Le musée d’histoire de Nantes installé dans le château des ducs de Bretagne est une réalisation phare de la municipalité Ayrault. De la belle ouvrage : si le château a été largement reconstruit, l’histoire l’a été aussi. La présentation du musée a été déterminée par une savante commission nommée par la municipalité : on peut être certain qu’elle a été soigneusement soupesée ! Sera-t-on surpris de découvrir qu’elle est loin d’être neutre ? Première visite : Nantes et la Bretagne.
Un certain establishment paysdelaloiron affirme volontiers que les rapports de Nantes avec la Bretagne sont « complexes ». Cette affirmation ne sert qu’à brouiller les pistes, car pour la grande majorité des Nantais, si l’histoire de la Bretagne est complexe en effet, le fait que Nantes soit en Bretagne est d’une simplicité limpide. « Nantes en Bretagne », est-ce un thème de débat ? Pas pour ceux qui répondent « oui » ! Le débat est créé de toutes pièces par le camp d’en face, celui qui, par intérêt, pour se ranger du côté du manche ou par haine du passé et des identités populaires, voudrait qu’il y ait doute. Le musée donne à voir une version subtile de cette démarche de fausse impartialité. D’abord, son organisation permet de saucissonner l’essence de Nantes, comme si la ville d’hier n’était pas celle d’aujourd’hui, qui n'est pas celle de demain : du passé faisons table rase, morceau par morceau à défaut de Grand Soir. La salle n° 2 fait de Nantes « la cité des ducs de Bretagne », mais dès la salle n° 3 c’est « une ville du royaume de France », puis ce sera « une capitale négrière » (deux salles : le double de la « cité des ducs » !), « la ville des négociants », « la métropole d’aujourd’hui », etc.
Dès la salle n° 1, le grimoire qui accueille les visiteurs assure qu’au 13e siècle Nantes « se veut la deuxième capitale de la Bretagne », la première étant Rennes bien sûr. Le rôle de Nantes est clairement minoré : si elle « se veut » capitale, c’est sans doute qu’on ne lui a rien demandé… Or cette affirmation est plus que fausse : elle est absurde. Au 13e siècle, la notion moderne de capitale n’existe pas. Le pouvoir est là où se trouve le souverain… qui a plusieurs résidences et se déplace souvent. L’idée d’une capitale administrative de la Bretagne n’apparaît qu’au 14e siècle avec Jean IV et c’est… Vannes. Jean Ier, duc de 1221 à 1286, puis Jean II, duc de 1286 à 1305, résident à Nantes, Rennes, Vannes, Suscinio, Ploërmel, etc ; le premier est enterré à Nantes, le second à Ploërmel. Les États de Bretagne se réunissent à Dinan, Guérande, Nantes, Ploërmel, Rennes, Vannes, Vitré, etc.
Le plus étrange est que l’historien Alain Croix, membre éminent de la commission historique du château et fortement soupçonné d’être l’un des artisans de sa « débretonnisation », a lui-même souligné que la notion de capitale n'était pas pertinente au 13e siècle, et ce dans un article de la revue Place publique (n° 11), largement subventionnée par la municipalité nantaise ! Peut-être pour défendre sa réputation d’historien, mise à mal par les approximations abusives du musée d’histoire de Nantes ?
Deuxième cas où l’intention propagandiste est subtile mais claire : dans la salle n° 10, la légende d’une carte des « marches de Bretagne » précise : « Cette carte de Bretagne datée de 1784 n’indique pas de limite précise au sud avec le Poitou, ni à l’est, avec l’Anjou ». Le visiteur pressé en infère que la Loire-Atlantique est une zone indécise, qui ne se distingue pas des terres poitevines ou angevines. Mais le visiteur observateur note que cette même carte ne matérialise pas non plus de limite avec la Normandie et le Maine ! Le château tente tout simplement de donner à cette carte une signification qu’elle n’a pas.
Le thème biaisé du « découpage de la Bretagne par le gouvernement de Vichy » est volontiers agité par certains milieux bretons ; le château a sauté sur l'occasion pour laisser entendre que l'amputation de la Bretagne est actée depuis longtemps (mais, comme il ménage la chèvre et le chou, il évite de rappeler qu'elle date en fait de la révolution ; on peut cracher sur Pétain, pas sur Robespierre...). Une autre carte de la salle n°10 est intitulée « La Loire-Inférieure, un département des Pays de la Loire depuis 1941 ». Sous ce titre, un commentaire insiste : « le gouvernement de Vichy rattache la Loire-Inférieure à la nouvelle région des Pays de la Loire ». C’est d’autant plus étonnant que la carte montre en fait… un découpage administratif adopté à la libération par décret du 9 juin 1944 ! Le château omet aussi de rappeler que le rôle des régions était très différent en 1941 et en 1956, que la région créée par Vichy en 1941 ne s’appelait pas « Pays de la Loire » mais « région d’Angers » (de même qu’il n’y avait pas de « région Bretagne » mais une « région de Rennes »), et, cerise sur le gâteau, que sa composition n’était pas celle des actuels Pays de la Loire (elle comprenait l’Indre-et-Loire et pas la Vendée)...
Le visiteur qui quitte la salle n°10 conscient de la politique anti-bretonne de Vichy ne peut qu’être surpris de lire dans le grimoire de la salle n°27 : « En Loire inférieure, plusieurs groupes sont favorables à l’idéologie de Vichy comme le groupe Collaboration (900 adhérents en 1943), le Parti National Breton ». Le plus étonnant est que figure juste à côté un tract du PNB où l’on peut lire : « Soyons Bretons ! Rien de plus » ! On sait que dès août 1940, les préfets des départements bretons ont multiplié les mesures contre les militants du PNB, dont le président, Raymond Delaporte, écrivait en 1941 : « Ce que Vichy nous a offert jusqu'ici, c'était une soumission complète à ses volontés , à ses caprices... Ce que nous voulons nous c'est que le peuple breton collabore avec tous les autres peuples de l'Europe à une reconstruction économique, sociale, spirituelle et diplomatique du continent. »
Bref, ce que dit le château n’est pas seulement biaisé : dans certains cas, c’est du n’importe quoi !
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