07 octobre 2018

Cinq nouvelles questions sur L’Arbre aux Hérons

La région des Pays de la Loire subventionne les collectivités locales. Elle a réservé 17 millions d’euros à Nantes Métropole. Chaque commune aura droit à quelque chose. Ce « ruissellement » de l’argent pris dans la poche des contribuables via les services de l’État puis ceux de la région pour aboutir aux communes est-il efficient ? Cela dépend sans doute de ce qu’il finance. Le plus gros morceau, 4 millions d’euros est destiné à L’Arbre aux Hérons.

Au conseil métropolitain du 5 octobre, Johanna Rolland a tenu à insister lourdement : ce choix a été approuvé par Christelle Morançais, présidente du conseil régional, pour qui L’Arbre est une priorité. Ce qui n’a pas empêché l’opposition métropolitaine d’exprimer une vague défiance. « Notre groupe ne conteste pas ce projet ni son intérêt mais son financement » a déclaré Rozenn Hamel au nom de la droite et du centre. Et de demander où en sont les études économiques sur L’Arbre aux Hérons, pour lesquelles le conseil métropolitain a voté en décembre 2017 un budget de 2,5 millions d’euros*.

La réponse de Fabrice Roussel, vice-président de Nantes Métropole, soulève plus de questions qu’elle n’en règle.

Première question : L’Arbre

Les études sont en cours, a assuré Fabrice Roussel, « nous aurons le modèle économique début 2019 ». Puisque ce modèle n’est pas encore validé, n’aurait-il pas été plus sage d’inviter la région à financer autre chose ? Si les études concluent finalement que L’Arbre aux Hérons n’est pas un bon projet, Nantes Métropole se sera bêtement privée de 4 millions d’euros de subventions régionales.

Deuxième question : La Machine

Il est bien possible, cependant, que Nantes Métropole ait déjà, des mois à l’avance, sa petite idée sur le résultat des études. « Depuis des années, nous avons des relations confiantes avec La Machine » a constaté Fabrice Roussel. Confiantes assurément, au point de lui avoir confié les études en question sans appel d’offre**. La Machine validera-t-elle les projets de La Machine ? Le suspense n’est pas vraiment insoutenable... Mais la confiance de la Métropole est-elle si bien placée ? Elle n’a pas empêché La Machine de créer La Halle aux Mécaniques de Toulouse, qui concurrencera directement Les Machines de l’île. Un bon contrat d’exclusivité vaut souvent mieux qu’une confiance aveugle !

Troisième question : l’argent public

Indépendamment des études, il faut trouver 12 millions d’argent public autre que celui de Nantes Métropole pour que L’Arbre aux Hérons se fasse. Voici donc 4 millions apportés par la Région. D’où viendront les 8 autres ? « Nous sommes en discussion avec le département et je ne doute pas que l’État sera au rendez-vous », a indiqué Fabrice Roussel. Est-il pas étrange que sur trois interlocuteurs publics, le plus empressé ait été une région de droite ? Le département socialiste et le gouvernement LREM se rallieront-ils au choix de celle-ci ?

Quatrième question : l’argent privé

Et puis il y a les financements privés. « Sur les engagements financiers des entreprises, nous en sommes aujourd’hui à près de 3,5 millions d’euros » a assuré Fabrice Roussel, sans citer un seul nom. Comme il faut une douzaine de millions, ce serait à peu près 30 % du chemin de fait depuis la création du Fonds de dotation de L’Arbre aux Hérons voici onze mois (à supposer que le fonctionnement du Fonds ne coûte rien, ce qui n’est pas le cas, évidemment). En décembre 2017, Nantes Métropole s’est donné deux ans pour disposer « des éléments techniques et financiers pour confirmer la réalisation de l’Arbre ». À ce train-là, on n’y arrivera pas. Comment la Métropole compte-t-elle accélérer le mouvement ?

Cinquième question : le fisc

« Nous avons encore quelques dispositions fiscales à régler », a admis Fabrice Roussel à propos des dons des entreprises. De quelles dispositions peut-il s’agir ? Probablement de celles qui permettent aux entreprises de déduire de leurs impôts 60 % du montant de leurs dons destinés à l’achat d’œuvres d’art. Hélas, la loi fiscale a défini ce qu’est une œuvre d’art (article 98 A de l’annexe 3 du code général des impôts). Sur la base de ce texte, la chambre régionale des comptes a expressément affirmé que les éléments du Carrousel des mondes marins « ne constituent pas des œuvres d’art ». On ne voit pas pourquoi ce qui s’applique au Carrousel ne s’appliquerait pas à L’Arbre. Sans réduction fiscale, les dons coûtent deux fois et demie plus cher aux entreprises : comment la Métropole compterait-elle alors les convaincre ?
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* En réalité, c’est dès le 10 février 2017 que Nantes Métropole a voté la réalisation d’études confiées à Nantes Métropole Aménagement. La décision de décembre 2017 a simplement « autorisé » qu’elles soient effectuées en fait par l’association La Machine.
** Argument invoqué : les règles habituelles des marchés publics ne s’appliquent pas aux œuvres d’art. En réalité, il s’agit d’une simple possibilité ouverte par l’article I-3-a du décret 20116-360 du 25 mars 2016. Les acheteurs publics peuvent parfaitement procéder à une mise en concurrence. 

2 commentaires:

  1. Vous dites : "La Halle aux Mécaniques de Toulouse, qui concurrencera directement Les Machines de l’île". On voit mal comment. Vous avez affirmé vous-même dans plusieurs post que l'écrasante majorité des visiteurs des Machines de l'Ile était composée de nantais et de ligériens. Vous pensez maintenant qu'ils vont emmener leurs gamins et leurs amis à Toulouse pour le Week-end ? Drôle de biais...

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  2. Grands dieux, mes chiffres seraient-ils aussi fantaisistes que ceux des Machines de l'île ? Je n'ai jamais écrit que "l'écrasante majorité" des visiteurs venaient de Nantes ou de la région. Une telle affirmation aurait pourtant été possible les premières années : en 2012, 50,5 % des visiteurs des Machines habitaient le département. Mais la répartition du visitorat évolue d'année en année, car beaucoup de régionaux sont déjà venus et ne reviennent pas tous les ans, tandis que les visiteurs étrangers s'accroît, comme à peu près partout en France.

    Jean-Marc Ayrault a voulu Les Machines pour faire de Nantes une destination touristique internationale et nationale avec une proposition unique. Unique, Les Machines ne peuvent plus prétendre l'être aujourd'hui. C'est en ce sens que La Halle aux Mécaniques les concurrence directement.

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