28 avril 2016

Lobbying pour NDDL (25) : questions sur une question

La question posée par le gouvernement aux électeurs de Loire-Atlantique lors de la consultation locale du 26 juin a évidemment été pensée avec soin. Et pas pour la rendre aussi neutre que possible, bien sûr, mais pour maximiser les chances du projet tout en sauvant les apparences démocratiques.


Cette question est celle des porteurs du projet. Ses adversaires, raisonnant davantage en termes d'enjeux, comprendront plutôt : « Etes-vous favorable au projet d'artificialisation d'espaces naturels et agricoles sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? » Voire, pour la frange gauchiste : « Etes-vous favorable au projet du groupe capitaliste Vinci sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? » Et, pour la frange contribuable : « Etes-vous favorable au projet de dépenses publiques (manifestement sous-estimées) sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? »

Certains habitants du Sud-Loire entendront : « Etes-vous favorables à ce que les avions qui passent au-dessus de vos têtes passent plutôt au-dessus de celle des Landais ? » Et certains autres : «  Etes-vous favorable au transfert de votre emploi à l'aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? » Quelques spéculateurs fonciers interpréteront : « Etes-vous favorable à l'urbanisation des terrains que vous avez achetés entre Nantes et Notre-Dame-des-Landes ? » Et les patrons du BTP : « Etes-vous favorable au projet de construction de bâtiments, de pistes et de routes sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? »

On aura noté évidemment que le projet porte sur un « transfert de l'aéroport de Nantes Atlantique ». Depuis des années, ses partisans militaient pour la « création de l'Aéroport du Grand Ouest ». Mais halte au créationnisme ! Depuis le Grenelle de l'environnement, la France s'interdit de créer des aéroports ; elle s'autorise cependant à les changer de place, quand bien même leur capacité serait décuplée au passage.

Quant à l'appellation Aéroport du Grand Ouest, l'introduire dans la question aurait trop clairement souligné l'absurdité d'une « consultation locale » riquiqui, limitée aux électeurs du département. Comme on l'écrivait ici, il y a un loup derrière Notre-Dame-des-Landes... mais ce loup se présente sous une peau de mouton ! L'association Des Ailes pour l'Ouest, qui réunit les partisans du nouvel aéroport, devrait se rebaptiser d'urgence Des Ailes pour la Loire-Atlantique, si ce n'est Des Ailes pour l'arrondissement de Nantes, histoire de faire profil bas.

Mais la grosse astuce sémantique est bien sûr dans le mot « transfert ». Il évite de parler du sort de... Nantes Atlantique. Puisqu'on le transfère, il va être là-bas et non ici, hein ? Eh ! bien, en ce cas, pourquoi la question posée le 26 juin n'est-elle pas : « Etes-vous favorable au projet de fermeture de l'aéroport de Nantes-Atlantique et à sa réinstallation sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? » Car une « consultation locale » telle que la prévoit l'ordonnance élaborée en vitesse par le premier ministre vise à interroger les citoyens sur des projets à fort impact. Or la fermeture de l'aéroport actuel, conformément au Grenelle de l'environnement, serait encore plus désastreuse sur le plan économique que l'ouverture d'un aéroport à Notre-Dame-des-Landes sur le plan écologique : elle condamnerait à bref délai le pôle nantais de l'aéronautique et des matériaux constitué à grands efforts et à grands frais autour d'Airbus. Il serait donc encore plus important de nous consulter sur cette fermeture que sur cette ouverture !

Je fais l'âne pour avoir du son ? Évidemment ! Je sais bien, tout le monde sait bien qu'on ne fermera pas Nantes Atlantique, et tant pis pour le Grenelle ! Il sera toujours bien temps de s'en excuser une fois le projet de Notre-Dame-des-Landes réalisé. Et là, on se félicitera de la prescience miraculeuse du premier ministre rédigeant la question posée le 26 juin...

Il y a aussi dans le mot « transfert » comme un sous-entendu de mercato aéroportuaire qui réjouira les amateurs de sport. Cependant, il n'y a pas que du positif dans ce substantif. La neuvième édition du dictionnaire de l'Académie française n'en est pas encore là, mais voici ce qu'on lit dans la huitième :

Action de transférer. Le transfert du corps d'un mort. Il se dit spécialement en termes de Finance et de Commerce et désigne l'Acte par lequel on déclare transporter à un autre la propriété d'une rente sur l'État, d'une valeur, d'une marchandise.

