Le Voyage à Nantes n’ose plus faire semblant : le
pylône électrique du collectif HeHe posé dans les douves du château n’est pas plus original que
la cabine téléphonique-aquarium. Il a déjà servi à l’automne dernier, sous
le même nom (Undercurrent) pour la Triennale de Bruges. D’ailleurs, Le Voyage à Nantes
remercie poliment la ville de Bruges.
Pour Bruges, « l’absurdité de l’image » (c’est le VAN qui le
dit) de cette ferraille posée dans l’eau à l’automne ne prêtait pas à
conséquence. Forte de ses 5 millions de touristes par an, la Venise flamande
n’a rien à craindre pour son image. Le VAN, qui prétendait donner une identité
touristique estivale à Nantes, n'a probablement pas ce luxe.
Pour exposer le pylône à la brugeoise, il fallait un site aquatique. Le choix du château semble guidé plus par le souci d’attirer du monde que par des considérations esthétiques. Bruges avait choisi le site d’Oud Sint-Jan, qui comporte un beau plan d’eau environné de bâtiments modestes. La construction y paraissait énorme. Sur
fond de façade du château, c’est autre chose. La masse du bâtiment ramène
l’engin aux proportions d’une maquette.
D’autant plus que le pylône n’est pas tout à fait raccord
(ou peut-être, la douve n’est pas tout à fait assez profonde). Au lieu de se
perdre sous les eaux, l’un de ses pieds pointe comme un moignon à l’air libre. Il
faudra faire avec.
Cela résume assez bien le Voyage : en temps que nantais, il faut faire avec...
RépondreSupprimerReconnaissons à Jean-Marc Ayrault un (seul) mérite : il semblerait que notre ex-maire nous ait épargné l'Euro de foot. Des touristes anglais déshydratés, en famille, c'est plus charmant que des meutes d'abrutis vomissant dans les coins, brayant entre deux pintes.
Par ailleurs, les sections de ferraille, cours Cambronne, ne sont pas tout à fait raccord, non plus. Dommage. N'y aurait-il plus de bons soudeurs, dans le coin ?
Je me permets de renvoyer à l'oeuvre magistrale du sculpteur Richard Deacon, anglais lui aussi. Il réalise dans la même veine, avec le bois pour matériau, des merveilles de souplesse, et d'élégance. Et depuis pas mal de temps... (en tapant sur votre moteur de recherche honnis : "richard deacon laminated wood", par exemple...)
Mais pourquoi se payer l'original quand on peut avoir la version low cost ? Cela semble être devenu la devise de la Nantes.
Merci pour la référence à Richard Deacon.
RépondreSupprimerFaut-il attribuer l'absence d'Euro à la sagesse de Jean-Marc Ayrault ? Nantes a candidaté, mais il aurait fallu rénover La Beaujoire. Devis : 80 millions d'euros. Mme Clergeau avait quand même annoncé que ça se ferait avec l'aide de l'Etat (ah ! ah ! ah !). Résultat, ça ne s'est pas fait.
Nous avons quand même eu un match amical de préparation à l'Euro. Comme vous dites, "pourquoi se payer l'original quand on peut avoir la version low cost ?"
Formidable !!!! comme aurait dit Jack Lang.
RépondreSupprimerC'est de l'art donc on ne dit rien d'autre sous peine de passer pour le dernier des derniers et donc formidable et vive le faiseur budgétivore du Van.
L’œuvre qui interroge, qui questionne, qui offre une réflexion sur le degré de décadence d'une société prête à s'extasier devant un bout de ferraille peinte qui trempe dans l'eau, qui convoque les têtards de la mare, etc. etc. il faut laisser ça aux conceptuels.
RépondreSupprimerPour les terre-à-terre, bas du front et personnes ne goûtant pas ou prou les qualités esthétiques des œuvres dépositaires du bon goût absolu du VAN, voici une autre proposition pour l'indispensable notice explicative.
Celle-ci se doit d'accompagner pédagogiquement l’œuvre pour tenter d'inculquer quelques rudiments de culture artistiques aux mécréantes et mécréants, imperméables à toute forme d'art contemporain.
