28 décembre 2009

Les Machines finissent l'année moins bien qu'elles ne l'ont commencée

C'est Noël : Pierre Orefice est de retour. Les Machines de l'île auront attiré 265 000 visiteurs en 2009, annonce-t-il à Philippe Corbou (Presse Océan du 28 décembre), soit 10 % de plus qu'en 2008, alors qu'il attendait une baisse de 10 % de la fréquentation.

On espère que c'est une bonne nouvelle pour les contribuables nantais car, on l'a déjà dit (voir post du 25 novembre 2009), une fréquentation des Machines plus élevée que prévue est allée de pair avec un déficit plus élevé que prévu en 2008. L'année 2009 devait être celle de l'équilibre financier, mais de ces vulgaires questions d'argent, le vrai artiste qu'est Pierre Orefice ne dit rien.

En réalité, passer de 243 000 visiteurs à 265 000 représente une progression de 9 % et non 10 %*. Mais surtout, le dossier de presse réalisé pour le deuxième anniversaire des Machines, fin juin, annonçait 20 % de mieux depuis le début 2009 : si la moyenne globale sur l'année n'est que de 9 %, cela signifie que la tendance du deuxième semestre a été beaucoup moins bonne.

Les rares chiffres disponibles le confirment. Le dossier de presse du 2e anniversaire annonçait 550 000 visiteurs depuis l'ouverture au 30 juin 2009. Par soustraction avec le cumul à fin 2008, le nombre de visiteurs du premier semestre 2009 s'établit donc à 113 000 et celui du deuxième semestre, par conséquent, à 152 000. Ce qui confirme que la hausse de a bien été de 20 % au premier semestre, par rapport aux 94 000 visiteurs du premier semestre 2008. Mais elle n'est que de 2 % pour les six mois suivants par rapport aux 149 000 visiteurs du deuxième semestre 2008 !

Examinons de plus près ce second semestre. En juillet-août, selon le bilan de la saison estivale établi par l'Office de tourisme de Nantes métropole, la fréquentation des Machines aurait progressé de 8 %. Comme elle avait été de 80 958 personnes en juillet-août 2008 (Vanessa Ripoche, Ouest-France du 2 septembre 2008), elle aurait donc été d'environ 87 400 visiteurs en juillet-août 2009. Par soustraction, cela donne environ 64 600 personnes pour les quatre derniers mois de 2009 contre un peu plus de 68 000 pour la même période de 2008 : en progression de 20 % en début d'année, les Machines auraient donc fini 2009 sur une baisse de 5 %.
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* Et même un peu moins. Comme d'habitude, Pierre Orefice a fait un peu de gonflette. La fréquentation réelle des machines en 2009 n'a pas été de 265.000 personnes mais de 261.540 (Dossier de presse 2010 des Machines de l'île). La progression d'une année sur l'autre n'a donc été que de 7,6 %.

22 décembre 2009

L'île de Nantes est pavée de bonnes intentions

En a-t-on lu depuis dix ans, des déclarations dithyrambiques sur le magnifique travail effectué la main dans la main par Nantes Métropole, sa société d'aménagement Samoa et l'architecte urbaniste Chemetoff ! Or voilà que soudain tout se détraque. Chemetoff, qui parlait déjà de rendre son tablier, est congédié et envisage un procès (entretien avec Xavier Boussion, Presse Océan du 19 décembre 2009). Et Laurent Théry, patron de la Samoa, de lancer dans le débat l'argument qui fâche : le cabinet de Chemetoff a perçu 10 millions d'euros d'honoraires pour la maîtrise d'oeuvre du projet Ile de Nantes...

Dix millions rapporté à tout ce qui devait être fait lors de l'adoption du projet en 2000, ce n'est pas si énorme. Rapporté à ce qui a été fait en réalité, c'est coquet. Ainsi, la pièce maîtresse du projet Chemetoff, qui avait suscité l'enthousiasme du jury lors de l'attribution du contrat, était le creusement d'un bassin à flot qui servirait de port de plaisance à la place des voies de la gare des marchandises. Dix ans après, il n'est pas question du moindre coup de pioche.

