25 novembre 2013

Il est laid, M. Potelet


Il n’y a pas que les lampadaires. Sous la férule de Jean-Marc Ayrault, les trottoirs nantais se sont peu à peu peuplés de dispositifs variés : blocs, bittes, bancs, bornes, boîtes, barrières, etc. En vingt-quatre ans, là encore, la municipalité s’est montrée incapable de se fixer une ligne esthétique et de s’y tenir.

Ces machins souvent d’utilité douteuse, voire dangereux parfois, n’ont cessé de proliférer au petit bonheur la chance à travers la ville, sans un soupçon d’unité. Et l’on ne parle même pas des objets déposés temporairement çà et là, genre sacs à végétaux de la Green Capital.

La campagne électorale devrait apporter un peu de répit. Mais ce n’est que partie remise. Nantes Métropole vient de publier un appel d’offres portant sur la fourniture pendant trois ans, à partir de février 2014, de potelets, barrières et arceaux fixes en acier, potelets et barrières amovibles, pieux d’ancrage et même potelets à mémoire de forme (mais à quoi bon se souvenir des formes si elles changent tout le temps ?). Le montant total des commandes pourrait atteindre 2,07 millions d’euros H.T. sur trois ans.

On a bien lu : 2.070.000,00 euros hors taxes ! On n’ose songer au nombre de bidules parasites qui devraient encore fleurir sur les trottoirs au lendemain des élections !

22 novembre 2013

The magnificent flying Heron tree

« Le Carrousel des Mondes Marins reçoit l’award de l’attraction la plus originale » annoncent les Machines de l’île dans un communiqué repris par Ouest France et Presse Océan. Une fois de plus, les Machines exagèrent un brin. La récompense attribuée au Carrousel est simplement libellée « Unique Art Installation » ‑ une installation artistique exceptionnelle. Et elle n’est que l’un des treize prix Thea attribués pour 2014 par la Themed Entertainment Association (TEA).

La TEA est une association internationale qui regroupe des fournisseurs de parcs à thème et autres équipements de loisir : architectes, décorateurs, conseils, agences de communication, éclairagistes, concepteurs d’attractions, organisateurs d’événements, etc. Elle vise à promouvoir les activités commerciales de ses adhérents. Elle compte un peu moins de mille membres, parmi lesquels une majorité d’américains mais aussi quelques français, dont le pyrotechnicien Groupe F, fournisseur du feu d’artifice inaugural du Carrousel.

Chaque année, la TEA décerne ses Thea Awards, des prix dont l’intitulé et le nombre (de l’ordre d’une quinzaine) varient. Ils vont à des attractions, musées, spectacles, etc. dont on lui a proposé le nom. La répartition des prix respecte à peu près la composition de l’association : environ deux sur trois vont à des équipements touristiques et parcs de loisirs américains, un tiers au reste du monde. Deux prix dominent les autres, le Buzz Prize Thea Award, qui distingue une personnalité, et le Thea Classic, qui distingue une attraction (et pas nécessairement un parc, contrairement à ce qu’indiquent les Machines). Le Thea Classic 2012 est allé au Puy du Fou. Le Thea Classic 2014 sera remis à l’Enchanted Tiki Room, un spectacle du parc Disneyland d’Anaheim, en Californie.

Le Carrousel recevra l’un des onze Awards for Outstanding Achivement décernés en 2014. Il n’est pas la première attraction française dans ce cas ; l’une de ces récompenses avait notamment été attribuée à Arthur, l’aventure 4D, une attraction du Futuroscope, en 2012. Deux autres attractions européennes figurent cette année au palmarès : le Musée des chemins de fer d’Utrecht aux Pays-Bas et le tout nouveau Titanic Belfast (qui a attiré 500.000 visiteurs dans les cinq mois suivant son ouverture).

Pierre Orefice et François Delarozière iront chercher leur trophée en Californie, où la TEA organise un dîner de gala sponsorisé par un grand cabinet de conseil. Légitimement fiers de cette distinction, ils en profitent pour relancer leur campagne en faveur de la construction d’un Arbre aux hérons. Ce n’est peut-être pas adroit. Dans sa présentation officielle des Thea Awards 2014, la TEA explique que les Machines de l’île réunissent « an incredible collection of mechanical wonders such as the Great Elephant (…) and the magnificent flying Heron tree » (une incroyable collection de merveilles mécaniques comme le Grand éléphant et le magnifique arbre au Héron volant). Fallait-il vraiment lui expliquer que cet arbre magnifique n’existe pas ?

