27 décembre 2014

La triste réalité municipale du spectacle vivant à Nantes

Est-ce par indulgence envers la municipalité nantaise que la Chambre régionale des comptes a choisi le dernier vendredi avant les fêtes pour rendre public son rapport d’observations définitives sur la gestion du spectacle vivant par la Ville de Nantes ? Les comptes rendus de la presse ont été rares et succincts. Sur ce document de plus de cinquante pages qui aurait dû faire scandale, on a vite jeté le manteau de Noë(l) : ce n’est pas autour de la dinde qu’on va traiter de sujets qui fâchent, tout de même !

Le commentaire le plus critique – tout est relatif ‑ est probablement celui de Benoît Balthy sur Télénantes : c’est à saluer puisque la télévision locale vit à 80 % de subventions publiques. Mais le journaliste a pris soin de laisser largement la parole aux personnes implicitement incriminées par la Chambre régionale des comptes, en particulier à Jean-Louis Jossic, ex-adjoint à la culture, pour qui non, non tout est normal, qu’alliez-vous donc penser là ? et à Jean-Paul Davois, directeur général d’Angers Nantes Opéra, qui s’indigne : « la Chambre régionale des comptes n’a pas à prendre de position politique, elle sort de son rôle et je trouve ça très inquiétant » (une déclaration qui ne manque pas de sel quand on se rappelle les conditions de désignation de l’intéressé).

Que dit ce rapport ? D’abord que les dépenses culturelles de Nantes, globalement dans la moyenne des grandes villes, sont très concentrées sur quelques bénéficiaires en ce qui concerne les subventions au « spectacle vivant » : « En 2012, la moitié des subventions était versée à quatre structures, les trois quarts à neuf et 90 % à 23. » Angers Nantes Opéra, leur destinataire n°1 est bien sûr dans le collimateur. Mais la Chambre distribue les mauvais points tous azimuts : « les relations contractuelles avec un certain nombre d’associations posent question quant au respect des règles européennes concernant les aides d’État, à l’évolution non maîtrisée des subventions ou à la situation monopolistique dans certaines disciplines ». Lire La Folle Journée pour l’oubli des règles, Stéréolux et Trempolino pour le dérapage des budgets, Royal de Luxe pour le monopole.

Le roi ne partage pas son luxe avec les manants

Royal de Luxe, tiens, justement. La Méforme d’une ville a naguère souligné le coût invraisemblable de ses spectacles pour les Nantais. La Chambre s’étonne des sommes en jeu, qui permettent à la troupe de vivre très confortablement (« son modèle économique est en total décalage par rapport aux normes de la discipline »), mais signale surtout un paradoxe étonnant : les arts de la rue, discipline la plus fréquentée au plan national (« 34 % des Français ont assisté à un spectacle au cours d’une année »), sont peu présents à Nantes. En effet, en raflant toute la mise pour des spectacles épisodiques, Royal de Luxe fait le vide autour de lui. Vous pensiez que Nantes est la ville ou le spectacle de rue est roi ? Au contraire, il y est réduit à la portion congrue.

Interrogé par Benoît Balthy, Jean-Louis Jossic défend très mal cette situation. « Royal de Luxe est une compagnie très, très rentable », assure-t-il (on le croit volontiers) « et si quelque chose de novateur apparaît, nous allons y aller ». Mais justement, c’est ce que préconise la Chambre régionale des comptes et dont la municipalité nantaise ne veut surtout pas : mettre en place une procédure d’appel à projets. Alors, des spectacles originaux pourraient se faire connaître, tandis que le monopole actuel de Royal de Luxe aboutit à une répétition en boucle de spectacles de géants inaugurés voici plus de deux décennies. Car, déguisée en grand-mère, en Mexicain, en scaphandrier ou en Père Noël, une marionnette géante est toujours une marionnette géante (c’est même là-dessus que repose l’action judiciaire de Royal de Luxe contre Coca-Cola !).

Faute de temps, on ne va pas passer en revue ici tout le rapport. Qu’il suffise de dire que sur quasiment tous les plans, que ce soient les finances, le contrôle des dossiers, l’implication des structures subventionnées dans la création, les retombées pour les troupes et les artistes nantais, la participation du jeune public, la diversité sociale des spectateurs, la répartition des charges entre Nantes et sa périphérie, etc., la Chambre régionale des comptes décrit une situation à la fois peu rigoureuse et corsetée. Une sorte de répertoire de ce qu’il ne faudrait pas faire !

24 décembre 2014

Pourquoi le Carré Feydeau ne se vend pas

Proudreed, qui cherche à commercialiser les boutiques du Carré Feydeau, se désole de ne voir venir personne, tandis que les commerçants qui voudraient s'y installer se désolent de ne pas trouver le site web de l'entreprise.

