25 avril 2009

Un éléphant, ça révise énormément

"Comme l’année dernière une révision générale du Grand Eléphant est prévue avant la grande affluence de la belle saison", annoncent les Machines de l'île. Sauf que la révision de l'an dernier n'était pas prévue et tombait même très mal, en plein mois de juin, alors que "l'affluence de la belle saison" avait commencé (et que l'éléphant avait en principe été révisé pendant ses vacances d'hiver, ce qui paraît on ne peut plus logique). Alors, la révision 2009, est-ce "comme l'année dernière" avec deux mois d'avance ?

Les Machines distribuent largement un calendrier très précis de leurs dates d'ouverture en 2009, et même au-delà. On y voit par exemple qu'elles seront en vacances du 4 janvier au 12 février 2010. Mais aux dates de la révision "prévue", les 27, 28, 29 et 30 avril, ce calendrier officiel indique que les Machines seront fermées comme les autres lundis le 27 et ouvertes normalement les 28, 29 et 30. Ah ! les grandes coquines, qui veillent à prévenir le public des mois à l'avance dans le cas des vacances... et au tout dernier moment dans le cas de la révision !

D'autant plus que, décidément facétieuses, elles avaient tout fait pour brouiller les pistes. Depuis quelques semaines, elles font la promotion du Printemps des Nefs, qui se déroule du 7 avril au 15 mai. Qui aurait pu croire qu'elles placeraient une révision prévue depuis longtemps puisque "comme l'année dernière"... au beau milieu de cette manifestation destinée à stimuler leur fréquentation ? Si l'éléphant se tire ainsi une balle dans la patte, on comprend qu'il ait besoin d'une révision, n'est-ce pas ?

21 mars 2009

Un éléphant ne fait pas le printemps

Ciel immaculé et soleil éclatant en ce 20 mars au-dessus de l'île de Nantes. Sur le petit coup de 17 h 30, l'éléphant embouque la grande allée des Nefs et pique un sprint à 1,242 km/h jusqu'au débarcadère. Un technicien au sol guide la manoeuvre, l'agent d'accompagnement met en place la coupée, le cornac dégringole de sa cabine après d'ultimes vérifications. L'un après l'autre sortent du ventre de la bête... sept adultes et deux enfants. Chiffre d'affaires de ce voyage : au maximum 55 euros et 50 centimes, à supposer que les deux enfants aient plus de quatre ans et qu'aucun des adultes ne soit étudiant, demandeur d'emploi ou handicapé. Car, au fait, oui, l'éléphant a discrètement augmenté ses tarifs, et pas qu'un peu : la balade est passée de 6,00 euros à 6,50 euros (+ 8,33 %), et de 4,50 euros à 5,00 euros (+ 11,11 %) pour le tarif dit "réduit". Que ce soit avec les impôts locaux, les tarifs de la Tan ou ceux des Machines, les économistes qui craignaient une déflation peuvent être rassurés. Mais si le premier jour du printemps, par un temps superbe, en fin d'après-midi, l'éléphant ne réussit pas à attirer plus d'amateurs, la crise est devant lui. Il y va lentement, mais sûrement.

27 février 2009

Auxiette perd la boule avant de perdre son siège

Jacques Auxiette, on le sait, est une vivante illustration du principe de Peter ("Tout salarié tend à s'élever jusqu'à son niveau d'incompétence") appliqué à la politique. En accédant à la présidence de la région des Pays de la Loire, il a d'un coup crevé le plafond. Si la région disparaît, c'est fini pour lui. On peut donc comprendre le réflexe de bête aux abois qui lui a fait déclarer sur France 3 que la réunification de la Bretagne serait "une forme d'annexion des temps modernes, une forme de colonisation". Du pétage de plomb dans sa forme la plus pure ! Le personnage n'était déjà pas sympathique, le voilà en plus grotesque. Rien que pour s'en débarrasser, les Pays de la Loire méritent d'être supprimés !