20 novembre 2013

Au pays des géants

On avait déjà vu pas mal de graffitis moches sur le mur du quai Ceineray, mais celui-ci atteint des sommets. Nantes avait l’éléphant géant, les marionnettes géantes, le banc géant, voici maintenant le tag géant. Pas sûr que ce soit un progrès.

13 novembre 2013

Graslin : (2) le vert nantais tourne au glauque

Qu’on aime ou qu’on n'aime pas les nouveaux candélabres de la place Graslin, ils mettent en évidence l’une des lacunes de la municipalité Ayrault : son incapacité à choisir un style et à s’y tenir. Le règne de Louis XVI a duré dix-huit ans, celui de Jean-Marc Ayrault vingt-trois. Le règne de l’un a donné naissance à un style décoratif bien reconnaissable, le règne de l’autre est parti dans tous les sens.

Ce qui a le plus changé à Nantes en 25 ans, en définitive, ce sont les lampadaires. On en a semé de toutes les formes ici et là, sans le moindre souci d’unité. La ville est devenue comme un catalogue de fournisseur d’éclairage public. Souvent, deux ou trois formes disparates voisinent. Parfois, c’est délibéré, comme sur le cours des Cinquante otages ; le plus souvent, c’est du petit-bonheur-la-chance. Le pêle-mêle ci-contre est loin d’être exhaustif, mais on y voit déjà deux douzaines de modèles sans harmonie.

Cela n’empêche pas les postures volontaristes. « Jusqu'aux années 1970 », assurait il y a une dizaine d’années le catalogue de l’exposition Vert nantais, « le mobilier installé dans la ville suit l'accroissement et les transformations des quartiers et se multiplie sans véritable réflexion sur son image, sa couleur, sa forme, ses matériaux. » Mais sous Ayrault, ça a changé, promis-juré : « depuis fin 2001, la ville de Nantes se pare d'un nouveau mobilier urbain dessiné pour elle par la Société Dauphin Adshel ». Le malheur est qu’à chaque nouveau chantier apparaissent de nouveaux mobiliers urbains dessinés par Trucmuche ou Tartempion. Pas plus tard qu’aujourd’hui, tiens, on en mettait en place entre le château et le Carré Feydeau. Plus ça change, plus c’est la même chose !

Ce n’est pas juste une question de forme. Le fameux « vert nantais » a longtemps assuré une certaine unité au mobilier urbain. « Composé de deux tiers de noir et d'un tiers de vert*, le ‘vert nantais’ est utilisé pour le mobilier urbain (lampadaires, bancs, poubelles...) et les balcons », assure Nantes Tourisme. En 2009, le patron du service éclairage public de Nantes métropole expliquait même que la règle avait  été formalisée dans un « schéma directeur d’aménagement lumière » : les quartiers Royale et Graslin « bénéficient de typologies spécifiques de matériel (exemple : mobilier peint systématiquement et la couleur est le ‘vert nantais’) ».

La « Green capital » ne plaisante pas avec le vert nantais. Il est par exemple obligatoire sur les grilles et les portails du cours Cambronne. Et, le Dictionnaire de Nantes, qui vient de paraître, le confirme en son article Mobilier urbain, « si les nouvelles formes et la couleur aluminium s’imposent un peu partout, elles s’effacent, dans le secteur sauvegardé, devant le traditionnel ‘vert nantais’ ». On voit ce qu’il en est avec les candélabres et les vasques posés place Graslin !

Faut-il en conclure que la place a été subrepticement sortie du secteur sauvegardé ou que Nantes Métropole ne sait pas où elle va ? Ce qui est sûr en tout cas, c’est que la couleur douteuse (franchement, elle vous fait penser à quoi ?) des nouveaux candélabres de la place Graslin jure malencontreusement avec la blancheur du théâtre.
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* Cette définition ne veut strictement rien dire puisqu’il existe d’innombrables nuances de vert. Il s’agit en l’occurrence du vert « wagon ».

10 novembre 2013

Graslin : (1) S’il te plaît, dessine-moi un photon

« On s’risque sur le bizarre », dira-t-on, en ces temps d’hommage nantais aux Tontons flingueurs, au vu des luminaires de la place Graslin. Beaux, pas beaux ? C’est une affaire de goût, mais en tout cas, ce ne sont pas ceux de n’importe qui.

