Modestement logés au Radisson, les journalistes essaient la nouvelle Twingo 3 à Nantes. Six cents spécialistes de l’automobile vont défiler par groupes de quarante. On ignore ce que la ville a accordé au constructeur pour obtenir ce privilège. Face à d’autres candidates, au nombre desquelles, paraît-il, Bordeaux, Montpellier et Copenhague, elle a en tout cas déroulé le tapis rouge.
Superbe coup de com’ pour Nantes ? Pas si sûr ! Certes, on a pu voir la ville sous un beau jour dans un film déjà signalé ici. Mais cette élégante vidéo de Guillaume Lomprez est restée confidentielle. Et l’on se demande à présent si elle n’était pas un leurre à l’intention des journalistes et des Nantais.
En effet, la campagne télévisée en faveur du nouveau
modèle, autrement massive, vient de démarrer. Elle raconte une histoire
différente. Dans un film d’animation de deux minutes réalisé par Olivier
Kuntzel et Florence Deygas, on voit la Twingo se jouer adroitement d’une ville
plutôt hostile – une ville symbolisée par des immeubles massifs, de la pluie,
des grues et des éléphants habités… Il y a même un serpent géant qui finit
aplati : réminiscence de l’exposition Huang Yong Ping à la Hab Galerie ?
On se
demande donc si le choix d’une ville en proie aux embouteillages de la rentrée,
handicapée par le retard de certains chantiers (le pont de La Motte Rouge a
rouvert de justesse pour les Rendez-vous de l’Erdre avec une dizaine de jours de
retard), est vraiment un cadeau. Le message est clair : « en avance
sur la ville », la Twingo est adaptée aux pires conditions urbaines.
Cerise empoisonnée sur ce gâteau amer, le slogan choisi par Renault pour son nouveau modèle construit en Slovénie est « Go anywhere, go everywhere » -- allez n’importe où, allez partout. N'importe où ? Voilà un qualificatif peu aimable pour une ville qui s’est montrée si obligeante.
Ayant vu le film annonce de la twingo tourné dans notre ville et largement commenté dans PO, j'avoue que j'ai été comme vous, Sven, très surpris de découvrir la pub à la télé sous forme de film d'animation !...
RépondreSupprimerNous aurait-on menti ?
Ou est-ce une pub à double détente ?
Soyons patient...
Nantes y est tout de même l'écrin qui sert à valoriser les performances d'un pot de yaourt ; de plus, ces défauts sont à chaque fois l'envers de qualités (la ville est un chantier mouvant, elle est dynamique, trépidante...). On imagine difficilement une Twingo slalomant pour éviter des balles perdues, dans les quartiers nord de Marseille... trop peu diplomatique, trop salement connoté... Les adversaires urbains nantais sont d'aimables fictions récréatives. Un même capital de sympathie accompagne la voiture et la ville, une connivence. Une même irréalité, aussi. Si on a opté pour un dessin animé, c'est peut-être que la ville est décevante, dans sa réalité. Que l'harmonie urbaine est une fable qui ne saurait souffrir l'épreuve du réel, ici comme ailleurs. Et peut-être ici plus qu'ailleurs.
RépondreSupprimerLa campagne télévisée et la présentation à la presse jouent sur des registres différents pour décliner un même message : la Twingo est une automobile "en avance sur la ville" qui se joue des pires difficultés urbaines.
RépondreSupprimerJe plaisante, bien sûr, en disant que la publicité représente Nantes. Elle est entièrement vouée à mettre en valeur les qualités de la voiture, le reste n'est qu'un décor allégorique (d'où, comme vous le notez justement, le choix d'une animation et non d'un tournage dans une vraie ville). Dire que la ville évoquée est Nantes n'apporterait rien à un lancement mondial, car notre notoriété internationale est faible. C'est par hasard sans doute qu'une association avec Nantes est possible à travers les éléphants et le serpent.
La présentation à la presse, en revanche, exigeait évidemment un cadre physique. Renault a probablement choisi une ville plutôt sympathique mais présentant quelques difficultés, y compris climatiques (pas de chance : il fait beau), afin de démontrer le positionnement de la voiture, qui repose sur le contraste entre un positif, la voiture, et un négatif, la ville. On lira probablement dans la presse des commentaires du genre : "la Twingo se sort habilement des embouteillages nantais" ou "la Twingo se faufile dans Nantes entre les chantiers". Le choix de Nantes par Renault a un côté flatteur, mais le résultat médiatique risque de l'être beaucoup moins. Si la ville a facilité cette présentation, elle s'est tiré une balle dans le pied sur le plan touristique.
De toute façon, une ville qui s'enorgueillit d'être associée à l'image de la Twingo...
RépondreSupprimer...et plus généralement d'une automobile, au risque de brouiller l'image de ville cyclophile à laquelle elle aspirait tant.
RépondreSupprimerUne ville de "gauche" qui métamorphose son Palais de justice en Hôtel de luxe est faite pour s'entendre avec un constructeur "français" qui fait construire ses voitures en Slovénie. Le tournant libéral du PS est loin d'être une nouveauté. Le célèbre "There is no alternative" de Margaret Thatcher peut s'appliquer en politique économique comme en politique urbaine. Il n'y a pas d'alternative à la densification des villes (dont la congestion est l'une des conséquences), à la "métropolisation" qui achève de transformer les arrière-pays en désert, etc. La Twingo, c'est un peu le vélo du riche : la mairie pourrait bientôt les proposer à la location (en rand d'oignons, façon bicloo) devant les hôtels 4 étoiles. Après les avoir peint en vert, bien sûr...