21 février 2009

Un château propagandiste. 2) Nous sommes tous des Haïtiens

La salle 18 du château est pour partie consacrée à "la révolution haïtienne", intitulé de l'un de ses trois totems. La révolution haïtienne ? Ne sommes-nous pas dans le musée d'histoire de Nantes ? Si, mais rien de ce qui est humain ne nous est étranger... "En août 1791, le soulèvement des esclaves dans les plantations de Cap-Français à Saint-Domingue et l’insurrection menée dans toute l’île par Toussaint Louverture portent un premier coup rude au commerce nantais" lit-on dans le grimoire de la salle. Ah ! le fameux Louverture, brave entre les braves. Quoique... dans l'une des vitrines de la même salle, sous un portrait du susdit, on apprend qu'il est resté passif pendant l'insurrection de 1791. La vitrine ou le grimoire, qui croire ? C'est la parole du château contre la parole du musée, ou vice versa (en fait, c'est le grimoire qui ment : Louverture n'a pas mené l'insurrection en 1791, il ne fait irruption dans l'histoire qu'en 1794, après s'être engagé contre la France dans l'armée espagnole où on lui a donné le grade de général*).

Rendu méfiant, on lit avec circonspection sur un panneau de la même salle : "les généraux noirs, dont Toussaint Louverture, opposés un temps à la France, se rallient à la République à la lecture du décret d’abolition de l’esclavage voté le 18 pluviôse an II (4 février 1794)". On peut excuser le château d'avoir un peu simplifié, car l'histoire de cette période est claire comme un combat de Haïtiens dans un tunnel : localement, l'esclavage avait été aboli des mois plus tôt par décret des commissaires Sonthonax et Polverel. Lesquels avaient le soutien d'André Rigaud, qui tenait le Sud de Haïti. Tiens, pourquoi n'en est-il pas question, de celui-là ? Ferait-il partie de ces "généraux noirs" mentionnés en bloc ? Pas du tout, c'était un général mulâtre, c'est-à-dire métis, ce qui faisait une grosse différence à l'époque. Rigaud était fâché avec Louverture au point que l'affaire s'est finie sur un nettoyage ethnique : les sang-mêlé survivants ont été expulsés de l'île en 1800. Cela fait un peu tache sur la légende glorieuse de Louverture, on comprend que le château ait préféré l'ignorer. Par souci de simplification, bien sûr.

* Oui, général. On avait le galon facile en ce temps-là. Quand Jean-Jacques Dessalines a proclamé l'indépendance de Haïti, le 1er janvier 1804, il s'est auto-désigné empereur sous le nom de Jacques Ier.

15 février 2009

Un château propagandiste. 1) Nantes et la Bretagne

Le musée d’histoire de Nantes installé dans le château des ducs de Bretagne est une réalisation phare de la municipalité Ayrault. De la belle ouvrage : si le château a été largement reconstruit, l’histoire l’a été aussi. La présentation du musée a été déterminée par une savante commission nommée par la municipalité : on peut être certain qu’elle a été soigneusement soupesée ! Sera-t-on surpris de découvrir qu’elle est loin d’être neutre ? Première visite : Nantes et la Bretagne.

Un certain establishment paysdelaloiron affirme volontiers que les rapports de Nantes avec la Bretagne sont « complexes ». Cette affirmation ne sert qu’à brouiller les pistes, car pour la grande majorité des Nantais, si l’histoire de la Bretagne est complexe en effet, le fait que Nantes soit en Bretagne est d’une simplicité limpide. « Nantes en Bretagne », est-ce un thème de débat ? Pas pour ceux qui répondent « oui » ! Le débat est créé de toutes pièces par le camp d’en face, celui qui, par intérêt, pour se ranger du côté du manche ou par haine du passé et des identités populaires, voudrait qu’il y ait doute. Le musée donne à voir une version subtile de cette démarche de fausse impartialité. D’abord, son organisation permet de saucissonner l’essence de Nantes, comme si la ville d’hier n’était pas celle d’aujourd’hui, qui n'est pas celle de demain : du passé faisons table rase, morceau par morceau à défaut de Grand Soir. La salle n° 2 fait de Nantes « la cité des ducs de Bretagne », mais dès la salle n° 3 c’est « une ville du royaume de France », puis ce sera « une capitale négrière » (deux salles : le double de la « cité des ducs » !), « la ville des négociants », « la métropole d’aujourd’hui », etc.