Le bassin, c'est une intention, pas un projet, corrigeait Laurent Théry interrogé par Gaspard Norrito il y a presque trois ans (Ouest France du 29 janvier 2007). Entre le plan-guide qui ne guidait rien et les intentions qui ne mangent pas de pain, on voit les résultats, et encore plus les non-résultats. Il n'y a que l'intention qui compte ? A 10 millions d'euros, c'est cher quand même.

08 décembre 2009

Identité municipale (3) La ville dont le prince est un éléphant

« Le gros con, le grand con et le petit con », disait Charles Pasqua d’un trio de politiciens. Non, il ne désignait pas Jacques Auxiette, Jean-Marc Ayrault et Patrick Mareschal *. La troïka des sommités nantaises n’inspire pas Charles Pasqua, ni personne d’autre d’ailleurs. Ce n’est pas bon signe, pour un homme politique, d’être ignoré des polémistes, humoristes et autres caricaturistes.

Quand on les considère, on se désole, quand on les compare, on se console (presque). Ainsi, Jean-Marc Ayrault ne dépare pas la litanie des maires de Nantes depuis un siècle. L’une des constantes de l’identité municipale nantaise pourrait bien être la couleur muraille des dirigeants locaux. Seul André Morice, ministre important dans une bonne dizaine de gouvernements de la IVème république et maire de 1965 à 1977, sort un peu du lot. C'est sans doute pourquoi il est à peu près le seul à ne pas avoir une rue notable à son nom**. Ceux qui occupent les plus belles cases du Monopoly local ont moins de titres à faire valoir.

Gabriel Guist’hau était un homme pressé ; maire pendant deux ans (1908-1910), il a aussi été cinq mois sous-secrétaire d’État à la marine, un an ministre de l’instruction publique, deux mois ministre du commerce et de l’industrie et un an ministre de la marine. Ce n’est pas si mal si l'on songe qu'en vingt ans de mandat le maire actuel n’a jamais accédé au moindre sous-maroquin (il s'est autoproclamé chef d'un "gouvernement fantôme" en juin 2007, mais même ce spectre s'est vite évaporé). Gaston Veil est resté moins d’un an à l’hôtel de Rosmadec, Adolphe Moitié à peine deux ans, Gaëtan Rondeau un an et demi, Clovis Constant neuf mois. Inutile de dire qu’ils n’ont pas eu le temps de doter Nantes d’un grand dessein municipal. Comment le leur reprocher, quand vingt ans ne permettent pas toujours de faire mieux ?

* Charles Pasqua visait ses collègues Philippe Séguin, Michel Noir et Alain Carignon.
** Certes, l'une des voies les plus longues et les plus fréquentées de Nantes porte son nom : la voie sur berge. Mais comme personne n'y habite, on l'ignore généralement. Il est ainsi victime du stratagème qu'il avait lui-même employé en donnant le nom du général de Gaulle à un boulevard sans habitants.

Identité municipale (2) La ville qui préfère l'industrie à l'administration

Nantes a connu trois grandes périodes de prospérité : au 15ème siècle, au 18ème siècle et vers la fin du 19ème siècle. Aucune des trois n'est due à l'administration publique. Même dans le premier cas, c’est parce que la ville était déjà prospère que François II y a installé sa capitale, de préférence à Vannes. Au 18ème siècle, Nantes n’occupait qu’un rôle secondaire dans l’administration royale. Au 19ème siècle, elle n’était plus qu’un chef-lieu de département.

Aujourd’hui, Nantes est capitale régionale et les administrations de toutes sortes y occupent le haut du pavé. Ne devrait-elle pas, a fortiori, retrouver son lustre d’antan ? Ce n'est pas ce qui se passe. On comprend bien pourquoi. La ville du passé a brillé grâce à ses négociants, à ses entrepreneurs, à ses ouvriers, à ses marins, à ses artistes – jamais grâce à ses fonctionnaires. Devenus dominants, ces derniers ne jouent pas le même rôle moteur : l’administration administre, elle n’est pas douée pour créer.