RépondreSupprimer(il y a deux origines possibles à l'expression "en rang d'oignon" : au XVIe siècle, le baron d'Ognon avait pour habitude d'organiser des festins et de ranger ses invités en fonction de leur rang social. De là naît l'expression humoristique rangé en rang d'Ognon. Selon Antoine Le Roux de Lincy, l’étymologie la plus probable provient de «la manière dont les gens de la campagne assemblent les oignons avec des liens de paille, en plaçant les plus gros les premiers, et ensuite les autres»)
@Sven
RépondreSupprimerOuais, enfin, personne n'y a jamais vraiment cru à Nantes cyclophile depuis ? 1992 ? Même pas la municipalité, je pense.
@Anonyme
"ville de "gauche" qui métamorphose son Palais de justice en Hôtel de luxe"
Vous aussi, ça vous fait comme qui dirait mal au derrière chaque fois que vous passez devant ?
Sur la densification des villes, il n'y a de toute façon pas vraiment d'alternatives. Ou alors je n'en vois d'autre que la politique de l'enfant unique.
L'étalement en façon pavillonnaire autour des bourgs de campagnes n'est pas forcément joie et félicité dans la vie quotidienne.
Ce qui est triste c'est que Nantes était innovante avant que ça ne devienne un slogan. Avec son tram, bien sûr. Mais je ne serais pas surpris que les voies (ne les appelons pas pistes) cyclables aux chevrons verts ont été peintes avant que toutes les villes françaises prennent conscience du vélo.
Depuis, on semble à la traine par rapport à d'autres sur ces questions de déplacements urbains.
"On ignore ce que la ville a accordé au constructeur pour obtenir ce privilège [...] elle a en tout cas déroulé le tapis rouge." Pardon, mais de quoi parlez-vous ? Avez-vous le moindre élément pour étayer vos propos comme quoi Nantes aurait accordé quoi que ce soit à Renault ? Quel tapis rouge ?
RépondreSupprimerEh ! bien, si vous êtes un peu observateur, vous aurez remarqué sur mes photos des Twingo alignées le long du Radisson à un endroit où le stationnement est normalement interdit. Et tout un site d'essai intallé sur une partie du quai des Antilles privatisé au profit de Renault.
RépondreSupprimer...Eh bien, c'est sûr que ça a dû faire la différence avec Bordeaux, Montpellier et Copenhague, villes qui ne "privatisent" jamais l'espace public évidemment. Vous conviendrez cependant que c'est assez peu cher payé au regard des retombées économiques pour les hôteliers, les restaurateurs, les traiteurs et les entreprises d’événementiel nantais chargés par Renault d’accueillir ces 600 journalistes par groupe de 40 sur une période de trois semaines dans notre pauvre petite ville sinistrée.
RépondreSupprimerJe comprends votre souci des légitimes intérêts du Radisson. Les 600 journalistes invités vont améliorer le taux de remplissage de cet hôtel 4 étoiles et c'est tant mieux pour lui. Vous aurez sûrement remarqué que je n'ai pas critiqué l'équation économique de cette manifestation. Le problème est ailleurs. La publicité de Renault joue du contraste entre une voiture sympa et une ville pas sympa. La voiture, c'est la Twingo. La ville, c'est qui ?
RépondreSupprimerLe grand gagnant de cette merchandisaton de la ville, est :
RépondreSupprimerLe Radison Blu du groupe Carlson Rezidor Hôtel Group.
Devant l'explosion de l'offre hôtelière, il faut donner des moyens de remplir les chambres en transformant la ville en dortoir pour congressiste. Nantes n'est pas une destination, c'est un bout de ligne avant le littoral, comme Bordeaux mais sans les atouts du bordelais.
La "belle au bois dormant", selon l'expression favorite des communicants et journalistes, s'est réveillée pour offrir des lits. Dodo, maintenant.
Il n'y a pas que le Radisson qui en profite (d'ailleurs le Radisson emploie des nantais et Renault n'allait quand même pas les envoyer dans un Formule 1, même pour la blague), mais beaucoup d'employés de plusieurs entreprises nantaises (transport, restaurants, traiteurs,évènementiel, etc.). Mais si "le problème est ailleurs", pensez-vous sérieusement que cette pub Twingo en dessin-animé va faire fuir de Nantes les potentiels touristes et voyageurs qui comptaient s'y rendre ? Sérieusement ?
RépondreSupprimerNon bien sûr, personne ne fera vraiment un rapprochement entre Nantes et le dessin animé. Si vous avez lu mon commentaire d'avant-hier à 7h49, vous aurez vu que je songeais en fait aux retombées de presse.
RépondreSupprimerQue cette manifestation ait été organisée à Nantes est probablement une bonne chose, c'est juste qu'il ne faudrait pas trop s'en gargariser. De même que se glorifier d'avoir un grand Ikea ne doit pas faire oublier qu'Atlas y laisse sa peau.