurs morceaux pour rester au-dessous du plafond de 44 tonnes et bénéficier
d’un tarif tonne/km plus modéré, mais en tout état de cause, le coût total du
voyage aller/retour de la machine et de ses cinq manipulateurs chinois entre
Hangzhou et Nantes se chiffre en centaines de milliers d’euros.
Payés par qui ? Par Nantes Métropole « en
coopération » avec Bolloré Logistics ? Ou par Le Voyage à Nantes
« en coopération » avec les subventions de Nantes Métropole ? En
tout cas, ces quelques heures de spectacle « en accès libre et gratuit »,
comme dit Nantes Métropole, auront sans doute coûté très cher aux contribuables
métropolitains.
(Photo : août 2015)