27 février 2009

Auxiette perd la boule avant de perdre son siège

Jacques Auxiette, on le sait, est une vivante illustration du principe de Peter ("Tout salarié tend à s'élever jusqu'à son niveau d'incompétence") appliqué à la politique. En accédant à la présidence de la région des Pays de la Loire, il a d'un coup crevé le plafond. Si la région disparaît, c'est fini pour lui. On peut donc comprendre le réflexe de bête aux abois qui lui a fait déclarer sur France 3 que la réunification de la Bretagne serait "une forme d'annexion des temps modernes, une forme de colonisation". Du pétage de plomb dans sa forme la plus pure ! Le personnage n'était déjà pas sympathique, le voilà en plus grotesque. Rien que pour s'en débarrasser, les Pays de la Loire méritent d'être supprimés !

21 février 2009

Un château propagandiste. 2) Nous sommes tous des Haïtiens

La salle 18 du château est pour partie consacrée à "la révolution haïtienne", intitulé de l'un de ses trois totems. La révolution haïtienne ? Ne sommes-nous pas dans le musée d'histoire de Nantes ? Si, mais rien de ce qui est humain ne nous est étranger... "En août 1791, le soulèvement des esclaves dans les plantations de Cap-Français à Saint-Domingue et l’insurrection menée dans toute l’île par Toussaint Louverture portent un premier coup rude au commerce nantais" lit-on dans le grimoire de la salle. Ah ! le fameux Louverture, brave entre les braves. Quoique... dans l'une des vitrines de la même salle, sous un portrait du susdit, on apprend qu'il est resté passif pendant l'insurrection de 1791. La vitrine ou le grimoire, qui croire ? C'est la parole du château contre la parole du musée, ou vice versa (en fait, c'est le grimoire qui ment : Louverture n'a pas mené l'insurrection en 1791, il ne fait irruption dans l'histoire qu'en 1794, après s'être engagé contre la France dans l'armée espagnole où on lui a donné le grade de général*).

Rendu méfiant, on lit avec circonspection sur un panneau de la même salle : "les généraux noirs, dont Toussaint Louverture, opposés un temps à la France, se rallient à la République à la lecture du décret d’abolition de l’esclavage voté le 18 pluviôse an II (4 février 1794)". On peut excuser le château d'avoir un peu simplifié, car l'histoire de cette période est claire comme un combat de Haïtiens dans un tunnel : localement, l'esclavage avait été aboli des mois plus tôt par décret des commissaires Sonthonax et Polverel. Lesquels avaient le soutien d'André Rigaud, qui tenait le Sud de Haïti. Tiens, pourquoi n'en est-il pas question, de celui-là ? Ferait-il partie de ces "généraux noirs" mentionnés en bloc ? Pas du tout, c'était un général mulâtre, c'est-à-dire métis, ce qui faisait une grosse différence à l'époque. Rigaud était fâché avec Louverture au point que l'affaire s'est finie sur un nettoyage ethnique : les sang-mêlé survivants ont été expulsés de l'île en 1800. Cela fait un peu tache sur la légende glorieuse de Louverture, on comprend que le château ait préféré l'ignorer. Par souci de simplification, bien sûr.

* Oui, général. On avait le galon facile en ce temps-là. Quand Jean-Jacques Dessalines a proclamé l'indépendance de Haïti, le 1er janvier 1804, il s'est auto-désigné empereur sous le nom de Jacques Ier.

15 février 2009

Un château propagandiste. 1) Nantes et la Bretagne

Le musée d’histoire de Nantes installé dans le château des ducs de Bretagne est une réalisation phare de la municipalité Ayrault. De la belle ouvrage : si le château a été largement reconstruit, l’histoire l’a été aussi. La présentation du musée a été déterminée par une savante commission nommée par la municipalité : on peut être certain qu’elle a été soigneusement soupesée ! Sera-t-on surpris de découvrir qu’elle est loin d’être neutre ? Première visite : Nantes et la Bretagne.

Un certain establishment paysdelaloiron affirme volontiers que les rapports de Nantes avec la Bretagne sont « complexes ». Cette affirmation ne sert qu’à brouiller les pistes, car pour la grande majorité des Nantais, si l’histoire de la Bretagne est complexe en effet, le fait que Nantes soit en Bretagne est d’une simplicité limpide. « Nantes en Bretagne », est-ce un thème de débat ? Pas pour ceux qui répondent « oui » ! Le débat est créé de toutes pièces par le camp d’en face, celui qui, par intérêt, pour se ranger du côté du manche ou par haine du passé et des identités populaires, voudrait qu’il y ait doute. Le musée donne à voir une version subtile de cette démarche de fausse impartialité. D’abord, son organisation permet de saucissonner l’essence de Nantes, comme si la ville d’hier n’était pas celle d’aujourd’hui, qui n'est pas celle de demain : du passé faisons table rase, morceau par morceau à défaut de Grand Soir. La salle n° 2 fait de Nantes « la cité des ducs de Bretagne », mais dès la salle n° 3 c’est « une ville du royaume de France », puis ce sera « une capitale négrière » (deux salles : le double de la « cité des ducs » !), « la ville des négociants », « la métropole d’aujourd’hui », etc.

