Le projet des Machines de l’île répondait à un objectif ambitieux. Nantes Métropole l’a exposé dans un dossier de presse du 18 juin 2004 : la communauté voulait lancer dans le cadre du projet Île de Nantes un projet touristique « qui puisse contribuer au renforcement de l’image de la métropole Nantes-Saint- Nazaire et au développement économique de l’agglomération ». Le projet retenu, ajoutait-elle, devait être « de grande qualité et capable d’attirer un public à la fois national et international ». Ces prémisses posées, la communauté sautait à une conclusion téléphonée : « De ce point de vue, Les Machines de l’île (…) répondent à cet objectif ». Répondant à l’appel, toutes les bonnes fées , y compris l’Union européenne, sont alors accourues au berceau du projet qualifié de « prioritaire et structurant au niveau régional ».
Pour signer avec les Machines de l’île, Nantes Métropole affirmait notamment que « ces grandes réalisations capitalisent le savoir-faire évènementiel de [leurs] deux concepteurs ». Dès l’origine, la communauté urbaine avait ainsi mis le doigt sans s'en apercevoir sur un facteur qui allait plomber les Machines : leurs concepteurs étaient des spécialistes de l’événementiel. Un événement, par définition, est ponctuel. Les animateurs des Machines savent fort bien monter des « coups » médiatiques, mobiliser la presse autour d’une manifestation, chauffer un public, mais tout cela doit rester exceptionnel, car la répétition engendre l’usure. La première sortie de l’éléphant, le 30 juin 2007, a été un énorme succès dont les retombées ont valu aux Machines une bonne fréquentation pendant tout l’été 2007. Puis cet effet s’est estompé, et les déclarations à forte teneur en superlatifs de M. Oréfice n’ont jamais pu relancer la machine. Les manifestations organisées au fil du temps – l’été indien, etc. – ont plus ou moins bien fonctionné mais en se répétant, elles prennent un air de réchauffé. En chargeant des saltimbanques, quel que soit leur talent, de créer une locomotive touristique destinée à défier le temps et l’espace, Nantes Métropole a commis une lourde erreur.
L’occasion gâchée est consternante quand on la regarde avec un peu de recul. Voici vingt ans, Bilbao, sixième ville espagnole, se trouvait dans une situation analogue à celle de Nantes à l’époque : la fermeture des chantiers navals plongeait la région dans la crise mais libérait de vastes terrains en pleine ville. Tandis que la nouvelle municipalité de Nantes élue en 1989 se lançait dans des réflexions qui allaient demander quinze ans (!) pour accoucher de l’éléphant, le gouvernement nationaliste basque agissait et réussissait dès 1991 à convaincre la Fondation Guggenheim d’installer son grand musée européen à Bilbao. L’effet d’entraînement a été colossal. En dix ans, la ville a été totalement redynamisée. La fréquentation touristique internationale a explosé. Le nombre de nuitées hôtelières a plus que doublé. Voit-on que les Machines aient l’amorce d’un tel effet à Nantes ? Au cours de l’été 2008, les étrangers n’ont pas représenté plus de 7 % de leurs visiteurs…
Le Guggenheim, l’éléphant : un cheval, une alouette ! Il est évident que le prestige international de Nantes exige davantage qu’une attraction pour chef-lieu de canton. Tôt ou tard, il faudra reconsidérer entièrement la vocation du site des Chantiers et lui trouver une vraie ambition.
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