Le transfert du corps d'un aéroport ? Brrrr ! Le Centre national de ressources textuelles et lexicales n'est pas plus riant. À l'article « transfert », il cite en exemple « Transfert des cendres, des prisonniers ». Il signale aussi le sens bancaire du mot, « opération consistant à faire passer des valeurs monétaires d'un compte à un autre », dont on espère qu'il n'a rien à voir avec le projet d'aéroport. Et aussi son sens psychologique : « phénomène par lequel un sentiment éprouvé pour un objet est étendu, par association*, à un autre objet ». Bon sang, mais c'est bien sûr : ce qu'il s'agit de transférer à Notre-Dame-des-Landes, ce n'est pas tant un aéroport que des sentiments de cupidité et d'orgueil !
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* Le CNRTL ne désigne pas nommément l'association en cause !

25 avril 2016

Lobbying pour NDDL (24) : un loup derrière Notre-Dame-des-Landes

« Etes-vous favorable au projet de transfert de l'aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? » Telle est la question que le gouvernement veut poser aux électeurs de Loire-Atlantique.

Entre l’annonce d’un référendum local par François Hollande le 11 février et la publication ce dimanche d’un décret convoquant les électeurs le 26 juin, il s’est écoulé 73 jours. Ça, c’est autre chose que la déchéance de nationalité !

Mais justement, n’est-il pas étrange qu’un gouvernement qui patauge sur tant de sujets majeurs montre une telle efficacité sur un sujet aussi mineur – nationalement parlant – que le transfert d’un aéroport géré par une société privée ? N’est-il pas disproportionné que le premier ministre, dans une période aussi difficile, se soit personnellement investi pour bricoler un nouveau type de consultation électorale non prévu par la Constitution, puis organiser d’urgence, pas dans six mois ou dans un an mais là, tout de suite, une consultation départementale sur un projet qui traîne déjà depuis des décennies ? 

Il y a dans cette hâte, ces efforts et cette détermination quelque chose de pas normal. On emploie un marteau pour écraser une mouche. De minimis non curat praetor, affirme un vieil adage juridique. Si tant de hauts personnages se préoccupent tant de Notre-Dame-des-Landes, c'est que le problème soulevé ne doit pas être si minimis que ça, il ne porte pas uniquement sur la localisation de l'aéroport. Derrière Notre-Dame-des-Landes, il y a un loup. Quel loup ? C'est cela qui est inquiétant.

22 avril 2016

Bolopoly (33) : l’orchestre continue à jouer pendant le naufrage

La SoNantes a été lancée le 28 avril 2015. Pourquoi donc le Crédit municipal de Nantes et sa filiale ad hoc, SoNao, ont-ils tenu à faire le bilan d’une année de leur monnaie « complémentaire » le 19 avril 2016, avec plus d’une semaine d’avance* ? On ne leur a pas dit que souffler les bougies trop tôt porte malheur ?


Si encore il y avait eu de bonnes nouvelles à annoncer ! Mais la méthode Coué ne suffit pas à cacher que la monnaie locale nantaise est mal partie. Les objectifs sont tenus, assure Patrick Forgeau, qui en tant que conseiller pour l’économie solidaire avait convaincu Jean-Marc Ayrault de se lancer dans l’aventure. Mais quels étaient ces objectifs ?


Mais on ne désespère pas : « avec 1500 adhérents professionnels, la monnaie locale s'équilibre, c'est l'objectif à 5 ans », lit-on sur le site de Nantes Métropole. Pascal Bolo avait pourtant été très clair lors du conseil municipal du 19 décembre 2014 : « Le plan d’affaire qui a été monté prévoit un équilibre en trois ans sur la base de 10 % des entreprises nantaises adhérant au système » (soit 3 000 entreprises).
L’objectif annoncé voici seize mois au conseil municipal a donc déjà été divisé par deux et son délai de réalisation allongé des deux tiers ! Mais pour l’atteindre, il faudrait tout de même multiplier par cinq le rythme des recrutements en engrangeant l'adhésion d'une entreprise supplémentaire par jour au lieu d’une tous les cinq jours actuellement. Grâce à quel avantage nouveau ? Mystère.