Le bidule est tombée dans la mare aux canards comme une déjection venue d'on ne sait où. Elle tente de se la jouer conceptuel et d'interroger le château.
Ce dernier ne veut pas converser car il a d'autres chats à fouetter, il en a vu d'autres depuis l’œuf et les sacs plastiques de Noël et il se demande ce que vient encore faire ce truc ici.
Et puis un pylône en plein centre-ville malgré les efforts de l'ancien maire pour bien tout nettoyer dans tous les coins, ça fait désordre.
Passe encore dans les banlieues périphériques, mais là en plein centre ! Au moins ce n'est pas végétal, c'est déjà ça.
La réflexion sur l'origine de l'électricité nucléaire et compagnie on s'en soucie comme de son premier esquimau glacé quand on s'égare par désœuvrement dans la ville pour cause de plage impraticable, si en plus faut réfléchir avec sa gaufre qui dégouline de Chantilly à la main.
Un pylône dans la mare aux canards c'est marrant et pis c'est tout.
Je crois que vous avez raison : c'est marrant et pis c'est tout.
RépondreSupprimerMais en même temps, vous avez tort : ça interroge sur l'énergivoracité de notre société, etc.
Simplement, le VAN s'adresse à deux publics différents :
* sur le terrain, au bon peuple mangeur de gaufres qui déserte les plages pour une journée
* sur son site web et dans ses communiqués, aux esthètes intellos qui ont besoin de se trouver des raisons d'encenser une installation qui sans elles ne serait qu'un gros morceau de ferraille posé dans un endroit incongru.
Le premier public permet au VAN d'afficher un bilan de visites à peu près honorable. Le second permet au patron du VAN d'obtenir places, distinctions et contrats extérieurs. Evidemment, cette démarche schizophrène est fragile. Les intellos ont une grande capacité à prendre les vessies pour des lanternes, mais leur jobardise a quand même ses limites. Si étendue soit leur amicale indulgence (ou connivence ?) pour Jean Blaise, ils finiront bien par s'apercevoir que la politique du VAN est aujourd'hui celle d'un office de tourisme à gros moyens mais à petite ambition.
La présence du pylone dans les douves du chateau démontre que nos élus et surtout Jean Blaise, principal "actionnaire" du VAN, pètent les plombs (sans faire de mauvais jeu de mots).
RépondreSupprimerVivant à proximité du chateau, je ne peux que constater cette horreur dont je vais probablement devoir justifier sa présence auprès des touristes.
Après le coup de la voiture noyée dans une mare du jardin des plantes, le coup du pylone dans les douves s'inscrit dans le développement durable de l'ingratitude auprès d'Anne de Bretagne.
Et dire que le saccage du château semble programmé aux dires des élus : la création d'une troisième entrée pour tenter de vendre le miroir d'eau si chèrement payé (et peut-être utile l'été pour les enfants ?).
Pauvre Anne de Bretagne !
Vous avez tout à fait raison, ces œuvres immergées répétées questionnent sur l'énergivoracité de notre société.
RépondreSupprimerLa maison immergée, puis la voiture et enfin le pylône, comme jalons de notre inconscience collective.
La maison, pour mieux souligner la dérive foncière qui mite le territoire en dévorant les terres agricoles qui a poussé M. Courcoul à s'installer sur l'eau, la voiture pour dénoncer la société du tout bagnole avec ses périphériques concentriques à l'infini, les zones commerciales périphériques attenantes hors d'atteinte du piéton et enfin le pylône pour la débauche énergétique.
Cette force d'évocation puissante et constante va nécessairement conduire tout un chacun à s'interroger sur son comportement et à agir.
Il va falloir ouvrir une nouvelle ligne dans le bilan du VAN, celle des retombées sur le développement durable afin de comptabiliser toutes ces actions responsables. Et ça se chiffrera nécessairement en millions, seule unité de mesure admise de la manifestation estivale.