Dès la salle n° 1, le grimoire qui accueille les visiteurs assure qu’au 13e siècle Nantes « se veut la deuxième capitale de la Bretagne », la première étant Rennes bien sûr. Le rôle de Nantes est clairement minoré : si elle « se veut » capitale, c’est sans doute qu’on ne lui a rien demandé… Or cette affirmation est plus que fausse : elle est absurde. Au 13e siècle, la notion moderne de capitale n’existe pas. Le pouvoir est là où se trouve le souverain… qui a plusieurs résidences et se déplace souvent. L’idée d’une capitale administrative de la Bretagne n’apparaît qu’au 14e siècle avec Jean IV et c’est… Vannes. Jean Ier, duc de 1221 à 1286, puis Jean II, duc de 1286 à 1305, résident à Nantes, Rennes, Vannes, Suscinio, Ploërmel, etc ; le premier est enterré à Nantes, le second à Ploërmel. Les États de Bretagne se réunissent à Dinan, Guérande, Nantes, Ploërmel, Rennes, Vannes, Vitré, etc.

Le plus étrange est que l’historien Alain Croix, membre éminent de la commission historique du château et fortement soupçonné d’être l’un des artisans de sa « débretonnisation », a lui-même souligné que la notion de capitale n'était pas pertinente au 13e siècle, et ce dans un article de la revue Place publique (n° 11), largement subventionnée par la municipalité nantaise ! Peut-être pour défendre sa réputation d’historien, mise à mal par les approximations abusives du musée d’histoire de Nantes ?

Deuxième cas où l’intention propagandiste est subtile mais claire : dans la salle n° 10, la légende d’une carte des « marches de Bretagne » précise : « Cette carte de Bretagne datée de 1784 n’indique pas de limite précise au sud avec le Poitou, ni à l’est, avec l’Anjou ». Le visiteur pressé en infère que la Loire-Atlantique est une zone indécise, qui ne se distingue pas des terres poitevines ou angevines. Mais le visiteur observateur note que cette même carte ne matérialise pas non plus de limite avec la Normandie et le Maine ! Le château tente tout simplement de donner à cette carte une signification qu’elle n’a pas.

Le thème biaisé du « découpage de la Bretagne par le gouvernement de Vichy » est volontiers agité par certains milieux bretons ; le château a sauté sur l'occasion pour laisser entendre que l'amputation de la Bretagne est actée depuis longtemps (mais, comme il ménage la chèvre et le chou, il évite de rappeler qu'elle date en fait de la révolution ; on peut cracher sur Pétain, pas sur Robespierre...). Une autre carte de la salle n°10 est intitulée « La Loire-Inférieure, un département des Pays de la Loire depuis 1941 ». Sous ce titre, un commentaire insiste : « le gouvernement de Vichy rattache la Loire-Inférieure à la nouvelle région des Pays de la Loire ». C’est d’autant plus étonnant que la carte montre en fait… un découpage administratif adopté à la libération par décret du 9 juin 1944 ! Le château omet aussi de rappeler que le rôle des régions était très différent en 1941 et en 1956, que la région créée par Vichy en 1941 ne s’appelait pas « Pays de la Loire » mais « région d’Angers » (de même qu’il n’y avait pas de « région Bretagne » mais une « région de Rennes »), et, cerise sur le gâteau, que sa composition n’était pas celle des actuels Pays de la Loire (elle comprenait l’Indre-et-Loire et pas la Vendée)...

Le visiteur qui quitte la salle n°10 conscient de la politique anti-bretonne de Vichy ne peut qu’être surpris de lire dans le grimoire de la salle n°27 : « En Loire inférieure, plusieurs groupes sont favorables à l’idéologie de Vichy comme le groupe Collaboration (900 adhérents en 1943), le Parti National Breton ». Le plus étonnant est que figure juste à côté un tract du PNB où l’on peut lire : « Soyons Bretons ! Rien de plus » ! On sait que dès août 1940, les préfets des départements bretons ont multiplié les mesures contre les militants du PNB, dont le président, Raymond Delaporte, écrivait en 1941 : « Ce que Vichy nous a offert jusqu'ici, c'était une soumission complète à ses volontés , à ses caprices... Ce que nous voulons nous c'est que le peuple breton collabore avec tous les autres peuples de l'Europe à une reconstruction économique, sociale, spirituelle et diplomatique du continent. »

Bref, ce que dit le château n’est pas seulement biaisé : dans certains cas, c’est du n’importe quoi !