Dès la salle n° 1, le grimoire qui accueille les visiteurs assure qu’au 13e siècle Nantes « se veut la deuxième capitale de la Bretagne », la première étant Rennes bien sûr. Le rôle de Nantes est clairement minoré : si elle « se veut » capitale, c’est sans doute qu’on ne lui a rien demandé… Or cette affirmation est plus que fausse : elle est absurde. Au 13e siècle, la notion moderne de capitale n’existe pas. Le pouvoir est là où se trouve le souverain… qui a plusieurs résidences et se déplace souvent. L’idée d’une capitale administrative de la Bretagne n’apparaît qu’au 14e siècle avec Jean IV et c’est… Vannes. Jean Ier, duc de 1221 à 1286, puis Jean II, duc de 1286 à 1305, résident à Nantes, Rennes, Vannes, Suscinio, Ploërmel, etc ; le premier est enterré à Nantes, le second à Ploërmel. Les États de Bretagne se réunissent à Dinan, Guérande, Nantes, Ploërmel, Rennes, Vannes, Vitré, etc.

Le plus étrange est que l’historien Alain Croix, membre éminent de la commission historique du château et fortement soupçonné d’être l’un des artisans de sa « débretonnisation », a lui-même souligné que la notion de capitale n'était pas pertinente au 13e siècle, et ce dans un article de la revue Place publique (n° 11), largement subventionnée par la municipalité nantaise ! Peut-être pour défendre sa réputation d’historien, mise à mal par les approximations abusives du musée d’histoire de Nantes ?

Deuxième cas où l’intention propagandiste est subtile mais claire : dans la salle n° 10, la légende d’une carte des « marches de Bretagne » précise : « Cette carte de Bretagne datée de 1784 n’indique pas de limite précise au sud avec le Poitou, ni à l’est, avec l’Anjou ». Le visiteur pressé en infère que la Loire-Atlantique est une zone indécise, qui ne se distingue pas des terres poitevines ou angevines. Mais le visiteur observateur note que cette même carte ne matérialise pas non plus de limite avec la Normandie et le Maine ! Le château tente tout simplement de donner à cette carte une signification qu’elle n’a pas.

Le thème biaisé du « découpage de la Bretagne par le gouvernement de Vichy » est volontiers agité par certains milieux bretons ; le château a sauté sur l'occasion pour laisser entendre que l'amputation de la Bretagne est actée depuis longtemps (mais, comme il ménage la chèvre et le chou, il évite de rappeler qu'elle date en fait de la révolution ; on peut cracher sur Pétain, pas sur Robespierre...). Une autre carte de la salle n°10 est intitulée « La Loire-Inférieure, un département des Pays de la Loire depuis 1941 ». Sous ce titre, un commentaire insiste : « le gouvernement de Vichy rattache la Loire-Inférieure à la nouvelle région des Pays de la Loire ». C’est d’autant plus étonnant que la carte montre en fait… un découpage administratif adopté à la libération par décret du 9 juin 1944 ! Le château omet aussi de rappeler que le rôle des régions était très différent en 1941 et en 1956, que la région créée par Vichy en 1941 ne s’appelait pas « Pays de la Loire » mais « région d’Angers » (de même qu’il n’y avait pas de « région Bretagne » mais une « région de Rennes »), et, cerise sur le gâteau, que sa composition n’était pas celle des actuels Pays de la Loire (elle comprenait l’Indre-et-Loire et pas la Vendée)...