C'est trop bête : la société a tout simplement indiqué une mauvaise adresse électronique. Au lieu de www.proudreed.com, elle a affiché un  www.proudeed.com qui ne mène à rien. Pas de quoi en être fière...

22 décembre 2014

Nantes et la Loire (6) : Oublier le dernier quart de siècle

Première contribution au Grand débat sur la Loire

À feuilleter le superbe Nantes de mémoire de peintres* publié ce mois-ci par Philippe Hervouët, un constat s’impose : pour les artistes, la Loire est de très loin l’aspect le plus marquant de la ville. De la couverture du livre (le cours de la Loire depuis la Bourse par Alexis de Broca) à la 4ème de couverture (vue en enfilade du quai Brancas par Alfred Teste), le fleuve est partout. On le voit sur plus de 150 des 252 pages du livre !

Or, pendant les dernières décennies, la Loire semble avoir perdu tout attrait pour nos édiles. La fermeture des chantiers navals en 1987 a évidemment été un choc pour tous les Nantais. Et les plus affectés ont sans doute été les ex-soixante-huitards : ils vivaient encore dans le mythe de la fraternisation entre prolétaires et intellectuels, qui avait paru se réaliser pendant quelques jours de mai 1968, quand les métallos s’étaient brièvement joints aux manifestations étudiantes. Cette blessure mal cicatrisée pourrait bien expliquer la longue incapacité de la municipalité Ayrault à engager la moindre transformation du site des chantiers.

Et quand cette transformation a enfin commencé, elle s’est faite sans grand souci de mettre la Loire en valeur. On a même coupé du fleuve les cales d’où les navires étaient lancés, sauf la plus lointaine. Il a fallu l’activisme d’anciens de la Navale pour que quelques témoignages du passé soient conservés, comme les grues Titan, mais on était là dans le registre de la nostalgie. Le projet Chemetoff prétendait cultiver l’aspect fluvial et maritime de l’île de Nantes, avec même la création d’un port de plaisance : on sait comment cela s’est terminé. Jean-Marc Ayrault, rural angevin, semble s’être trouvé devant la Loire comme une poule qui a trouvé un couteau. Digne successeur des édiles qui ont décidé les comblements, il a vu dans la Loire une source d’embêtements et pas une formidable opportunité.

L'heure de la débâcle est venue !
Côté Loire, son long règne aura été stérile et sans imagination. Les quelques initiatives constatées ne sont jamais venues de lui. Trentemoult boboïsé a obtenu le Navibus, des opérateurs privés ont imaginé le Hangar à bananes et le Nantilus. L’idée de la biennale Estuaire était sympathique, mais elle n’était pas de lui, et l'on se demande d'ailleurs si elle visait à célébrer la Loire ou à la mettre au service de vanités humaines. En tout cas, il n’a pas su l’encadrer, l’eau de la Loire a tourné en eau de boudin.

Pour retrouver la Loire, donc, il faut d'abord tourner solennellement cette page épaisse et terne de notre histoire afin de libérer les esprits. La direction de la communication de Nantes Métropole a su faire du storytelling sur le thème « c’était moins bien avant 1989 ». Elle saura pareillement expliquer que « c’était moins bien avant 2014 ». Ce serait repeindre Jean-Marc Ayrault en bouc émissaire ? Ah ! s’il veut encore être utile à sa ville, c’est désormais le meilleur rôle qu’il puisse jouer. Et depuis son passage à Matignon, il sait faire.
______________________

* Société Nantaise d’Éditions et de Réalisations (philhervouet@wanadoo.fr), 40 euros.

21 décembre 2014

Lobbying pour NDDL (13) : pourquoi se gêner ?

On avait cru le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes déconsidéré par les révélations du Canard enchaîné. Mais les gens oublient vite : la com’ de Vinci Airports a redémarré avec des arguments pas moins spécieux qu’avant. « Nantes Atlantique est saturé avec quatre ans d’avance » titrait Ouest France hier, « Nantes Atlantique arrive à saturation » renchérissait Presse Océan. Tous deux font suite à une déclaration de Nicolas Notebaert, président de Vinci Airports.

Ce dernier est venu à Château-Bougon célébrer un événement, le passage de la barre des 4 millions de passagers par an, niveau annoncé depuis longtemps comme le seuil de saturation de l’aéroport. Nous y sommes, donc l’aéroport est saturé : le syllogisme est imparable. Sauf que, tout le monde le voit bien, l’aéroport N’EST PAS saturé ! « Saturé : qui ne peut contenir plus », dit la définition du Robert. Le jour même où Ouest France et Presse Océan titraient sur la saturation supposée de Nantes Atlantique, Volotea y ouvrait trois nouvelles lignes !

