27 juin 2012

Rue de la Chute : (5) la mine est d'or mais le temps c'est de l'argent

Rue de la Chute est un cadeau des contribuables aux spectateurs, on l’a vu hier. Cela ne signifie pas que le spectacle ne coûte rien aux à ces derniers. L’accès de la « salle » étant réservé aux 1.300 premiers arrivants, de longues files d’attente se forment autour du château longtemps avant l’ouverture des portes.

Selon un comptage rapide, 1.800 candidats battaient hier la semelle rue des États une heure avant le spectacle. Entre ceux qui étaient là depuis longtemps, ceux qui avaient déjà renoncé, ceux qui n’étaient pas encore arrivés, on supposera que 2.500 personnes au total ont fait la queue pendant en moyenne une heure et demie. Et qu’il en aura été grosso modo de même pour les quatorze représentations. Bilan humain : 2.500 x 1,5 x 14 = 52.500 heures perdues à faire la queue !

Soit, à raison de 35 heures par semaine et de 47 semaines par an, presque trente-deux années d’un honnête labeur. Ça n’a l’air de rien, mais au tarif du Smic 2012 (9,22 euros brut de l’heure), ces 52.500 heures représentent 484.050 euros. Sans compter le pretium doloris de tous ceux qui auront fait la queue sans pouvoir accéder à la cour du château.

26 juin 2012

Rue de la Chute : (4) qui a trouvé la mine d’or ?

Le nouveau spectacle de Royal de Luxe se déroule dans une ville de l’Ouest où de hardis prospecteurs découvrent une mine d’or.

L’histoire est hautement allégorique. Chaque année, Nantes verse 300.000 euros à la troupe juste pour avoir le privilège de la présenter comme « nantaise ». Et elle crache à nouveau au bassinet pour la réalisation des spectacles. Pour Rue de la Chute, la ville de Nantes a voté à Royal de Luxe une subvention « exceptionnelle » de 800.000 euros. Le spectacle 2012 coûte donc aux contribuables nantais 1.100.000 euros (l’une des quinze représentations prévues a été annulée, mais on suppose que la troupe ne rendra pas au budget municipal le quinzième de sa subvention).

À raison de 1.300 spectateurs par séance, 18.200 personnes auront vu Rue de la Chute à Nantes. Cela représente un cadeau de 60,44 euros fait à chacune d’elles par la collectivité -- un peu moins de 1,4 g d’or au cours actuel. Pas une grosse pépite. Mais une fois tout cet or collecté dans les coffres de Royal de Luxe, il y en a quand même pour quelque chose comme 25 lingots.

25 juin 2012

La culture à Nantes : (1) on n’a pas attendu Jean-Marc Ayrault

Les thuriféraires du Premier ministre reprennent en chœur le discours mis au point par les spin doctors de la mairie : Jean-Marc Ayrault a fait de Nantes une ville culturelle. À Nantes même, certains semblent s’être auto-intoxiqués avec cette fable. Car c’en est une.

Nantes, comme la plupart des grandes villes, a toujours été un foyer culturel. C’est à Nantes qu’a été publié le plus grand succès littéraire du 15e siècle, Les Lunettes des princes de Jehan Meschinot, natif de Monnières. Le théâtre Graslin et les noms des rues environnantes témoignent assez de la place que tenait la culture à Nantes à la fin du 18e siècle. 

Est-il plus « culturel » d’avoir créé la fontaine de la place Royale ou de la cacher sous un mur d’escalade ?
La ville s’est illustrée dans des genres très divers au 19e siècle et au 20e siècle en accueillant ou en donnant naissance à des peintres comme George Barbier, Étienne Bouchaud, Alexis de Broca, Camille Bryen, Paul Chabas, Jules-Élie Delaunay, Émile Dezaunay, James Guitet, Jean-Émile Laboureur, Maxime Maufra, Edgard Maxence, Michel Noury, Charles Perron, Ferdinand du Puigaudeau, Pierre Roy, James Tissot, Auguste Toulmouche, des sculpteurs comme Jean Debay, Henri-Joseph Ducommun du Locle, Guillaume Grootaers, Charles-Auguste Lebourg, des écrivains comme Jean-Pierre Abraham, Émile Boissier, René-Guy Cadou, Michel Chaillou, Marc Elder, Paul Guimard, Morvan Lebesque, Elisa Mercoeur, Charles Monselet, Michel Ragon, Hugues Rebell, Jean Sarment, des compositeurs comme François Benoist, Louis Bourgault-Ducoudray, Gaston Serpette, Alan Simon, Louis Vuillemin, des collectionneurs comme les frères Cacault, Thomas Dobrée, Pierre-Antoine Labouchère, etc.

