Il y a quelques mois, on s'en souvient, Le Monde s'était discrètement moqué de l'île de Nantes. Les Échos, toujours soucieux de positiver (et peut-être de se faire pardonner leur statut de journal lu par les patrons) sont manifestement venus à Nantes avec l'intention de dire du bien. Mais à l'impossible nul n'est tenu. Dans leur numéro du 4 juin, qui consacre à la ville une page entière signée Emmanuel Guimard, l'île de Nantes occupe guère plus de 10 % du terrain. L'article qui lui est consacré montre beaucoup moins de zèle dans la louange que le reste du dossier.
Et cela dès son titre : "L'île de Nantes en quête d'un rayonnement international". "En quête", c'est-à-dire que non seulement le but reste à atteindre mais que la voie pour y parvenir n'est pas encore trouvée. Ce n'est pas bon signe pour un territoire déjà disponible lorsque Jean-Marc Ayrault est arrivé à la mairie, voici vingt ans, en 1989, dont le plan d'ensemble a été adopté en 2000 et qui fêtera dans quelques jours le deuxième anniversaire de l'ouverture des Nefs, déjà censées lui apporter cette aura planétaire aujourd'hui remise à plus tard. Comme ce coiffeur chez qui "demain on rasera gratis", Jean-Marc Ayrault promet toujours que "demain on rayonnera international".
Une génération après l'île Beaulieu, l'île de Nantes
Si Les Échos signalent que la pointe ouest de l'île est devenue "un lieu de promenade apprécié", ils limitent leurs propres appréciations au strict minimum tout en reconnaissant que la partie immobilière du projet est critiquée pour son "urbanisme élitiste et bobo", que les traces du passé métallurgique ont été "sanctuarisées", que le projet de ponton d'Olivier Flahault "a suscité une vive opposition" et que "beaucoup reste à faire en matière de densification sur un tissu urbain considéré comme trop lâche".
Devant le quartier de la création, "concept assez large", la bienveillance des Échos avoue ses limites. "L'identité architecturale du lieu, d'inspiration industrielle, s'annonce très typée", écrivent-ils, "à l'instar de la nouvelle école d'architecture (...) évoquant un parking aérien". Quant au palais de justice de Jean Nouvel, sa vocation de trou noir semble accomplie : charitable, l'article n'en dit pas un mot.
Les courtisans ont beau faire mine de ne pas s'en apercevoir (ou peut-être ne s'en aperçoivent-ils vraiment pas, faute d'yeux dans le dos, toujours courbés qu'ils sont vers l'hôtel de Rosmadec), l'île de Nantes s'annonce comme le ratage urbain de notre génération. C'était bien la peine de se moquer de l'île Beaulieu...
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