25 novembre 2009

Les Machines grincent dangereusement

Les propos pessimistes naguère tenus dans ce blog sur la santé des Machines de l’île étaient mal fondés : les Machines vont « mieux que bien », comme disait jadis Jean-Marie Messier de Vivendi. Du moins si l’on en croit le rapport des représentants de la ville de Nantes au conseil d’administration de ses sociétés d’économie mixte (SEM), annexé à son rapport annuel 2008 (www.nantes.fr/ext/rapports_annuels/rapan_2008/pdf/rapport_sems_2008_web.pdf). « La très bonne fréquentation du deuxième semestre 2007, période d’ouverture, s’est poursuivie en 2008 », y lit-on à propos des Machines. « (…) L’originalité de la proposition, le mélange entre exposition et spectacle vivant, la simplicité et l’efficacité de la scénographie, le concept de sculpture urbaine en mouvement fonctionnent totalement. (…) Le concept unique de bar boutique fonctionne à plein. (…) Le visitorat est là, au-delà même des prévisions de la DSP (200 000 visiteurs attendus par an), au-delà aussi des attentes initiales de Nantes Métropole (entre 160 000 et 180 000 visiteurs). »

Bref, rien à changer. Enfin, presque rien : « les horaires d’ouverture (…) se sont révélés totalement adaptés et ont été légèrement augmentés » : mieux que bien, vous dit-on, et même plus que parfait.

Pourquoi faut-il alors que Nantes Métropole vienne jouer les rabat-joie, comme si Jean-Marc Ayrault tenait à embêter Ayrault Jean-Marc ? La communauté urbaine établit elle aussi un rapport annuel, auquel est également joint un rapport des administrateurs des SEM (www.nantesmetropole.fr/servlet/com.univ.utils.LectureFichierJoint?CODE=1253382837487&LANGUE=0&ext=.pdf). Ce document discrètement publié voici peu est moins réjouissant : « 2008, le premier exercice d’activité plein des Machines de l’île, s’est caractérisé par une contribution de la Collectivité en hausse, les 175 k€ de contribution forfaitaire prévue devant être complétés par 244 k€ de participation au déficit d’exploitation ». En clair, les Machines sont un gouffre financier. Que serait-ce si leur « visitorat » ne dépassait pas les prévisions ! Et si la SEM Nantes Culture et Patrimoine ne leur apportait pas son appui « pour la communication, le marketing, l’administration, les finances, les ressources humaines et la production-exploitation » (sic) !

Cinq semaines pour sauver les meubles

Pour expliquer cette Bérézina, le rapport allègue « des charges nouvelles (…) générant un besoin de financement supplémentaire ». On s’interroge cependant sur ces activités nouvelles que les Machines auraient assumées en 2008 mais non en 2007 : aux yeux du simple visiteur, leur mode de fonctionnement n’a changé en rien. Selon la société Astarté -Atelier bleu, qui a conseillé Nantes Métropole dans la création des Machines, la gestion de celles-ci devait être « rentable et pérenne » avec 145 000 visiteurs par an(http://www.etudes-espaces.com/realisation/800.les-machines-ile-nantes-implantation-atelier-visitable-constrcution-grandes-machines-spectacle.html). Il s’en faut de 175 000 + 244 000 = 419 000 euros avec 243 000 visiteurs !

Rappelons que les chiffres ci-dessus sont ceux de 2008 et que lors de la création des Machines, Nantes Métropole annonçait comme objectif l’équilibre financier en 2009. Pour combler leur trou de 419 000 euros, il aura suffi aux Machines de vendre cette année 64 462 billets supplémentaires à plein tarif (6,50 euros), soit une progression de 26,5 % de leur « visitorat » (ou de 34,5 % si les visiteurs supplémentaires payaient le tarif réduit réservé aux mineurs, étudiants, chômeurs et handicapés). Et si ça n’est pas encore fait, il leur reste encore plus d’un mois pour y parvenir. Les paris sont ouverts.

24 novembre 2009

Peau d’inox et arches en toc


Quand la Délivrance d’Émile Guillaume avait été installée devant le monument aux morts de Nantes, en 1927, l’opposition de droite avait reproché à la statue d’être trop nue. Reprochera-t-on au nouvel immeuble départemental, rue Sully, d’être trop habillé ? Il « adopte pour les façades une double peau d’inox découpé au laser, une technique très tendance », s’émerveillait Éric Cabanas, qu’on a connu mieux inspiré, dans Presse Océan du 19 novembre. En fait, voici comment sera déguisée toute la façade de ce bâtiment :
Ce motif tarabiscoté, s’il faut en croire sa conceptrice, évoque « le feuillage des platanes voisins, leurs ombres projetées et la porte forgée de l’immeuble adjacent ». Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Les enfants des écoles pourront s’amuser aussi à y chercher des évocations subliminales – le portrait de Patrick Mareschal est caché dans ce dessin, sauras-tu le retrouver ?

Résultat de ces afféteries, les occupants de l’immeuble se trouveront enfermés dans une sorte de boîte de conserve trouée, avec une vue minimale vers l’extérieur du bâtiment : claustrophobes s’abstenir ! Certes, il est bon de penser que les fonctionnaires départementaux seront incités à se pencher sur leur travail plutôt qu’à regarder par la fenêtre. Mais n’aurait-il pas été plus simple de construire l’immeuble là où il n’y avait de toute façon rien à voir ? Car le nouvel ensemble occupe un emplacement particulièrement enviable : il donne directement sur le square du Maquis de Saffré, avec en arrière plan le bassin Ceineray et le monument aux 50 otages. Cette perspective exceptionnelle sera délibérément occultée : quel gâchis !

Il n’y a pas que de l’inox en façade : il y a aussi trois arches de pierre. Celles de l’ancienne usine électrique de Nantes, qui s’élevait à cet emplacement, croit savoir Presse Océan. Le mur de la façade « été entièrement démonté et remonté pierre par pierre », assure Éric Cabanas, qui s’est sans doute laissé refiler ce bobard par les communicants du département. Car si un pan de mur de l’usine a bien été conservé -- et non démonté -- par derrière, les arches qui se dressent en façade du bâtiment sont un pur « à la manière de ». Pour tout dire, du toc !