28 janvier 2017

Qui a quelque chose contre la Straed ar C’hastell ?

Straed ar C’hastell – rue du Château : pour la première fois, une rue porte un nom bilingue français-breton à Nantes. Enfin… à un bout de la rue, car à l’autre, l’obscurantisme semble faire de la résistance. Le nom breton est occulté par un adhésif noir.

Il est vrai que ce Straed ar C’hastell-là est apposé sur le mur d’une pizzeria : la cuisine cosmopolite aurait-elle du mal à s’accommoder de l’identité régionale ? Et cette pizzeria n’est qu’un début : continuez la Straed ar C’hastell de l’autre côté de la rue de Strasbourg, vous y trouvez en moins de cent mètres de ligne verte une boutique de sushis, le pub irlandais Buck Mulligan’s, le kebab Kefta n’Chips, le restaurant vénitien San Marco et le glacier italien Amareno*.

Côté fringues, galeries d’art et autres, quelles enseignes trouve-t-on dans cette rue typique ? Chez Milord, de Arte, Mellow Yellow, Million Dollar Baby, Nice Things, Picktoshop, Saint Market, Sorong… Mais personne ne semble s’offusquer de ces noms en langue étrangère. Pas au point de jouer de l’adhésif noir, en tout cas.
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* La Crêperie du Château – une bonne adresse, soit dit en passant – est quand même là pour sauver l’honneur régional. Si l’on était à Saint-Malo ou Quimper, la moitié des boutiques de la rue seraient devenues des crêperies ; il faudra encore beaucoup ramer avant de faire de Nantes une ville touristique. Mise à jour du 2 août 2017 : C'était trop beau ! Après la parution de ce billet, la Crèperie du Château a cédé la place à... un restaurant asiatique.

26 janvier 2017

Lobbying pour NDDL (40) : Manuel Valls reste droit dans ses votes

On croyait que les socialistes avaient préféré mettre de côté le projet de Notre-Dame-des-Landes le temps de la campagne présidentielle. Patatras ! l'aéroport est revenu en direct hier soir devant les millions de téléspectateurs du débat entre Manuel Valls et Benoît Hamon, qui n’allaient pas manquer une si belle occasion de s’écharper.

"J'ai très confiance en la vigilance
sourcilleuse de Jean-Marc Ayrault"
Manuel Valls n’a pas été très convaincant dans le rôle d’avocat de la défense. Il a surtout brandi l’argument d’autorité : « c’est un projet ancien, soutenu par les élus, la plupart d’entre eux, le maire de Nantes… » Sur l’utilité réelle du projet, il s’est réfugié derrière les on-dit : « tout le monde dit que Notre-Dame-des-Landes serait très utile, pas seulement aux Pays de la Loire mais aussi à la Bretagne… » N’est-il pas étrange, alors, qu’il ait lui-même décidé de ne consulter que les électeurs de Loire-Atlantique ?

Les électeurs, bien sûr, il n’allait pas manquer de les appeler à la rescousse : « quand ils [les citoyens] votent en faveur de ce projet en toute connaissance de cause avec une forte participation et un oui très clair, on leur dit ‘on remet en cause la décision’… » On pourrait gloser sur ce « en toute connaissance de cause » qui blanchit trop vite le document établit par la Commission nationale du débat public. Mais surtout, on doit faire remarquer que de « décision », il n’y avait pas. Le vote du mois de juin dernier était une « consultation publique », purement consultative comme son nom l’indique.

Manuel Valls n’a pas prononcé le mot « référendum ». Mais certains ont pu s’y tromper. « Manuel Valls a estimé de son côté qu'il était difficile de renoncer à un chantier approuvé par référendum », écrivait hier soir l’agence Reuters dans une dépêche reprise par certains journaux.

Le débat Valls-Hamon a aussi omis un autre élément. Pour les besoins du projet de Vinci Airports, Manuel Valls avait imaginé le système de la « consultation publique », au lieu du référendum annoncé par François Hollande. Il l’avait imposé par une ordonnance du 21 avril 2016. Mais une ordonnance doit être validée rétroactivement par une loi. Où en est-on ? Le gouvernement a bien déposé en septembre le projet de loi ad hoc. Mais il dort depuis lors dans les tiroirs de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui a d’autres chats à fouetter.

On nous ressort à tout bout de champ le vote du 26 juin 2016. Pile-poil sept mois plus tard, la légalité de cet ersatz de référendum demeure pourtant incertaine.

21 janvier 2017

Royal de Luxe à Montréal : un scoop éculé

Comme les maris trompés, Royal de Luxe aura été le dernier au courant. La nouvelle lui est enfin parvenue : il défilera à Montréal au mois de mai. Il s’est empressé de l’annoncer hier dans un communiqué de presse répercuté par Presse Océan et Ouest France.

L’information avait été publiée dès le le 10 avril 2016 dans le grand quotidien canadien La Presse ! Faut-il soupçonner Jean-Luc Courcoult de chercher à faire du neuf avec du vieux ? Cela rappellerait assez les spectacles de géants, qu’on peut « renouveler » à l’infini en affublant les marionnettes de costumes différents. Ou bien ne lit-il pas La Presse tous les jours ? Qu’il se rassure : moi non plus. Mais Ouest France avait repris l’information le lendemain. Là, l’ignorance devient moins excusable.