Le visiteur qui quitte la salle n°10 conscient de la politique anti-bretonne de Vichy ne peut qu’être surpris de lire dans le grimoire de la salle n°27 : « En Loire inférieure, plusieurs groupes sont favorables à l’idéologie de Vichy comme le groupe Collaboration (900 adhérents en 1943), le Parti National Breton ». Le plus étonnant est que figure juste à côté un tract du PNB où l’on peut lire : « Soyons Bretons ! Rien de plus » ! On sait que dès août 1940, les préfets des départements bretons ont multiplié les mesures contre les militants du PNB, dont le président, Raymond Delaporte, écrivait en 1941 : « Ce que Vichy nous a offert jusqu'ici, c'était une soumission complète à ses volontés , à ses caprices... Ce que nous voulons nous c'est que le peuple breton collabore avec tous les autres peuples de l'Europe à une reconstruction économique, sociale, spirituelle et diplomatique du continent. »

Bref, ce que dit le château n’est pas seulement biaisé : dans certains cas, c’est du n’importe quoi !

27 janvier 2009

Le commissariat a mangé le mauvais parking

D’aucuns ont qualifié de « stalinienne » l’architecture du nouveau commissariat central de Nantes. C’est injuste pour l’architecture stalinienne, dont le côté solennel et spectaculaire était destiné à montrer que la dictature du prolétariat avait remplacé celle des tsars. Le nouveau commissariat est seulement raide, terne et quelconque – davantage policier en civil que tenue de cérémonie. Quelle mouche a donc piqué les édiles nantais ? Pourquoi avoir consacré un emplacement aussi privilégié, avec une vue dominante sur l’Erdre, à un immeuble aussi insignifiant ? Sans doute fallait-il un nouveau commissariat. L’ancien était vétuste et inconfortable (ce qui pouvait avoir un avantage si cela incitait les policiers à aller sur le terrain plutôt qu’à rester au bureau). Mais pourquoi l’avoir construit sur la place Waldeck-Rousseau ? C’est un gaspillage d’espace public, la dilapidation d’une belle vue sur Erdre – car bien entendu, pendant les 30 ou 35 heures par semaine qu’il passe au bureau, le personnel du commissariat a autre chose à faire que de profiter de la vue.

La ville de Nantes n’est pas seule à avoir fait ce choix lamentable, d’ailleurs. Un peu en aval, le département construit lui aussi un vaste immeuble de bureau sur l’un des sites les plus enviables de Nantes. Comme si le bâtiment de la trésorerie générale, quai de Versailles, n’avait pas suffisamment démontré le caractère stérilisant des bureaux administratifs : sauf à l’heure du pique-nique sur les quais de l’Erdre, soit quelques heures par semaine en période de beau temps, ce gros bloc lugubre fige un site qui aurait dû être l’un des plus chaleureux, l’un des plus animés de Nantes. Le département est un indécrottable récidiviste. Du jour où il lui a fallu bâtir des locaux distincts de ceux de la préfecture, il est parti sur la mauvaise voie. Il était à droite à l’époque – mais il est vrai que la droite d’alors avait abdiqué son destin entre les mains d’un apparatchik suprême, un hyperactif caractériel et dictatorial qu’il ne faisait pas bon contrarier. Presque tous tremblaient devant ses oukases, et les autres avaient tort, car le principal talent du personnage résidait dans sa capacité de nuisance, qu’il utilisait semble-t-il avec plus de délectation contre son propre camp que contre celui d’en face. Il a construit des bureaux et détruit la droite locale pour au moins une génération : elle ne s’en est pas encore relevée.

Pour en revenir au nouveau commissariat, rappelons que le nouveau bâtiment n’a pas été reconstruit sur l’ancien. Son emplacement a été entièrement pris sur la place Waldeck-Rousseau, précédemment occupée par un parking. La mairie de Nantes adore supprimer des stationnements. Pourtant, si vraiment on tenait à construire le commissariat sur un parking, on disposait à proximité immédiate d’un espace encore plus vaste : l’immense parking du centre Cambronne, jadis ouvert au public, puis réservé aux fonctionnaires, d’abord sous prétexte de plan Vigipirate et ensuite par simple fait du prince. Ce parking de plus d'un hectare est notoirement sous-utilisé puisqu’il ne sert que quelques heures par jour, cinq jours par semaine – alors que celui de la place Waldeck-Rousseau était occupé à près de 100 % en permanence. Surtout, c’est un pousse-au-crime écologique : il incite les fonctionnaires des impôts à aller au travail en voiture au lieu de prendre le tramway tout proche. À une époque où la municipalité nantaise ne parle que de densifier l’espace urbain, ce parking-là n’a vraiment aucune raison d’être. On se demande bien pourquoi elle l’aurait sanctuarisé…