La vraie information n’est pas que Nantes Atlantique est saturé mais que les « experts » qui faisaient rimer 4 millions et saturation se sont trompés. Et pas seulement sur la date (ils annonçaient 2018) mais aussi sur les conséquences. Leurs autres arguments sont-ils plus solides ? Loin de conforter le dossier de Notre-Dame-des-Landes, le passage du cap des 4 millions le fragilise davantage.

Qu’a déclaré en réalité Nicolas Notebaert ? D’abord que Nantes Atlantique franchit 80 jours par an un « seuil de gêne » fixé (par qui ?) à 14.000 passagers par jour. Or…
  1.  Le seuil de gêne, comme son nom l’indique, n’est pas un seuil de saturation. Le concept est emprunté à la circulation routière : il y a « gêne » quand on ne peut pas rouler aussi vite qu’on le voudrait en raison de la présence d’autres automobiles. Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas galoper dans ses couloirs que Nantes Atlantique est saturé.
  2. Les véritables gênes sont dues aux queues aux guichets, au contrôle de sécurité ou à la sortie. Elles ne dépendent pas des surfaces disponibles mais du personnel affecté. Construire un nouvel aéroport serait sans effet.
  3. Sauf grève ou intempéries, aucun passager ne reste la journée entière dans l’aéroport. Si les 14.000 passagers sont également répartis sur une journée de 16 heures et que chacun d’eux passe 30 minutes dans l’aéroport (c’est peu pour un départ, beaucoup pour une arrivée), le nombre de personnes présentes simultanément n’est que de 437,5, en comptant celle qui est en train de franchir la porte, pour une aérogare de 6.000 m2.
  4. Bien entendu, l’étalement n’est pas aussi parfait, il y a des moments à Nantes Atlantique où l’on se trouve entouré de plus de gens qu’on ne le souhaiterait. Cette impression ne concerne pas les 14.000 passagers des 80 jours où le « seuil de gêne » est atteint mais seulement ceux qui veulent prendre l’avion aux heures de pointe : quelques milliers tout au plus.
  5. Et ces quelques milliers de passagers ne sont pas gênés tout le temps de leur présence dans l’aéroport mais seulement celui où ils se déplacent dans ses locaux : pas plus de quelques minutes pour ceux qui débarquent.
  6. Or la grande majorité d’entre eux se pressent dans l’aéroport pour avoir (ou après avoir eu) le privilège de se presser davantage encore dans un avion pendant deux ou trois heures de vol.
Des Nantais beaucoup plus nombreux en subissent autant dans le tram ou sur la route du travail. Et pas trois ou quatre fois par an, mais tous les jours, et même deux fois par jour, pendant des durées souvent plus longues. L’aéroport est bien le seul endroit qu’on prétend aménager afin que tout le monde y ait toutes ses aises à tout moment. Autant réclamer le passage du périph’ à 2x8 voies et le triplement des rails de tramway !

« Pour la première fois en 2014, on a dû refuser à certaines compagnies aériennes d’opérer des vols le samedi ou le dimanche en été puisqu’on utilisait tous les créneaux disponibles », a aussi déclaré Nicolas Notebaert (la vidéo est disponible sur le site de Presse Océan). Ce qui signifie corrélativement qu’il reste des créneaux disponibles au moins 340 jours par an. Et qu’on voudrait construire un nouvel aéroport pour permettre à quelques centaines de vacanciers, quelques week-ends d’été par an, de décoller ou d’atterrir à l’heure exacte qui leur convient.

02 décembre 2014

Manuel Valls passe avant l’abolition de l’esclavage

Le 2 décembre, dans le monde entier, on célèbre l’abolition de l’esclavage. Pourquoi le 2 décembre ? Parce que la Convention pour la répression et l'abolition de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui a été adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 2 décembre 1949.

Soixante-cinq ans : c’est sans doute l’âge de la retraite pour une convention internationale. En tout cas, Le Mémorial de l’abolition de l’esclavage ignore cet anniversaire. Et les édiles nantais semblent plus occupés par la visite du Premier ministre. Il n'y a eu que les pêcheurs en colère pour visiter le Mémorial aujourd'hui.

Sur son site web, notre Mémorial comporte des rubriques « événements 2012 » et « événements 2013 » mais rien de tel pour 2014. C’était bien la peine de brasser tant d’air autour de ce monument qui n’intéresse déjà plus personne !