10 décembre 2016

L’Arbre aux hérons, les Machines de l’île et le maquis des chiffres

Dès qu’il est question des Machines de l’île, on dirait que les mathématiques se détraquent. Comme on l’a vu hier, le financement de l’Arbre aux hérons prévu par Nantes Métropole et repris par Presse Océan confond allègrement fonds publics et fonds privés. Mais les références aux Machines existantes font aussi dans le bizarre.

Que lit-on ? Que les Machines de l’île « fonctionnent aujourd’hui avec un budget annuel de 7,5 millions d’euros, dont une subvention métropolitaine d’un million d’euros (86,6 % d’autofinancement) ». Or la subvention reçue par les Machines de l’île l’an dernier est en réalité de 1,28 million : 28 % d’erreur, qui dit mieux ? Corrélativement, cela voudrait dire aussi que leur exploitation ne s’autofinance en réalité qu’à 82,9 %*.

Et si l’on restait sur les chiffres indiqués, d’où viendraient les 6,5 millions hors subvention ? Pas seulement des ventes de billets : il aurait fallu que chacun des 613.496 billets écoulés l’an dernier ait été vendu 10,60 euros. Or ils valent 8,50 euros au tarif normal, sans parler des différentes réductions possibles. C’est-à-dire que l’exploitation des Machines de l’île est aussi financée par d’autres choses. En particulier par leur bistro : en voilà du culturel !

Mais si Nantes Métropole confiait à un exploitant privé ce café construit à ses frais sur un emplacement privilégié qui lui appartient, elle en tirerait un loyer coquet. Ce serait autant d’impôts en moins à demander aux contribuables. En l’attribuant gratuitement aux Machines de l’île, elle leur accorde une grosse subvention implicite qui s’ajoute à la subvention officielle. Il y en a d’autres, en particulier les campagnes de publicité réalisées par les supports de communication municipaux et par Nantes Tourisme. L’aide consentie aux Machines de l’île est donc bien supérieure au million allégué.

Si l'on compare ce qui est comparable, il y a de quoi frémir

Et attendez encore ! D’où sort ce « budget annuel de 7,5 millions d’euros », au fond ? Le rapport officiel 2015 de Nantes Métropole indique précisément : « Le budget total de 6,7 M€ HT (comme en 2014) présente un taux d’autofinancement de 85 % (79% en 2014) ». Entre les 6,7 millions officiellement comptabilisés et les 7,5 millions aujourd’hui allégués, il y a quand même 800.000 euros de différence (+ 11,9 %). Bien entendu, les montants varient selon qu’on les considère HT ou TTC. Nantes Métropole se plaît à jouer de la TVA comme ça l’arrange, un coup tu la vois, un coup tu la vois pas.

Pour couronner le tout, Nantes Métropole montre une mémoire sélective. Elle compare le coût prévu de l’Arbre aux hérons au coût constaté des Machines de l’île existantes. Mais que se passe-t-il si l’on compare le coût prévu de l’Arbre au coût prévu des Machines ? Quatre mois avant leur entrée en service, le Grand éléphant et la Galerie devaient coûter 4,8 millions d’euros. Résultat des courses : 5,2 millions d’euros (+ 8,3 %). Lors de la présentation du projet, le Carrousel devait coûter 6,4 millions d’euros. Facture finale : 10 millions d’euros (+ 56,25 %). Avec les mêmes taux de dérapage, le surcoût de l’Arbre aux hérons se situerait entre + 2,9 millions et… + 19,7 millions d’euros !

Ce ne sont que des chiffres, il est vrai. Ils ne changent rien à ce qui a été ou sera dépensé effectivement. Mais ils montrent avec quelle légèreté Nantes Métropole aborde ce dossier à 35 millions d’euros.
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* Petite mise en perspective historique : le budget 2008 des Machines de l’île ne s’élevait qu’à 2,2 millions d’euros, mais il était autofinancé à 92 % (Nantes Passion n° 186, été 2008). Plus les Machines tournent, plus leur déficit se creuse !

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