04 janvier 2009

Estuaire 2007/2009 : zéro plus deux ?

On n’échappera pas à Estuaire 2009. Peut-on en espérer autant de rigolade qu’avec Estuaire 2007, son canard crevé et sa maison coulée ? Sans doute pas. Jean Blaise, qui aura 60 ans en 2011 et ne veut sûrement pas partir en retraite sur un échec, sait que la troisième biennale ne pourra décemment avoir lieu que si la deuxième n’est pas un nouveau naufrage.

Mais il ne suffira pas que les œuvres tiennent l'eau. Les chiffres d’Estuaire 2009 seront aussi surveillés de près. Les organisateurs ont compté un total de 764 125 visiteurs en 2007. Un succès, disent-ils, puisqu’ils avaient annoncé un objectif de 500 000. Ce qui était vraiment modeste : avec un budget de 7,3 millions d’euros, chaque visiteur aurait coûté 14,60 euros. Comme quoi, Estuaire, c’est vraiment somptuaire !

Cependant, si l'on y regarde de plus près, ce bilan se dégonfle comme le canard jaune. Les 764 125 visiteurs allégués contiennent beaucoup de doubles comptages et de récupération. On y trouve par exemple 150 000 promeneurs sur le quai des Antilles, qui y seraient venus de toute façon, dont 61 814 sont comptés une seconde fois comme visiteurs de l’exposition Rouge Baiser. Autre exemple : pour le Musée des Beaux-arts, il n’aurait fallu compter comme visiteurs de l’exposition Anish Kapoor que le supplément de visiteurs par rapport à une période normale, sachant que le Musée accueille, bon an mal an, 100 000 personnes par an, soit plus de 8 300 par mois en moyenne... Or, pendant ces quatre mois, le musée a reçu 31 115 visiteurs, soit moins de 7 800 par mois en moyenne… Pas sûr, finalement, qu’Estuaire ait attiré ne serait-ce que 500 000 vrais visiteurs. Et franchement, qui aurait été prêt à payer 14,60 euros pour visiter la chambre de la place Royale, ou d’ailleurs n’importe laquelle des attractions de la Biennale ?

Et il n’y a pas que le quantitatif ! Bien sûr, la déclaration d’amour du président de la région à Estuaire 2007 tenait du pavé de l’ours, mais on ne résiste pas au plaisir de reproduire cette prose adipeuse :

« L’impératif républicain d’un peuple éclairé qui puisse accéder en toute égalité aux œuvres de l’esprit est l’objectif poursuivi par les partenaires de cette opération de rayonnement international. » (http://www.estuaire.info/html/edito_paysdelaloire.html)

Comme souvent, M. Auxiette n’avait pas très bien compris le film. En fait de rayonnement international, Estuaire a obtenu quelques retombées de presse dans des journaux étrangers mais n’a pratiquement pas attiré de visiteurs étrangers.

Les non-régionaux n'étaient que quelques centaines parmi les 45 000 participants à la croisière sur la Loire. Parmi eux, les étrangers n’étaient qu’une poignée. Tout professionnel du tourisme le sait : Estuaire n'a attiré aucune fréquentation touristique particulière à Nantes. Les touristes étrangers ont d'ailleurs été 14 % plus nombreux à Nantes en 2008, année sans Estuaire.

