Comme chaque année, l’œuvre la plus créative du Voyage à
Nantes estival est peut-être son bilan. Mais ça commence quand même à devenir
laborieux. Ainsi s’ouvre le bilan de fréquentation estivale 2016 :
« Toute l’année le Voyage à Nantes
travaille pour le développement du tourisme à Nantes et si l’événement estival
reste la partie la plus visible de son action, cette édition 2016 marque, après
5 ans d’activités, combien l’art dans l’espace public bouscule la forme de la
ville jusqu’à inventer de nouveaux usages pour ses habitants et visiteurs
extérieurs. »
Soixante
mots pour ne rien dire (
« l’art bouscule la forme de la ville jusqu’à
inventer de nouveaux usages » : bravo à l’exégète qui saura
décrypter cette formule boursouflée) : personne n’a donc eu l’idée de
faire relire le dossier de presse par un professionnel de la com’ ? Même
un stagiaire aurait suffi… À titre de comparaison, voici comment débute le
bilan
de saison départemental de Loire-Atlantique développement :
« Dans
un contexte national de baisse de la fréquentation touristique, l’été de la
Loire-Atlantique a été sauvé par une météo très favorable. Le département se
révèle ainsi une valeur sûre ! »
C’est
toute la différence entre les pros et les amateurs…
Mais attendez ! Le Voyage à Nantes se rattrape aux
branches avant la fin de la première page :
« nous sommes heureux
de constater une fréquentation stable sur les deux mois d’été. »
Eh ! bien voilà ! Ce qui va sans dire va mieux en le disant. Hélas ça va beaucoup moins bien en le comptant. « Cette édition
2016 réunit 1 700 684 visites le long de la ligne verte », précise Le Voyage à
Nantes. Puisqu’il y a stabilité, c’est donc que la fréquentation de 2015 devait
se situer dans les mêmes eaux ? Pas du tout : l’édition 2015 avait
revendiqué 2 056 000 visites. Le compte est vite fait : la « fréquentation
stable » a en réalité baissé de 355 316 personnes. Ce 0 %
est en fait un –17,3 %…
Ça vous paraît trop gros pour être vrai ? Inutile de vous jeter sur
l’internet pour vérifier : le bilan 2015 est aujourd’hui introuvable,
à
l’instar du bilan 2013. Mais la piste peut quand même être remontée grâce
à…
Nantes
Métropole : on n’est jamais si bien trahi que par les siens ! Voici
ce qu’on lit, à ce jour encore (mais demain qui sait ?), sur son site
officiel concernant l'été 2015 :
Le bilan de 2015 est donc bel et bien de 2 056 000
visites (« soit 66 745 en plus par rapport à 2014 ») alors que
le dossier de presse 2016 présenté jeudi dernier par Le Voyage à Nantes n’en
compte plus que 1 665 294. Maintenant, que faut-il en conclure :
que le bilan 2016 est trafiqué ou que le bilan 2015 était gonflé ? Je ne me
prononcerai pas*.
Il faut ajouter à cela que les visites ont eu tendance à se
concentrer sur deux sites seulement : le jardin des plantes et la cour du
château des ducs. Ils totalisent à eux deux 871 136 visites, soit plus de
la moitié du total. On dirait que « l’art dans l’espace public »
ne bouscule pas grand chose.
Faute de temps, on ne pinaillera pas sur telle ou telle
rubrique du bilan du VAN 2016. Sauf une quand même, pour le plaisir. Voici un extrait
du tableau des fréquentations publié par Le Voyage à Nantes (la colonne de droite est celle de l'année 2015) :
Une partie des commentateurs, à l’instar de
Julie
Urbach dans 20 Minutes, en ont conclu que Les Machines de l’île,
avec 185.469 entrées payantes (95 419 + 90 050), ont gagné près de
3.000 visiteurs par rapport à juillet-août 2015. Mais où est donc passé l’Éléphant dans ce tableau ? Les
chiffres indiqués par Le Voyage à Nantes sont ceux des
billetteries, or
Les Machines ont deux billetteries : l’une à l’entrée de la Galerie, qui
vend aussi les billets pour l’Éléphant, l’autre à l’entrée du Carrousel. Il est
donc probable que les chiffres 2016 de la Galerie incluent ceux de l’Éléphant… alors
qu’ils sont comparés à ceux de la Galerie seule pour 2015.
Car en 2015, Les Machines de l’île n’ont pas vendu les
182 563 billets (88 497 + 94 066) indiqués par la colonne de droite du tableau ci-dessus.
Comme le révèle
Nantes
Métropole (voir plus haut), elles en ont vendu en réalité 215 843. Au
lieu de gagner près de 3 000 visiteurs en 2016, il se pourrait bien qu’elles en
aient perdu plus de 30 000 ! Ce qui serait cohérent avec leur baisse de forme en mai et juin (fréquentation en baisse de 8,4 %) révélée par
Loire-Atlantique développement.
____________
* Une autre explication possible serait qu’on n’a pas
utilisé les mêmes outils : comme une partie du bilan est faite de
comptages effectués le long de la ligne verte par des médiateurs, il suffit
d’augmenter ou de diminuer le nombre de médiateurs pour faire varier le nombre apparent de
visites !