Le plus bizarre quand même, c’est cette impression qu’ils donnent d’être tournés vers le haut, comme si l’on voulait éclairer les étoiles plutôt que les passants. Ces allumées foutraques, ça doit être une idée de l’allumeur en chef : à défaut d’une « ville renversée par l’art », il aura renversé les candélabres… Et c’est peut-être conforme à sa vocation, après tout. « Je me demande si les étoiles sont éclairées », dit le petit prince après avoir rencontré l’allumeur de réverbères.

Bizarres aussi ces ondoiements fourchus, façon chevelure de Méduse. Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes ? Eh ! bien, mais c’est sans doute une allusion au serpent du petit prince, pas celui qui avale l’éléphant, l’autre, celui auprès de qui il s’enquiert de l’éclairage des étoiles.

Et si, à gaspiller vers le ciel l’énergie de nos précieux photons, la place est mal éclairée, ce sera encore en hommage au petit prince. Vous n’y voyez goutte ? De toute façon, « on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux ».


04 novembre 2013

Gare de Nantes (3) : Notre-Dame-des-Landes ouvrirait la boîte de Pandore

« L’action se passe dans les Pays de la Loire, c’est-à-dire nulle part »
Sven Jelure, d’après Alfred Jarry, Ubu roi

Jacques Auxiette n’a jamais reculé devant un geste grotesque, mais la récente tentative de la région des Pays de la Loire pour acheter des trams-trains destinés à desservir Notre-Dame-des-Landes mérite de rester dans les annales. La construction de l’aéroport n’est même pas certaine. La création d’une ligne ferroviaire demanderait des années. Et il faudrait engager dès aujourd'hui 40 millions d’euros d’argent public pour commander des trains qui serviraient (peut-être) dans six ou sept ans ? En se privant au passage des progrès technologiques à intervenir dans l’intervalle ?

Sachant que la plupart des projets publics prennent du retard, pourquoi M. Auxiette veut-il jouer plus vite que la musique ? D’autant plus que son insistance à desservir une future gare de Notre-Dame-des-Landes renvoie à la situation de l’actuelle gare de Nantes. Interrogé par Xavier Boussion dans Presse Océan en octobre 2009, Jean-Marc Ayrault citait cinq « dossiers stratégiques » commandant selon lui l’avenir de Nantes. Sur les cinq, trois étaient d’ordre ferroviaire : nouvelle gare de Nantes, liaison ferroviaire rapide Nantes-Rennes et prolongement du TGV atlantique.

Ces projets si vieux et si indispensables n’ont guère progressé en quatre ans, alors même que Jean-Marc Ayrault est Premier ministre depuis dix-huit mois. Un projet de nouvelle gare a bien été dévoilé voici quelques mois mais, on l’a dit ici, il suscite quelque scepticisme.

Jean-Marc Ayrault veut une nouvelle gare, une liaison rapide Nantes-Rennes et un prolongement du TGV. Jacques Auxiette veut une liaison ferroviaire de Nantes à Notre-Dame-des-Landes. La SNCF veut bien tout ce qu’on veut, mais elle n’a pas d’argent et ne semble pas très motivée par le réaménagement de la gare de Nantes. D’une manière générale, elle préfère construire des gares au lieu de les rénover, et puis il faut s’occuper aussi du tunnel de Chantenay et du contournement de Donges.

Vers quoi convergent ces désirs et ces contraintes ? C’est clair : vers le déménagement de la gare de Nantes à Notre-Dame-des-Landes !

Délire conspirationniste ? Pas du tout. L'idée est même dans l’air du temps. Alphonse Allais préconisait de bâtir les villes à la campagne. La SNCF adore y construire des gares. Ainsi a-t-elle fait avec ses nouvelles gares de Reims (à 5 km de la ville), Belfort (9 km), Besançon (11 km), Aix-en-Provence (15 km) Bar-le-Duc (30 km), etc. Après hésitation entre Nancy et Metz, la gare Lorraine TGV a été construite à 37 km de la première et 27 km de la seconde.

À 25 km de Nantes, Notre-Dame-des-Landes se trouve dans un rayon plausible. Une fois le nouvel aéroport flanqué d’une « gare de Nantes Aéroport du Grand Ouest » financée par les contribuables des Pays de la Loire, il ne serait pas trop compliqué de prolonger le TGV atlantique de Rennes à « Nantes AGO », puis de là à La Baule en évitant Donges. De Montparnasse à la villa bauloise en deux heures chrono : au nom d’une vertueuse « intermodalité », plus d’un dirigeant parisien souscrirait des deux mains !