Nantes a été l’un des pôles principaux des Seiz Breur, le grand mouvement artistique breton d’entre les deux guerres. Parmi eux, André Batillat, René-Yves Creston, Youen Drezen, Jean Fréour, Paul Ladmirault, Jean Mazuet, Jean Merrien, Robert Micheau-Vernez, Pierre Péron, Jorj Robin, Rafig Tullou, étaient nantais ou ont vécu à Nantes.

Dans ce désert culturel qu’était, paraît-il, la ville de 1989, sévissaient tout de même des groupes comme Tri Yann an Naoned ou Elmer Food Beat, des peintres comme Bertrand Bracaval ou Alain Thomas, des sculpteurs comme Gérard Voisin ou Bernard Barto, des galeristes de réputation nationale comme Mignon-Massart ou les Branchet, etc. Le Festival des Trois continents avait été créé en 1979, le Printemps des arts en 1984, Espace 44, futur Grand T, en 1983… et même le CRDC de Jean Blaise en 1982.

Dire que Nantes n’était pas une ville de culture avant Jean-Marc Ayrault, c’est en somme afficher sa propre inculture. À propos, parmi les personnages cités ci-dessus, seuls trois figurent sur le mur de Royal de Luxe, outre MM. Ayrault et Blaise.
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P.S. Sur la vie culturelle de Nantes à travers les siècles, on lira le post détaillé de David Souvestre sur son blog Schadenfreude. Un constat s'impose : le bilan culturel de la Nantes bretonne surpasse largement celui de la Nantes ligérienne.

23 juin 2012

Chevault léger

Il fallait que quelqu’un ose, Jérôme Cordelier l’a fait en intitulant « L’homme qui murmure à l’oreille d’Ayrault » un article du Point sur Jean Blaise. Il est vrai que Cordelier ne recule devant aucune audace. Sans rire, il qualifie aussi Jean Blaise de « discret », et Daniel Buren, Claude Lévêque, Fabrice Hyber et Pierrick Sorin de « plus grands créateurs actuels »… Prochain titre prévu : « On achève bien l’Ayrault ». Un message à l’intention de Royal de Luxe, sans doute.

22 juin 2012

Le Carrousel des mondes marins n’aime pas le souffle atlantique

Si le Grand éléphant de l'île de Nantes est un gouffre financier, aimablement comblé par les contribuables, alors qu'il aurait dû rapporter de l'argent, c’est pour une bonne part à cause d'une insuffisance technique. On sait à présent que les perspectives du Carrousel des mondes marins sont, elles aussi, obérées par des contraintes techniques, si ce n’est par une erreur de conception.

Comme on l’a noté ici, il offre une grande prise au vent. « Situé en bord de Loire, le Carrousel des Mondes Marins est soumis aux intempéries, comme tous les manèges forains », expliquent drôlement les Machines de l’île, qui semblent oublier que « forain » signifie « non sédentaire » et que toute la ville est soumise aux mêmes intempéries. « En cas de fortes pluies ou de vents soufflant à plus de 50 km/h, le Carrousel ferme. »

Quarante et un jours par an, Nantes subit des rafales dépassant 57 km/h. Ce qui signifie que le Carrousel risque d’être souvent fermé. Hier après-midi, des rafales à 55 km/h l’auraient ainsi obligé à garder portes closes. Il y a là de quoi nuire à son attractivité touristique : un non-Nantais fera-t-il le voyage s’il n’est pas sûr de trouver le manège ouvert ?

On comprend que l’Office de tourisme de Nantes Métropole ait discrètement passé à la trappe le slogan « Le souffle atlantique » dont il usait naguère…

21 juin 2012

Rue de la Chute : (3) au service du Voyage à Nantes, ou l’inverse ?