Non, mais dans l'eau : 《Quel torrent révolutionnaire que la Loire !》
RépondreSupprimer«C'était les deux emblèmes de la manifestation [la maison Corcoult et le canard géant ndlr]. Quand ils ont coulé, les gens ont eu l'impression que la manifestation coulait», a expliqué Jean Blaise lors d'une conférence de presse. 20 minutes Nantes 14/09/14
Si ma mémoire est bonne, des plates végétalisées ou peut-être des yoles arborées ou bien encore des chattes fleuries n'avaient-elles pas sombrées dans le canal St-Felix ?
Triste et inquiétant projet remarqué par @Cyrille44 . En langage profane : le percement d'une percée des douves du Château. Cela semble être du lourd, ça va faire mal !
Triste nantais que nous sommes...
Concernant cet ersatz de pylône électrique dans l'eau conductrice. Avons-nous réellement mesuré la portée du message de mort énoncée, annoncée par et dans cette oeuvre ?
Le collectif HeHe a provoqué les questions qu'il souhaite soulever en interrogeant les infrastructures énergétiques dans un environnement classé. En cachant les réseaux l'éclairage du Château par exemple fonctionne en apparence comme déconnecté de la production électrique.
RépondreSupprimerLe pylône illustre cette réalité. La maison immergée de Courcoult ou le bateau de Fabrice Hybert posaient des questions différentes. La maison immergée n'était qu'une mise en scène copiée censée faire image. Et ça a fonctionné comme image, il suffit pour s'en convaincre de regarder les nombreuses publications et le nombre de photos réalisées. Quant à Fabrice Hybert, son projet qui mettait en évidence, pour faire court, le faible usage que les propriétaires de bateau font de leur embarcation, il a subi sa destruction au motif que cela dégradait l'environnement des propriétaires riverains. L'art interroge son époque, il en surligne les traits les plus caractéristiques. Les contemporains des artistes ont généralement refusé ce qui n'entrait pas dans les catégories labellisées par l'histoire.
Leblanchet, je vous trouve timoré dans l’analyse des intentions du collectif HeHe (qui bizarrement n’auraient pas été les mêmes à Nantes qu’à Bruges alors que leur installation est la même ; j’attends de voir comment on l’interprétera pour sa troisième sortie à Trifouilly-les-Oies). Pourquoi a-t-il peint son pylône en blanc et rouge, et non en gris comme la plupart des pylônes qui se respectent, en vert comme la ligne du VAN, en jaune et vert comme les Canaris ou en arc-en-ciel en hommage aux victimes d’Orlando ? Pour interroger les infrastructures historiques de la ville. Plus fort que les courants électriques : les courants intellectuels qui ont fait sa culture et qu’elle refoule en elle aujourd'hui. Le blanc représente le monarchisme, le rouge le communisme. Comme les poutrelles d’un pylône ils n’occupaient pas tout l’espace mais le structuraient, la matière politique dure donnant sa forme au vide intellectuel (n’est-il pas significatif que les artistes avant-gardistes d’aujourd’hui aient une telle prédilection pour les grandes structures pleines de vide – pylônes, tubulures, conteneurs… ?). Le moignon de métal qui émerge de l’eau n’est pas une imperfection de l’installation comme j’ai osé le suggérer, ô béotien que je suis : il représente l’extinction prématurée de la Navale, principal foyer du communisme nantais. Et si les autres « pieds » du pylône plongent dans l’eau, une eau pauvrette lointain écho du "torrent révolutionnaire qu'est la Loire", comme le rappelait l'anonyme qui vous a précédé, c’est bien sûr en allusion aux noyades de Nantes – contraste entre le manque de tirant d’eau qui a fait disparaître le rouge et la présence d’un tyran d’eau (Carri-HeHe) qui a fait disparaître le blanc. Etc. (Quand je pense qu’il y a des gens qui sont payés pour écrire ce genre de trucs dans des dossiers de presse.)
