La SoNantes a été lancée le 28 avril 2015. Pourquoi donc le
Crédit municipal de Nantes et sa filiale ad hoc, SoNao, ont-ils tenu à
faire le bilan d’une année de leur monnaie « complémentaire » le 19
avril 2016, avec plus d’une semaine d’avance* ? On ne leur a pas dit que
souffler les bougies trop tôt porte malheur ?
Si encore il y avait eu de bonnes nouvelles à
annoncer ! Mais la méthode Coué ne suffit pas à cacher que la monnaie locale
nantaise est mal partie. Les objectifs sont tenus, assure Patrick Forgeau, qui
en tant que conseiller pour l’économie solidaire avait convaincu Jean-Marc
Ayrault de se lancer dans l’aventure. Mais quels étaient ces objectifs ?
En 2013, Pascal
Bolo, adjoint aux finances de la ville de Nantes, comptait sur un démarrage
avec « 200 à 300 entreprises adhérentes ». Début 2015, Jacques
Stern, patron du Crédit municipal, ne comptait déjà plus que sur « 150
entreprises pour démarrer ». Un an après le démarrage, l’annuaire
de la SoNantes recense 146 entreprises, contre 115 le 16 octobre.
Mais on ne désespère pas : « avec 1500 adhérents professionnels, la monnaie locale
s'équilibre, c'est l'objectif à 5 ans », lit-on
sur le site de Nantes Métropole. Pascal
Bolo avait pourtant été très clair lors
du conseil municipal du 19 décembre 2014 : « Le plan d’affaire
qui a été monté prévoit un équilibre en trois ans sur la base de 10 % des
entreprises nantaises adhérant au système » (soit 3 000 entreprises).
L’objectif annoncé
voici seize mois au conseil municipal a donc déjà été divisé par deux et son
délai de réalisation allongé des deux tiers ! Mais pour l’atteindre, il
faudrait tout de même multiplier par cinq le rythme des recrutements en engrangeant l'adhésion d'une entreprise supplémentaire par jour au lieu d’une tous les cinq jours actuellement.
Grâce à quel avantage nouveau ? Mystère.
Et puis, comment
l’équilibre financier prévu avec 3 000 entreprises serait-il atteint avec
1 500 ? Pas par une augmentation du volume des transactions car les
paiements en SoNantes ne donnent pas lieu à commission. Le système est financé
par les cotisations des entreprises adhérentes. Pour que 1 500 entreprises
rapportent autant que 3 000, il faudrait a priori doubler les cotisations,
de l’ordre de 300 euros par an en moyenne aujourd’hui. Cent pour cent
d’augmentation ? Cela ne favorisera pas les adhésions.
Les 150 entreprises
et les 820 particuliers adhérents de la SoNantes font-ils au moins une grosse
utilisation de la monnaie locale ? Même pas : les échanges portent
sur 41 352 SoNantes (donc autant d’euros) en un an, soit en moyenne
42,63 euros par adhérent. Le Crédit municipal assure que les échanges
progressent : ceux des trois derniers mois représenterait autant que ceux
des neuf premiers mois. Soit un rythme frénétique d’environ 26 centimes en
moyenne par adhérent et par jour.
200 euros de frais à chaque utilisation
À condition tout de même que le montant global n’ait pas été
faussé par des opérations artificiellement gonflées. « J’ai déjà
encaissé entre 3 000 et 4 000 euros de factures en SoNantes »,
déclare
un expert-comptable, Stéphane Le Guerny, qui représente donc à lui seul pas
loin de 10 % des volumes échangés ‑ et pas loin de 20 % s’il s’est
empressé de redépenser ses SoNantes, selon la logique du système.
Le coût de
fonctionnement du système se situe entre 350 000 et 450 000 euros par
an, indique Stéphane Le Guerny, cité
par Aude Le Gentil dans Ouest France. L’imprécision même du montant
ne présage rien de bon : après un an de fonctionnement, un
expert-comptable devrait pouvoir citer un montant exact au centime près. Si
l’on rapporte cette fourchette aux 1 762 transactions enregistrées en un
an, on constate que chacune de celles-ci, d’un montant moyen inférieur à 24
euros, coûte entre 198,64 euros et 255,39 euros !
Le bilan n'est donc pas brillant. Mais certains de ceux qui ont voulu la SoNantes n'auront pas à l'assumer. Jean-Marc Ayrault a vogué vers d'autres aventures et Jacques Stern a été discrètement remplacé à la tête du Crédit municipal de Nantes au début de l'année.
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* Dans la précipitation, le site web de la ville de Nantes
s’est un peu emmêlé les pinceaux. Sous un titre grotesque, « La
SoNantes fête ses 1 an » (ensuite corrigé en « La SoNantes a 1an »), il a annoncé que la TAN venait d’adopter la monnaie locale et
que « NGE, qui gère les parkings publics, devrait bientôt suivre ».
Dans une version corrigée, l’adhésion de la TAN est renvoyée à plus tard – et l'on ne pourra acheter ses tickets en SoNantes qu'à l’Espace mobilité de la station Commerce. Quant à NGE, il n’en est
plus question.
Le Rozo de Saint-Nazaire/ presqu'île guérandaise va lui aussi faire un carton... A entendre les instigateurs de ce projet, on s'interroge encore sur la survie jusque aujourd'hui de la construction navale et du tourisme sans un tel dispositif ?
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