On n’a rien contre Christine O’Loughlin, qui semble être une personne charmante. L’auteur de la Danse des arbres bleus, qui s’étale (la Danse, pas l’auteur) sur le cours des 50 otages pour la durée des Floralies, est une « plasticienne australienne » dit la mairie de Nantes. Histoire sans doute de se donner des airs internationaux. Hélas, notre Australienne vit en France depuis trente ans. Si ces trente années n’ont pas suffi à en faire une « plasticienne française », il y a de quoi désespérer Bellevue et Malakoff. Ce n’est pas faute d’avoir cherché à s’intégrer, pourtant, puisqu'elle n'expose guère qu'en France (Aubervilliers, Chaumont-sur-Loire, Jouy-en-Josas...).
La municipalité nantaise a multiplié les danseuses depuis vingt ans. Cette fois-ci, les danseuses sont donc des arbres bleus. Pourquoi bleus, d’ailleurs ? Ça me rappelle cette devinette qu’affectionnait mon père :
- Qu’est-ce qui est vert, qui est pendu au plafond et qui siffle ?
- … ?
- Un hareng saur.
- Pourquoi est-il vert ?
- Parce que je l’ai peint en vert.
- Pourquoi est-il au plafond ?
- Parce que je l’ai accroché là.
- Pourquoi siffle-t-il ?
- Ah ! ça, c’est pour que ça soit plus difficile…
À défaut de vert, nos arbres sont bleus. À défaut de plafond, ils sont fixés la tête en bas. À défaut de siffler, ils dansent. En plus, certains d’entre eux plongeront dans l’Erdre, pour bien marquer leur parenté aquatique avec le hareng saur.
La Danse des arbres bleus, c’est un peu Estuaire avant Estuaire : imaginer du bizarre, laisser tomber le biz (quitte à le recycler en bizness*) et affirmer d’autorité que c’est de l’art tout court. Du Land Art, du moins, puisque telle est la spécialité de Christine O’Loughlin. Ici, l’auteur excipera de sa qualité de critique spécialisé en Bob Art, Null Art et autre Conn Art pour donner son avis sur cette centaine de malheureux chênes d’Amérique prématurément arrachés à la forêt du Gâvre pour être piqués à l'envers en pleine ville et peinturlurés en bleu.
A vrai dire, le principal défaut de ces branchages n'est pas d'ordre artistique mais sécuritaire. Aller semer tant de bois bien craquant en centre ville est un appel au vandalisme. La ville a-t-elle les moyens de protéger tous ces arbres contre les malfaisants ? On verra bien... Mais on se rappelle le triste sort de la "sculpture" sauvage commémorant l'esclavage, installée au bout de la Fosse par un groupe militant, il y a une quinzaine d'années. Il n'avait pas fallu huit jours pour qu'elle soit défoncée, probablement par quelque ivrogne de passage. Cela lui a valu d'être aujourd'hui exposée au château des ducs de Bretagne. Verra-t-on bientôt au château des fagots de petit bois bleu ?
Les jardins flottants du bassin Ceineray, eux, sont moins en danger : il paraît que l'association Manaus, du nom de la capitale de l'Amazonie, a lâché dans l'Erdre son élevage de piranhas. Le premier pochard qui tombe à l'eau et se fait boulotter, en voilà de l'événementiel !
* Christine O'Loughlin aura quand même touché 30 000 euros pour sa prestation. Un prix d'ami par rapport aux 104 000 euros palpés par Manaus pour le jardin flottant de l'Erdre ; dans les deux cas, les travaux matériels ont été assurés par la direction des espaces verts et de l’environnement de la ville de Nantes.