RépondreSupprimerLe collectif HeHe a voulu révéler une infrastructure indispensable au fonctionnement de château et de notre société mais cachée sous terre ? Pourquoi alors le Voyage à Nantes a-t-il refusé mon projet d’installation tendant à révéler une autre infrastructures encore plus cachée mais pas moins indispensable : les égouts. J’avais la vision de douves pleines à ras bord d’une merde que nous produisons par dizaines de tonnes chaque jour et que nous refusons de voir : l’art ne doit-il pas interpeller ? Mieux, à la manière de Ponti ou du mur du siècle du Lieu Unique, j’en aurais fait une œuvre collaborative, invitant tous les Nantais à y participer, chacun apportant son propre PQ, l’un rose, l’autre blanc, un troisième fleuri… afin d’illustrer la diversité de notre société. (Soyons sérieux : bien entendu, je n’ai pas proposé cette installation. Je la mentionne juste à titre prophylactique, pour nous donner les meilleures chances d’y échapper dans l’avenir, car désormais je vois mal le VAN exposer ce genre de chose en indiquant : « sur une idée de Sven Jelure ».)
"Quand je pense qu’il y a des gens qui sont payés pour écrire ce genre de trucs dans des dossiers de presse"
RépondreSupprimerIl y en a qui le font gratuitement, tel Leblanchet...
@ Sven, à l'approche des aéroports les pylônes sont peints en rouge et blanc... par exemple. Aéroport, Nantes ceci vous évoquera probablement un enjeu local qui concerne trés peu Bruges, ou bien...
RépondreSupprimer"Le projet de NDDL tombe à l'eau", tel serait le message de cette installation ? Johanna Rolland appréciera !
RépondreSupprimerplus de pylône aux abords de Château Bougon désaffecté... Johanna Rolland appréciera !
RépondreSupprimerLes teintes de la version de Bruges ont été intégralement conservées après que "l'oeuvre" eu été soldée après une première utilisation. Après tout, c'est la période adéquate pour les rabais commerciaux sur les produits de consommation.
RépondreSupprimerMais la version low-cost a été dépouillée des isolateurs en verre de l'originale. Il a fallu rogner pour baisser les coûts, comme en transport aérien.
Par contre, le mobile de Calder totalement original et novateur, a lui été livré complet avec son chantier attenant. Heureuse métaphore qui remémora des bribes de souvenirs estivaux aux anciens Nantais. Peut-être également un souvenir impérissable aux dizaines, centaines, milliers, millions de touristes qui ne manqueront pas de venir se repaitre d'art original.
Ce pylône à la renverse, une allégorie de la fermeture programmée de la centrale de Cordemais ?
RépondreSupprimerhttp://m.presseocean.fr/actualite/energie-la-centrale-edf-de-cordemais-pourrait-fermer-en-2023-07-07-2016-197731
Je me suis permis d'évoquer l'oeuvre magistrale du sculpteur Richard Deacon, qui avait "inspiré" celle présentée cours Cambronne, par un Voyage pas tout à fait à la pointe de l'hypermodernité (30 ans de "retard" environ).
RépondreSupprimerC'est au tour de Julien Salaud et de ses tripes poissonnières, aujourd'hui (qu'on peut voir à la piscine Léo-Lagrange). Il y a presque 50 ans, un demi-siècle, Paul Thek, artiste américain, véritablement inclassable lui, réalisait son "Fishman". Le plagiat est moins évident : on a souvent des idées, des productions similaires, mais quand même... Coïncidence : un long article sur Paul Thek vient de paraître, en février 2016, dans lequel "Fishman" est évoqué (Les Cahiers du Musée national d'art moderne, numéro 134).
Un lien pour juger sur "pièce" (je n'ai pas trouvé mieux sur le net, désolé).
http://www.carnegiemuseums.org/cmp/cmag/feature.php?id=243
Etonnante découverte ! Et intéressant article, au passage. Merci pour votre sagacité.
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RépondreSupprimerAucun mérite : je suis tombé, par hasard, sur ce livre au fond d'une de mes caisses !
http://www.fundaciotapies.org/site/spip.php?page=view.ft_publication&id=29&lang=en