La salle 18 du château est pour partie consacrée à "la révolution haïtienne", intitulé de l'un de ses trois totems. La révolution haïtienne ? Ne sommes-nous pas dans le musée d'histoire de Nantes ? Si, mais rien de ce qui est humain ne nous est étranger... "En août 1791, le soulèvement des esclaves dans les plantations de Cap-Français à Saint-Domingue et l’insurrection menée dans toute l’île par Toussaint Louverture portent un premier coup rude au commerce nantais" lit-on dans le grimoire de la salle. Ah ! le fameux Louverture, brave entre les braves. Quoique... dans l'une des vitrines de la même salle, sous un portrait du susdit, on apprend qu'il est resté passif pendant l'insurrection de 1791. La vitrine ou le grimoire, qui croire ? C'est la parole du château contre la parole du musée, ou vice versa (en fait, c'est le grimoire qui ment : Louverture n'a pas mené l'insurrection en 1791, il ne fait irruption dans l'histoire qu'en 1794, après s'être engagé contre la France dans l'armée espagnole où on lui a donné le grade de général*).
Rendu méfiant, on lit avec circonspection sur un panneau de la même salle : "les généraux noirs, dont Toussaint Louverture, opposés un temps à la France, se rallient à la République à la lecture du décret d’abolition de l’esclavage voté le 18 pluviôse an II (4 février 1794)". On peut excuser le château d'avoir un peu simplifié, car l'histoire de cette période est claire comme un combat de Haïtiens dans un tunnel : localement, l'esclavage avait été aboli des mois plus tôt par décret des commissaires Sonthonax et Polverel. Lesquels avaient le soutien d'André Rigaud, qui tenait le Sud de Haïti. Tiens, pourquoi n'en est-il pas question, de celui-là ? Ferait-il partie de ces "généraux noirs" mentionnés en bloc ? Pas du tout, c'était un général mulâtre, c'est-à-dire métis, ce qui faisait une grosse différence à l'époque. Rigaud était fâché avec Louverture au point que l'affaire s'est finie sur un nettoyage ethnique : les sang-mêlé survivants ont été expulsés de l'île en 1800. Cela fait un peu tache sur la légende glorieuse de Louverture, on comprend que le château ait préféré l'ignorer. Par souci de simplification, bien sûr.
* Oui, général. On avait le galon facile en ce temps-là. Quand Jean-Jacques Dessalines a proclamé l'indépendance de Haïti, le 1er janvier 1804, il s'est auto-désigné empereur sous le nom de Jacques Ier.
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