L’attrait international d’Estuaire est minuscule. On en a la confirmation avec le très intéressant outil qu’est Google Trends. Il révèle un bref pic des recherches effectuées avec Google sur l'expression « Estuaire 2007 » en juin 2007, suivi d’une chute très rapide. Ces recherches provenaient exclusivement de France – et presque exclusivement de Nantes. Avant la fin de l’été, elles étaient devenues trop peu nombreuses pour figurer dans les statistiques de Google (au 4 janvier 2009, c’est aussi le cas des recherches sur « Estuaire 2009 »).

Ce manque d’impact n’est pas étonnant. En réalité, hormis Anish Kapoor*, les artistes exposés étaient loin d’avoir la notoriété internationale annoncée. Là encore, Google Trends est un révélateur impitoyable. Les recherches sur Daniel Buren viennent dans leur immense majorité de France ; curieusement, elles ont été nulles pendant la durée d’Estuaire 2007 ! Les recherches sur Erwin Wurm viennent essentiellement d’Autriche, un peu de Suisse, d’Allemagne et de… Nantes, qui fait de grands efforts pour donner de la visibilité à cet artiste anecdotique ! Tadashi Kawamata, Kinya Maruyama, Tatzu Nishi ou Yan Pei-Ming n’apparaissent même pas sur les graphiques de Google Trends.

M. Blaise est sûrement conscient de ces faiblesses. Saura-t-il mieux utiliser en 2009 le copieux budget confié par les collectivités locales ?


* À propos d’Anish Kapoor, on peut se demander s’il n’a pas préféré réserver au Centre Pompidou, référence d'un autre calibre sans doute, l’œuvre initialement promise à Nantes. « L’œuvre montrée au Musée ne sera pas sans rappeler La Mer de glace, sublime paysage de neige du peintre romantique allemand Caspar David Friedrich », annonçait pompeusement la convention de mécénat (30 000 €) signée entre la ville de Nantes et Gaz de France (http://www.nantes.fr/Sgid/DataSgid/themes/conmun/CM02022007/CM02022007-24-convention%20.pdf). Qui aurait pu voir dans l’installation d’Anish Kapoor au musée des Beaux-arts de Nantes la moindre parenté avec l’œuvre de Friedrich ? En revanche, les deux artistes voisinaient dans l’exposition « Traces du sacré » organisée en 2008 au Centre Pompidou.

24 décembre 2008

Pourquoi l'éléphant est fondu

Tout était parfaitement organisé : il y avait de la glace*, une tronçonneuse et des sculpteurs, et même quelques spectateurs. Sauf qu'il y avait aussi pas mal de degrés en trop : à Nantes, il arrive qu'il ne gèle pas à pierre fendre aux premiers jours de l'hiver. Nous sommes en climat océanique, quelle surprise ! Résultat : le premier des éléphanteaux de Noël aux Nefs était mort-né. L'éléphante a perdu les eaux avant terme. Cependant, tous les espoirs restent permis pour le 3e et dernier éléphanteau, il pourrait être sauvé par les masses d'air venues de Sibérie qu'annonce la météo.
* Quoique... une tonne, ça impressionne sur le papier, mais au milieu des Nefs, c'est plutôt riquiqui.

16 décembre 2008

Cette obscure clarté

« Il y aura une ambiance incroyable » annonce M. Orefice dans Presse Océan de ce matin à propos de Noël aux nefs. On y prié d’y croire puisque l’animation ne commence que le 23 décembre. Seuls les incroyants attendront d’avoir vu pour croire à cet incroyable. Un acte de foi est d’autant plus indispensable qu’on parviendra à l’incroyable avec des bouts de chandelle, littéralement. « On a prévu de baliser le parcours avec 500 boîtes de conserve contenant une bougie », dit encore M. Orefice. Cinq cents bougies pour obtenir l’incroyable, ça n’est plus des bougies, c’est des cierges miraculeux.