Le spectacle de Royal de Luxe occupe naturellement une place de choix dans les annonces du Voyage à Nantes. Mais qu’est-ce que Rue de la Chute à Nantes ? Quinze représentations, du 15 juin au 1er juillet.

Lorsque commenceront les choses sérieuses, touristiquement parlant, au mois de juillet, Royal de Luxe sera parti pour Anvers, puis Paris. L’attractivité de l’événement estival en sera diminuée d’autant.

Le Voyage à Nantes espère attirer cet été 40.000 touristes supplémentaires. Ce n’est déjà pas beaucoup. Or, à raison de 1.300 spectateurs par représentation, Rue de la Chute ne propose pas plus de 19.500 entrées*. Et les Nantais forment l'immense majorité des files d'attente. Très peu de touristes auront donc l’occasion de voir le spectacle. (Ils peuvent cependant souscrire un « Week end Royal de Luxe » avec « placement garanti », vendu 105 euros par Nantes Tourisme ; on aimerait connaître le nombre de forfaits vendus.)

Présent dans les premiers jours du Voyage à Nantes, Royal de Luxe en aura profité pour roder son spectacle. Il aura surtout bénéficié à plein de la communication autour du lancement de la manifestation. Ce qui lui aura permis d’accroître encore sa notoriété, et donc éventuellement d'aller vendre ses spectacles encore plus cher ailleurs.
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* et même pas plus de 18.200 compte tenu de l'annulation du spectacle de dimanche dernier.

20 juin 2012

La cigogne aux œufs d’or

C’est par étourderie qu’on se demandait vendredi combien la réouverture du 32ème étage de la Tour Bretagne pouvait coûter aux contribuables. En réalité, la réponse est déjà officielle. Nantes Métropole a accordé au CCO, pour aménager son Nid, 400.000 euros de subvention en décembre et 900.000 euros en février. Peu de créateurs d’entreprise ont droit aux mêmes attentions !
Comme Le Voyage à Nantes inclut le Nid dans ses œuvres, cette dépense prise en charge par Nantes Métropole via le CCO est donc à ajouter à son budget officiel. Ça commence à faire cher du touriste.

19 juin 2012

Rue de la Chute : (2) rédemption

Après la publication du post précédent, Jean-Luc Courcoult, qu’on croyait plus libéré des conventions, n’a pas tardé à modifier son « climat de la création » pour rentrer dans le droit chemin de la syntaxe et de la concordance des temps. Enfin, presque : il évoque encore « les années 1865 », ce qui est trop d’s pour une seule année, et « les frères Cohen », ce qui est trop d’h pour les deux hommes.

Disparus en revanche les passages dont on s'amusait hier* :
  •  « L'homme se nourrit de légendes, probablement de celles qu'il ne vivra jamais mais dont les croyances font battre son cœur », etc., etc.
  • « elle s'effondra sur le tapis persan de Bagdad lui arrachant quelques poils de cachemire »
  • « Le jeune Ferman s'enfuit sans toucher les pieds du sol »
On fait sans doute partie de ces « âmes trop sensibles » auxquelles le spectacle est désormais déconseillé…
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* Au 21 juin, le texte intégral d'origine est encore visible sur le site ArtRock et sur celui de Paris Quartier d'été.

18 juin 2012

Rue de la Chute : (1) les pieds dans le tapis

Sur le site web de Royal de Luxe, Jean-Luc Courcoult brosse le « climat de la création » de sa dernière œuvre, Rue de la chute*. Il y manifeste surabondamment l’imagination qu’on lui connaît.

« L'homme se nourrit de légendes, probablement de celles qu'il ne vivra jamais », écrit-il ainsi. Derrière cette philosophie de bistro se dissimule une grande liberté d’esprit. Que l’homme ne vive jamais les légendes n’est pas seulement « probable » mais certain puisqu’une légende, par définition, n’appartient pas au réel. L’Académie française la définit comme un « récit héroïque, merveilleux, fabuleux », qui au surplus relève du passé et non du futur. Par cet usage délibérément fautif, M. Courcoult entend sans aucun doute montrer que son talent dépasse le vocabulaire.

De même, quand il évoque un « tapis persan de Bagdad » auquel sont arrachés « quelques poils de cachemire », il affiche bien sûr son goût des géographies imaginaires. Car il sait comme chacun qu'à Bagdad, ville arabe et non perse, on ne fait pas de tapis persans, et surtout pas avec du poil de chèvre du Cachemire, mal adapté à un tel usage.