Et puis, comment l’équilibre financier prévu avec 3 000 entreprises serait-il atteint avec 1 500 ? Pas par une augmentation du volume des transactions car les paiements en SoNantes ne donnent pas lieu à commission. Le système est financé par les cotisations des entreprises adhérentes. Pour que 1 500 entreprises rapportent autant que 3 000, il faudrait a priori doubler les cotisations, de l’ordre de 300 euros par an en moyenne aujourd’hui. Cent pour cent d’augmentation ? Cela ne favorisera pas les adhésions.

Les 150 entreprises et les 820 particuliers adhérents de la SoNantes font-ils au moins une grosse utilisation de la monnaie locale ? Même pas : les échanges portent sur 41 352 SoNantes (donc autant d’euros) en un an, soit en moyenne 42,63 euros par adhérent. Le Crédit municipal assure que les échanges progressent : ceux des trois derniers mois représenterait autant que ceux des neuf premiers mois. Soit un rythme frénétique d’environ 26 centimes en moyenne par adhérent et par jour.

200 euros de frais à chaque utilisation

À condition tout de même que le montant global n’ait pas été faussé par des opérations artificiellement gonflées. « J’ai déjà encaissé entre 3 000 et 4 000 euros de factures en SoNantes », déclare un expert-comptable, Stéphane Le Guerny, qui représente donc à lui seul pas loin de 10 % des volumes échangés ‑ et pas loin de 20 % s’il s’est empressé de redépenser ses SoNantes, selon la logique du système.

Le coût de fonctionnement du système se situe entre 350 000 et 450 000 euros par an, indique Stéphane Le Guerny, cité par Aude Le Gentil dans Ouest France. L’imprécision même du montant ne présage rien de bon : après un an de fonctionnement, un expert-comptable devrait pouvoir citer un montant exact au centime près. Si l’on rapporte cette fourchette aux 1 762 transactions enregistrées en un an, on constate que chacune de celles-ci, d’un montant moyen inférieur à 24 euros, coûte entre 198,64 euros et 255,39 euros !

Le bilan n'est donc pas brillant. Mais certains de ceux qui ont voulu la SoNantes n'auront pas à l'assumer. Jean-Marc Ayrault a vogué vers d'autres aventures et Jacques Stern a été discrètement remplacé à la tête du Crédit municipal de Nantes au début de l'année.
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* Dans la précipitation, le site web de la ville de Nantes s’est un peu emmêlé les pinceaux. Sous un titre grotesque, « La SoNantes fête ses 1 an » (ensuite corrigé en « La SoNantes a 1an »), il a annoncé que la TAN venait d’adopter la monnaie locale et que « NGE, qui gère les parkings publics, devrait bientôt suivre ». Dans une version corrigée, l’adhésion de la TAN est renvoyée à plus tard – et l'on ne pourra acheter ses tickets en SoNantes qu'à l’Espace mobilité de la station Commerce. Quant à NGE, il n’en est plus question.

14 avril 2016

Une grille de plus pour le palais de justice

Palais de justice rime avec...
Le palais de justice de Nantes est une erreur urbanistique : il dresse un obstacle massif entre le centre historique et le nouveau quartier de la création. C’est un désastre immobilier : la multiplication des dysfonctionnements et des malfaçons a imposé d’énormes travaux de réfection. Est-ce au moins une réussite architecturale ? Certains le disent (mais ils sont souvent payés pour cela). Tel que je le vois, deux caractères surtout distinguent son architecture de celle d’un hypermarché : la couleur noire et l’immense parvis incliné.

...Galerie Atlantis !
 Le noir ne lui va pas si bien : il vieillit mal. Le palais de justice, aujourd’hui, arbore un gris pisseux. Reste le parvis. L’hypermarché cherche à donner au chaland le sentiment qu’il est bienvenu : les parkings viennent battre ses flancs et l’on y accède de plain-pied. Le palais de justice cherche à donner au justiciable le sentiment de son insignifiance : le parvis doit être gravi tel un Golgotha.