Dût la fierté de Royal de Luxe en souffrir, sa prestation ne sera pas le clou de la fête. Il y aura aussi la création mondiale d’un opéra inspiré de Pink Floyd, une Électroparade, un hommage à Leonard Cohen et bien d’autres festivités organisées en l’honneur du 375e anniversaire de Montréal. Pourquoi fêter un 375e anniversaire ? Probablement parce que le maire de la ville aura changé d’ici le 400e. Après tout, Néron n'a pas attendu Vespasien pour offrir « panem et circenses » aux Romains. Toutes les occasions sont bonnes. « Montréal sait faire la fête quelle que soit l’année », ricane le quotidien anglophone National Post. « Donnez-lui une occasion comme son 375e anniversaire et le boucan monte d’un cran. »

Le morceau de roi, en réalité, ce sera l’illumination numérique interactive du pont Jacques-Cartier, le grand pont à cantilever jeté par-dessus le Saint-Laurent. Un projet à 40 millions de dollars canadiens qui fait tousser localement – mais il s’agira d’une installation permanente. Quant aux marionnettes géantes, à vrai dire, l’idée est déjà un peu déflorée à Montréal. Il s’y déroule chaque année à la Saint-Jean, pour la fête nationale du Québec, un Défilé des géants, qui évoque ceux des villes flamandes. On y promène les effigies géantes de personnalités locales vivantes ou défuntes comme l’explorateur Jacques Cartier, le chanteur Félix Leclerc, le premier ministre René Levesque ou le champion de hockey Maurice Richard. Pas de quoi concurrencer un gros chien noir ou une grand-mère en charentaises, bien entendu.

Royal de Luxe n’a que quatre mois pour se préparer. Mais pas d’affolement, la Société des célébrations du 375e anniversaire de Montréal a pris les devants : dès le mois de novembre, elle s’est souciée – à l’insu de la troupe, probablement – de trouver un transporteur pour trimballer les géants « avec précaution, précision et célérité ». Elle a spécifié qu’il faudrait les enlever à Nantes. Utile précision, car si Royal de Luxe est le plus souvent présenté là-bas comme une « troupe française », et parfois « nantaise », certains y voient une institution… belge.

17 janvier 2017

Qu’allaient-ils faire dans cette Maker Faire ? (7) Et vont-ils le refaire ?

« Comme en 2016, la Maker Faire de Nantes réunira aux Nefs, dans une grande fête populaire sur l'île de Nantes, des passionnés de technologies, des Makers », etc., assure le bulletin municipal Nantes Passion dans son numéro de janvier 2017. Dates annoncées : du 7 au 9 juillet.

Peut-être faudrait-il quand même en informer Maker Media, Inc. ? Cette entreprise américaine a créé le concept. Propriétaire de la marque Maker Faire, elle la concède sous licence à des organisateurs d’événements. Sur son site web, makerfaire.com, on trouve un atlas des Maker Faire du monde entier. Nantes n’y figure pas, ni à la date du 7 juillet ni à une autre. Pour la France, seules trois Mini Maker Faire sont programmées en 2017, à Perpignan, Grenoble et Strasbourg. Aucune à Nantes.

Pour plus de renseignements, Nantes Passion renvoie à un site web : http://www.makerfairenantes.com. Un nom enregistré en juin 2015 par la société Avro Tech. Inutile d’aller y voir : le site ne fonctionne plus depuis quelque temps déjà. Le cache de Google montre seulement des informations sur la Maker Faire 2016. Les mêmes, à peu près, que sur le site web des Machines de l’île.

Comme l’indique celui-ci, la Maker Faire 2016 de Nantes a été organisée par Makers Events. Cette société a pris la suite d’Avro Tech, mise en règlement judiciaire en septembre 2015 puis en liquidation judiciaire en 2016. Sans plus de succès : constituée le 3 novembre 2015, elle a à son tour été mise en liquidation judiciaire le 22 novembre 2016. Il faut croire, donc, que la Maker Faire de Nantes n’a pas été une si bonne affaire, malgré les commentaires réjouis de Pierre Orefice.

Le fondateur d’Avro Tech puis de Makers Events est du genre persévérant : en août dernier, il a déposé à l’INPI le nom « Makers Fest ». Ce qui ne lui garantit pas la bienveillance de Maker Media, Inc. Nantes Passion aurait bien fait de creuser un peu ses informations.

Retrouvez les épisodes précédents de la série
Qu’allaient-ils faire dans cette Maker Faire ?

05 janvier 2017

Les arguments débridés du Voyage à Nantes

Jean Blaise était tout à l’heure l’invité de France Bleu Loire Océan. Il a annoncé son intention de se rendre en Chine prochainement afin de conquérir le marché des tour-operators locaux. On devrait voir bientôt les touristes de l’Empire du Milieu arpenter les trottoirs nantais au long de la ligne verte.

À condition que le patron du Voyage à Nantes renforce un peu son argumentaire. « Il faut savoir qu'en été, aux mois de juillet et août, tous les lieux culturels de la ville sont ouverts de 10 heures du matin à 19 heures, et ça c'est unique en France », se rengorge-t-il. « Parce que dans les autres villes, l'été on se repose, on part en vacances. Bon, alors, les musées sont ouverts, il ne faut pas exagérer, mais à ce point là, non, je pense qu'on est vraiment la seule ville. »

Ce n’est pas la Chine que Jean Blaise devrait visiter. Ce sont les villes françaises. Il risquerait fort de tomber de haut. Tous les lieux culturels ouverts de 10 heures à 19 heures, rien qu’à Nantes et pas ailleurs ? Mais c’est le minimum syndical dans n’importe quelle ville touristique ! Tiens, prenez Bordeaux, par exemple. En juillet-août, son nouvel équipement emblématique unique au monde, la Cité du Vin, est ouvert tous les jours de 9 h 30 à 19 h 30.

Les tour-operators chinois sont certainement au courant. Si Jean Blaise compte les épater avec ce genre d’arguments, il risque d’attendre longtemps les charters pékinois.