Hélas, le patron des Machines précise aussi : « Ce sont des lampes réalisées au Maroc. » Tiens, n’a-t-on vraiment pas pu trouver à Nantes des travailleurs assez qualifiés pour placer des bougies dans des boîtes de conserve ? Sans doute la main-d’œuvre est-elle moins chère au Maghreb, mais sur un contrat aussi colossal que 500 bougies dans 500 boîtes de conserve, n’est-ce pas une économie… de bouts de chandelle ? Qui au surplus risque d’être largement absorbée par les frais de transport ? Et puis, les bougies, c’est écolo, c’est bien, mais le kérosène consommé pour les amener en France l’est moins. Qu’y aura-t-il de plus incroyable, l’ambiance ou le gaspillage ?

De l'incroyable, on saute pourtant au réel sans transition : l’éclairage aux bougies « fait réellement penser aux abysses » assure encore M. Orefice, qu’on ne savait pas si familier des grandes profondeurs. À moins qu’il n’ait visité la remarquable exposition Abysses organisée jusqu’en mai dernier par le Muséum d’histoire naturelle de Paris, qui jouait fort bien elle aussi de l'obscurité et des lumières bleutées. Cette exposition avait été subventionnée par le groupe Total. On espère qu’il a aussi participé au financement des bougies en conserve. Peut-être en fournissant le kérosène, justement ?

08 décembre 2008

Quand il entend le mot culture, il sort son réverbère

Décidément, les communicants de la municipalité nantaise n’ont pas beaucoup de chance avec Le Monde. Fin octobre, l’air de pas y toucher, le quotidien de l’establishment avait commenté l’urbanisme de l’île de Nantes avec force moqueries distinguées. À présent, c’est M. Blaise qui a droit à un article à double lecture (Le Monde du 3 décembre), louangeur par devant, légèrement sarcastique par derrière.

Déjà, le titre « Jean Blaise, l’allumeur de la vie culturelle nantaise » suscite une douce hilarité. Par devant, l'allusion aux Allumées est transparente. Par derrière, on songe inévitablement à l’allumeur de réverbères du Petit Prince. Sans cesse, il allume et il éteint parce que c’est la culture, bonjour. La culture, bonsoir. En tout cas, il n’y a rien à comprendre, la culture, c’est la culture. (D’accord, Saint-Exupéry écrit « consigne » et non « culture », mais la transposition s’impose d’elle-même. Ou peut-être que c’est là qu’on signe, bonsoir.)

L’incipit de l’article n’est pas mal non plus dans le genre sous-entendu malicieux : « L’histoire commence comme une débâcle ». Sans nul doute, l’auteur de l’article sait pertinemment qu’une débâcle désigne le chaos d’une rivière qui se dégèle, et qu’à Nantes, quand on accole le nom Blaise au mot débâcle, c'est qu'on parle d'Estuaire 2007. Mais non, non, non, qu’allez-vous chercher là, Le Monde évoque en réalité un projet avorté en 1982 à cause de l’échec de la gauche aux municipales. Avec une petite dénonciation au passage : « Le soir des élections, raconte Jean Blaise, on est entrés en résistance ». Ainsi, le responsable culturel n’était pas un démocrate respectueux du choix du peuple et du contrat passé avec la collectivité mais un militant politique intolérant ? Officiel, c'est Le Monde qui l'a dit !

M. Blaise, explique Le Monde, trouve alors refuge à Saint-Herblain auprès de M. Ayrault. Et en 1989, quand celui-ci est élu à Nantes, « il emmène Jean Blaise dans ses bagages ». Le grand homme ravalé au rang de nécessaire de culture, voilà qui a dû faire rire jaune du côté du Lieu Unique !

Le Lieu Unique, justement : Le Monde n'allait pas louper ça. Un coup de maître, écrit-il : « À deux pas de la gare et en plein centre-ville, on y trouve un restaurant, un bar, une librairie, une crèche et même un hammam ». Un bar en centre-ville, admirable ! Assurément, si M. Blaise avait ouvert une supérette ou un sex-shop, ce n’était plus simplement un coup de maître, c'était un coup de génie !

Non, les efforts de relations publiques de la mairie de Nantes en direction du Monde ne sont pas un bon investissement...