Derrière le grillage, on pose une grille
Ce n’était pas encore suffisant pour dissuader le public. Le ministère de la justice est en train de dénaturer le parvis en le fermant par une grille. Hors des heures ouvrables, c’est-à-dire les trois quarts du temps, celle-ci restera close. Le visiteur qui a vu le palais de Jean Nouvel vanté dans les guides touristiques ne risquera plus de perdre son temps à venir le regarder de plus près. 

Il est vrai que le palais de justice a toujours vécu
sous le signe de la grille et du grillage...

13 avril 2016

Ça vous fonctionnouille ou ça vous investouille ?

J’ose à peine évoquer encore les poteaux indicateurs pour piétons qui parsèment le centre de Nantes. Ma dernière note sur le sujet constatait une rectification effectuée par les services municipaux sur un panneau du cours Saint-Pierre. Plutôt sympa, non ? Elle m’avait quand même valu des reproches. J’ai donc longtemps hésité avant de récidiver.

Je m’étais étonné, il y a près de deux ans de cela, de voir les distances indiquées pour les piétons en temps de parcours et non en mètres, comme si tout le monde marchait du même pas. Bizarrement, il n’existait qu’une exception, un panneau situé place des Petits-murs, en marge du cours des 50-Otages. Il indiquait que les toilettes les plus proches (d’ailleurs parfaitement visibles) se trouvaient à 25 mètres de là. Ça, c’était du panneau utile. Hélas, l’an dernier, il avait disparu, victime sans doute de quelque vandale.

Or voici qu’il est revenu, pareil à lui-même, il y a quelques semaines de cela. Pourquoi donc a-t-il fallu attendre si longtemps ? À propos du panneau du cours Saint-Pierre, un aimable correspondant municipal nous avait écrit que les huit mois nécessaires pour lui faire effectuer une rotation d’un quart de tour s’expliquaient par une pénurie de crédits de fonctionnement, réduits au profit des investissements. Mais alors, pourquoi un an s’est-il écoulé pour un remplacement de panneau qu’on présume imputé au budget des investissements ? La comptabilité municipale a de ces mystères…

Le lecteur attentif aura remarqué que le poteau, sur la photo ci-contre, penche fortement. Ce n’est pas par esprit d’imitation de son proche voisin, l’hôtel La Pérouse. Simplement, il est comme ça depuis qu’il a été vandalisé. Pourquoi ne pas l’avoir redressé en même temps qu’on remplaçait le panneau ? La réponse est évidente : parce que ça, c’est du fonctionnement, et les crédits de fonctionnement, etc. La suite en 2017, probablement.

01 avril 2016

Lèse-Blaise : (6) aveu tardif

Quand j’ai écrit, début 2014, que « la carrière de Jean Blaise repose tout entière sur son engagement politique », certains me l’ont reproché. Allons, un personnage si remarquable devait forcément son ascension à la culture et non à la politique !

Une oeuvre du Voyage à Nantes 2012,
métaphore de prétentions englouties
Or que lit-on ce matin dans les « petits potins » de Presse Océan ? À propos de sa collaboration avec Jean-Marc Ayrault, le grand homme se lâche : « Nous étions très politiques. Notre génération avait des discours sur tout, très idéologiques. » Admettra-t-on davantage ce constat quand c’est lui qui le dresse ?

Jean Blaise parle au passé. La politisation aurait-elle disparu ? Peut-être. Mais ce n’est pas au profit de la culture, c’est au profit de l’argent. Aujourd’hui, dit-il à propos du ministère de la Culture, « la seule question que l’on entend c’est : comment faire en sorte qu’il ait suffisamment de fric pour continuer à financer le même réseau ? »

Une certaine cour a toujours frétillé autour de Jean-Marc Ayrault en vantant la magnificence de ses nouveaux habits culturels. À force de répétition du message et de paresse intellectuelle, d'aucuns ont fini par y croire. Mais si l’on jette un regard en arrière sur le dernier quart de siècle, bien peu surnage. Le roi était plus qu’à moitié nu et ça commence à se voir.

Retrouvez la série « Lèse-Blaise » :