Quelque chose de cette dualité entre la Nantes industrieuse et la Nantes administrative demeure dans l’enseignement supérieur. En près d’un demi-siècle, les facultés de lettres et de droit de Nantes n’ont pas réussi à se hisser aux premiers rangs. Bien plus prestigieuses sont ses écoles d’ingénieurs, de commerce ou de médecine.


Dans la réflexion sur l’identité municipale de Nantes, une question vaut donc d’être posée : Nantes gagne-t-elle vraiment quelque chose à occuper un rôle administratif majeur ? Celui-ci ne la détourne-t-il pas des occupations dans lesquelles elle excelle ?

Un raisonnement tout différent pourrait s’appliquer à Rennes : le génie de celle-ci s’accorde mieux avec celui des fonctionnaires et des universitaires. Aussi, dans la perspective d’une réunification de la Bretagne, le choix de la capitale de région serait tout indiqué. Loin d’être un désastre, perdre l’administration régionale pourrait être une grande chance pour la Nantes du 21ème siècle.


Identité municipale (1) La ville qui s'attache un boulet à la cheville

"Ces gens sont fous", disait Alphonse Allais en revenant de Londres. "Chez nous, les rues portent des noms de victoire : Wagram, Austerlitz... Là-bas, ils n'ont choisi que des noms de défaites, comme Trafalgar Square ou Waterloo Station." Vous pouvez bien rire ! Quand Nantes se pique de construire un nouveau monument, c'est un mémorial de l'esclavage !


Une fois construit, ce monument sera nécessairement cité dans les guides touristiques, sur le site web de la ville, etc. Il deviendra un élément de l'image que Nantes souhaite donner d'elle-même. A quoi bon entretenir un Office de tourisme si l'on s'acharne à montrer la ville sous son plus mauvais jour ?


Pour un petit clan, le volet "esclavage" du commerce triangulaire est LE fait majeur de deux millénaires d'histoire nantaise, celui qui doit être mis constamment en exergue. Quelques-uns en ont fait un fonds de commerce. On comprend leur logique, l'esclavage rapporte encore à certains quand c'est Nantes qui est esclave de son passé. Mais les autres ? Sans doute ne sont-ils pas très bien dans leur tête, car chez les gens normalement constitués, les souvenirs peu glorieux sont rangés au fond de la mémoire. Ce sont souvent les obsédés sexuels qui parlent le plus de vertu.


Qui est Nantes ? Est-il légitime, est-il sain, est-il responsable de répondre d'abord et avant tout : "Une ville négrière" ? Pour clarifier la question, un débat sur l'identité municipale est au moins aussi nécessaire que le débat sur l'identité nationale.

01 décembre 2009

Estuaire : Lulu sceptique

Dans son n° 66, La Lettre à Lulu, elle aussi, s'est penchée avec stupeur sur le bilan officiel de la biennale Estuaire. "Estuaire, esbrouffe de fréquentation", dénonce-t-elle. Derrière la précision apparente du chiffre global, 723 239 visiteurs, on trouve beaucoup de flou et même de flan. "Pour compter, on a bien compté 60 000 personnes (pas une de plus) pour les anneaux de Buren, alors qu'ils n'ont peut-être fait qu'aller boire une bière dans le lieu branchouille du moment", note ainsi l'irrégulomadaire satirique nantais. Entre autres bizarreries, Estuaire s'est aussi approprié d'autorité les deux tiers des visiteurs des Machines de l'île.

Un seul chiffre pourrait être fiable, assure La Lettre à Lulu : celui de la billetterie de l'Abbaye de Fontevraud. Or il est "trop rond pour être honnête" : 60 000 visiteurs. Ajoutons qu'il est aussi trop gros pour être crédible puisqu'il représente un bon tiers de la fréquentation annuelle de Fontevraud. C'est-à-dire que tous les visiteurs ont probablement été portés au crédit de la biennale pendant la durée de celle-ci, alors que la plupart d'entre eux ne venaient sans doute que pour l'Abbaye et rien d'autre.