Enfin, quand il décrit un jeune commis qui « s'enfuit sans toucher les pieds du sol », il démontre évidemment sa maîtrise des images burlesques : le sol a bien une clé, pourquoi n’aurait-il pas aussi des pieds ?

Et ceux qui diraient qu’on confond là imagination et n’importe quoi ne seraient que de mauvais coucheurs.
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* Après la parution de ce post, le texte du « climat de la création » a été promptement modifié. Les citations d'origine figurent dans le post du 19 juin.

16 juin 2012

Chevilles processionnaires

« Le Voyage à Nantes et Estuaire répondent, dans l’esprit, à la même démarche, puisque ce sont tous les deux des parcours », dit Jean Blaise, à en croire Presse Océan d’hier. Avoir les chevilles enflées n’empêche pas de faire son bonhomme de chemin. Et pourquoi s’arrêter en si bonne voie ? À ce compte-là, on pourrait demain enrôler sous la bannière du Voyage à Nantes les chemins de croix, la procession de la Fête-Dieu, le Tro Breiz, le pèlerinage de Compostelle et le Tour de France.

15 juin 2012

Voyage vertical

Une fois là-haut, surtout avec un vent à décorner les bœufs, on ne tient pas trop à ce que la ville soit « renversée par l’art ». Mais la vue vaut toujours le détour, au moins pour un Nantais, capable de déchiffrer la ville vue d’en haut. La réouverture de la terrasse de la tour Bretagne sera à mettre au crédit de la municipalité Ayrault. Elle n’avait pu empêcher sa fermeture voici une quinzaine d’années : le bilan revient à l’équilibre.

Reste à savoir à quel prix, car vu les tarifs raisonnables pratiqués par Le Nid, l’estaminet d’en haut, ce n’est sans doute pas le touriste qui finance. On ne paie que le café, pas le lieu.

C’est justice, d’ailleurs, car même si l’idée de la cigogne étalée est amusante, le décor est minimaliste et les sièges en forme d’œufs inconfortables. Quant à la vue, une fois assis, elle se limite au ciel. On a le sentiment d’une occasion ratée, car il aurait suffi de rehausser le sol de trente centimètres pour que les consommateurs aient (un peu) vue sur la ville.

13 juin 2012

À quoi joue Jean Blaise ? (2) Panne d’imagination

Les « playgrounds » du Voyage à Nantes ne soutiennent pas la comparaison avec les jeux traditionnels. Et pas davantage avec les jeux potentiels. On a investi dans leur réalisation bien plus de subventions que d’imagination. On n’a qu’une besogne proprement faite là où il aurait fallu de la profusion, de la générosité, de l’abondance*.

Le Festival international des Jeux a attiré 150.000 visiteurs à Cannes au mois de février. Mais il présentait des centaines de jeux de société. Les « playgrounds » ne sont bien sûr qu'une petite partie de la manifestation nantaise. Et c'est bien là le problème : Le Voyage à Nantes pratique un saupoudrage qui ne s’adresse à personne en particulier. Qui donc viendra d'Amsterdam ou de Barcelone pour voir ça ?

Quelques jeux originaux, des fanions multicolores pour égayer le site, des animations ponctuelles, un spectacle de western, un stand de crêpes… : en plus grand et plus coûteux, Le Voyage à Nantes a réinventé la kermesse paroissiale !
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* Que n’a-t-on fait appel, par exemple, à l’illustre Jean-Bapt’ Supiot ? Dans la foulée de sa Partie de Q, il aurait sûrement inventé à la pelle des jeux bien nantais : Boules ayraultiques, Bolopoly, Lancer de Guin, Pinteball, Marellieu unique, Jossiquilles de Nantes, Palet d’Ovani, etc.

09 juin 2012

À quoi joue Jean Blaise ? (1) Ignorances ludiques

Outre le monticule d’escalade de la place Royale, Le Voyage à Nantes inclut des terrains de jeux finement intitulés Playgrounds, pour montrer qu’on sait ici parler anglais (tout en ignorant apparemment que « playgrounds » désigne les installations destinées aux enfants, genre bac à sable et toboggan : guère de quoi attirer des touristes urbains). Au programme, un « Arbre à basket » sur le site des Chantiers et un « Banaball » sur le toit de l’école d’architecture.

