Avec l'aménagement du site des Chantiers, Jean-Marc Ayrault voulait faire de Nantes une destination touristique internationale. Il marchait ainsi sur les traces de Bilbao : après la fermeture de ses chantiers navals, à peu près en même temps que ceux de Nantes, la grande ville basque s'était fait connaître du monde entier en construisant sur leur emplacement le musée Guggenheim. Celui-ci a ouvert ses portes en 1997. Il faudrait sept ans de plus à Jean-Marc Ayrault pour mener à bien sa très, très longue réflexion.
Une demi-douzaine de projets lui avaient été proposés. Un cabinet de conseil extérieur, Cultura, avait été chargé de les évaluer. Il avait classé en bas de liste celui de Pierre Orefice et François
Delarozière. C'est néanmoins celui-là que Jean-Marc Ayrault, quinze ans après son élection à la mairie de Nantes, ferait voter par le conseil communautaire de Nantes Métropole le 18 juin 2004.
Les Machines étaient alors définies comme
« un projet touristique ‘véritable
outil d’aménagement des espaces d’activités et de vie’ dans le cadre du projet
Ile de Nantes qui puisse contribuer au renforcement de l’image de la métropole
et au développement économique de l’agglomération. Le projet retenu doit être
de grande qualité et capable d’attirer un public à la fois national et
international. »
L’échec est patent : en 2012, leur sixième année
d’activité, les étrangers n’étaient pas plus de 6,8 % parmi les visiteurs
des Machines. Plus de la moitié de ces derniers habitent Nantes ou la Loire-Atlantique* et pas loin d'un sur cinq les départements limitrophes. Sans
doute les touristes vont-ils voir les Machines s’ils viennent à Nantes, mais il
ne viennent guère à Nantes pour voir les Machines. D'ailleurs, si les Machines avaient vraiment drainé les touristes, la ville
n’aurait pas eu besoin de lancer le Voyage à Nantes, qui visait le même objectif.
Même sur le plan de l’image, les responsables nantais se font
des illusions quand ils répètent machinalement, c’est le cas de le dire, que
les Machines sont connues dans le monde entier (sans d’ailleurs se demander à
quel point il est souhaitable d’associer le
nom de Nantes à une attraction foraine). Seul l’éléphant a acquis une
vaste notoriété, mais elle est moins colossale que lui-même et ne progresse pas ; au contraire, elle tend à s'éroder peu à peu, comme le montre le graphique Google Trends ci-dessous.
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Depuis le grand succès de son lancement en 2007, l'intérêt suscité par l'éléphant (courbe bleue) décroît lentement. A titre de comparaison, la courbe rouge révèle la notoriété d'un autre dispositif tourné vers le tourisme international : La Loire à vélo. |
La construction des Machines a coûté cher. Leur exploitation
reste déficitaire. Leur attractivité internationale et même nationale est
faible. Leur effet d’entraînement économique n’est sans doute pas meilleur.
Mais leur nuisance n’est pas négligeable car, pendant ce temps-là,
le potentiel du site des Chantiers reste sous-exploité. De plus, la ville et la
métropole leur consacrent des budgets et des moyens qui pourraient être plus utiles
autrement (notamment sur le plan de la communication : depuis 2007, a-t-on
vu un numéro de
Nantes Passion sans son éléphant ?).
La seule vraie réussite des Machines, mais ce n'était pas ce qu'on leur demandait, est la popularité de l’éléphant
auprès du public nantais. Le dimanche, les familles vont se balader sur le site
des Chantiers pour « voir l’éléphant ». Et à cause de cela, sa
disparition est politiquement inimaginable. Tant qu’il tiendra debout, tout en
sachant qu’il faudrait faire autre chose, on lui laissera son terrain de jeu et
ses subventions. Tel est le legs de vingt-trois ans de mandat municipal : merci
Jean-Marc !
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* Dans le rapport de DSP 2012 des Machines,
un graphique (p. 6) indique que 48,3 % du visitorat serait issu de
Loire-Atlantique : moins de la moitié, l’honneur est presque sauf. Mais on
découvre p. 6 que 255.144 visiteurs viennent en fait de Nantes et de la
Loire-Atlantique, soit 50,5 % des visiteurs.