Il y a quelque chose d’un peu pitoyable dans ces inventions à la Gaston Lagaffe. Nos ancêtres avaient imaginé des dizaines de jeux de boules, de quilles, de palets, de bâton, de corde, etc. Certains d’entre eux restent réellement pratiqués. Leurs règles sont souvent complexes. Leurs noms ne sont pas moins poétiques que « Banaball » : Ar maen pouez (lancer de poids), Ar vazh yod (bâton à bouillie), An ahel karr (lever d’essieu de charrette), Sevel ar berchenn (lever de perche), Ar voutelenn plouz (lancer de gerbe), Redadeg ar miliner (relais des meuniers), Sach fun (tir à la corde), Bouloù Pok (boules de Guerlesquin), etc.

Un fossé vertigineux sépare ces jeux de ploucs et les chics « playgrounds » du Voyage à Nantes. L’imagination, l'énergie, la motivation, la poésie sont clairement du côté des premiers. Un coup d’œil au site web de la Falsab (Confédération des jeux et des sports traditionnels de Bretagne) permet de le constater. Pour se gargariser d'un « Banaball » avec le sentiment de faire œuvre de création culturelle, il faut vraiment avoir l’œil fixé sur son nombril.

08 juin 2012

La ligne rose (3) : appel au Petit Poucet

La ligne rose ne sillonne pas la ville depuis quinze jours que déjà des segments manquent. Le travail paraissait fait avec sérieux ; en certains endroits pourtant, rue de la Fosse en particulier, des bouts du ruban ont disparu. Est-ce dû au piétinement de nombreux badauds ? Au passage d’une balayeuse trop râpeuse ? À des vandales spécialement pugnaces ? On ne saurait le dire.

Il faudra bientôt un œil d’aigle pour repérer les vestiges de la ligne. S’ils n’ont pas un instinct de Petit Poucet, Nantes risque d’égarer ses touristes. Déjà qu’ils pourraient ne pas être très nombreux… Et les Canadiens de chanter, façon 1940 :
On ira pendr' notre linge sur la ligne Jean Blaise
Si on la trouve encore là.

07 juin 2012

Haut et Courcoult

L’an dernier, on invitait ici Royal de Luxe à pondre des scénarios moins gentillets pour ses spectacles. Mission accomplie au-delà de tout ce qu’on pouvait imaginer. On est même tenté de crier « Au fou ! » en découvrant l’affiche du futur spectacle de la troupe, Rue de la chute. Placardée en ville, elle représente un cheval pendu, déjà en voie de putréfaction.

L’idée du cheval pendu n’est pas originale. Il y a bien quinze ans que l’artiste italo-américain Maurizio Cattelan a fait fortune en vendant des cadavres de chevaux empaillés accrochés au plafond. Seulement, Cattelan n’est responsable que de lui-même et ses clients font ce qu’ils veulent de leur argent. Royal de Luxe, lui, est payé confortablement par la collectivité pour produire des spectacles destinés à tous les publics.

Que cherche donc M. Courcoult en montrant cette image glauque ? « On achève bien les pianos… » plaidera-t-il peut-être. Certes, la machine à détruire les pianos était déjà de mauvais goût. Sa dernière sortie a fait un flop, et c’est justice. Mais là, l’inspiration est franchement répugnante. On imagine que Royal de Luxe sortira une défense tirée par les cheveux, du genre « il s’agit en fait de dénoncer de tels gestes ». En attendant, on les affiche. L’étalage d'un acte sadique* envers un animal rappelle la presse de caniveau qui « dénonçait » autrefois la prostitution avec des décolletés plongeants et des bas résilles à la une.

Cette affiche est adoubée par divers logos, dont celui de l’Institut français, établissement public chargé de promouvoir la culture française à l’étranger, et celui de la ville de Nantes, dont le maire est aussi le Premier ministre de la France. Est-ce là ce que Jean-Marc Ayrault appelle culture ?
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* Peut-être la photo a-t-elle été prise depuis le camion d'un équarrisseur. Qu'importe, elle connote clairement la pendaison du meilleur ami de l'homme.