16 juillet 2016

Miséry : un Malakoff bis pour l’Arbre aux Hérons

« Miséry sera l'élément phare de la nouvelle centralité métropolitaine » et doit « apporter une visibilité mondiale pour Nantes », déclarait Johanna Rolland dans Presse Océan du 12 juillet. L’avantage d’être dircom à Nantes Métropole, c’est qu’on peut se recopier à intervalle raisonnable. Douze ans plus tôt, Jean-Marc Ayrault assurait que l’île de Nantes allait « doter Nantes d’un centre urbain à dimension internationale ».

Une nouvelle fois, Johanna Rolland tue le père : si Nantes a aujourd’hui besoin d'une « nouvelle centralité » à « visibilité mondiale », c’est que son prédécesseur n’a pas réussi hier à lui donner ce « centre urbain à dimension internationale ». Et elle compte apparemment faire mieux en refaisant la même erreur que lui, avec les mêmes protagonistes : remplacez l’éléphant par un arbre géant, et ce coup-ci ça va marcher.

Il est vrai que Miséry a tout pour plaire. Voilà un quartier en bord de Loire et proche du centre, occupé seulement par de petites entreprises et un habitat dégradé. Là encore, ce portrait rappelle quelque chose : c’est exactement le Malakoff d’autrefois. Le plan serait-il de faire du Miséry de demain le Malakoff d'aujourd'hui ? Miséry-Malakoff, les deux feraient ainsi la paire de part et d’autre du centre-ville, comme les deux pendants d’oreille de Nantes. 


Étrangement, « l’élément phare » (j’ai failli écrire « l’éléphant marre », sûrement influencé par le parallélisme Miséry/île de Nantes) de la « nouvelle centralité métropolitaine » était jusqu’ici une terra incognita, bien que la ville de Nantes l’eût acquis en 2004 (l’année même où Jean-Marc Ayrault annonçait la création de son « centre urbain à dimension internationale », tiens). Voici quelques jours encore, on n’en trouvait qu’une seule et unique mention sur le site web de Nantes Métropole. Elle datait d’avril 2010. Et encore, c’était juste en passant, à propos du square Marcel Schwob.

Ce site oublié depuis douze ans se trouve soudain paré de toutes les qualités. Mais Nantes Métropole, comme souvent, étale les compliments à la louche. Sous sa plume, Miséry devient « un amphithéâtre naturel unique ». Eh ! non, cet amphithéâtre n’a rien de naturel, ni d'unique d'ailleurs : il a été creusé par des générations de Nantais, Miséry a été une carrière pendant plus de trois siècles. Elle est « protégée des vents d’Ouest », ajoute le service de com’. Ce n’est pas faux. Mais il convient d'ajouter qu'elle est ouverte aux vents de Sud-ouest, pas moins fréquents et encore plus violents que les vents d’Ouest. Il va falloir retravailler le dossier.


9 commentaires:

  1. Ce type de discours d'intention amène à plusieurs réflexions que je livre en vrac :
    - nos élites technocratiques vivent décidément dans le phantasme (folie des grandeurs ?) de la "ville monde" : et faute d'être Singapour on essaiera d'être quelque chose au moins équivalent à Amsterdam, Barcelone, Hambourg... Rien de tout cela ne correspond à Nantes, bien sûr et tout ce charabia fait fâcheusement penser à la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf.
    - plus inquiétant, ce phantasme de la métropole "hors sol" qui veut ignorer tout ce qui l'entoure : de la géographie (Nantes n'est pas toute la Loire Atlantique...) à l'histoire (La Bretagne...) au profit d'un bricolage post moderne qui s'abstrait complètement de son territoire.
    - Au fond à qui s'adresse notre mairesse avec ce discours ? aux habitants actuels à qui l'on vend le story telling de la ville branchée ? Aux futurs habitants qui devront être conformes à cette vision (à bas les ploucs et vive les hipsters !)? Aux touristes tant espérés qui tardent un peu à venir ?
    La réalité de Nantes est pourtant très différente comme l'actualité de ces dernières semaines nous l'a amplement démontré. Et le problème du réel, c'est que quand on veut l'ignorer, il se venge.

    RépondreSupprimer
  2. Ce jour, une dizaine de bâtisses Le Corbusier en France ajoutées à la liste du patrimoine de l'UNESCO. Pas de chance, celle de Rezé n'apparaît pas. Ne serait-ce q'une réduction sans intérêt, un doublon avec la Cité Radieuse marseillaise ? Décidément à Nantes et dans le département, nous sommes vraiment les Poulidor de la culture...

    Et Madame Johanna Rolland qui veut irradier le monde avec Misery... Aurait-elle d'ores et déjà été exposée à un taux anormalement élevé de Radon dans la carrière ?

    RépondreSupprimer
  3. Dans la continuité du futur éden prometteur et flatteur en terme d'ego boursoufflé http://www.lalettrealulu.com/Classe-affaires-La-ville-en-promo-pour-bobos_a1904.html
    il n'est peut-être pas inutile de découvrir ou re découvrir l'histoire du Chantenay laborieux, sans fard et sans émerveillement dans le regard des enfants :
    http://www.archives.nantes.fr/PAGES/HISTOIRE_QUARTIERS/PDF/a_lire/annales_nantes/206.pdf
    http://www.archives.nantes.fr/PAGES/HISTOIRE_QUARTIERS/PDF/a_lire/annales_nantes/238.pdf

    RépondreSupprimer
  4. Delarozière se comparant à Gaudi ! Heureusement, une fois de plus, que le ridicule ne tue pas...


    Les Inrocks - L'Arbre aux hérons, remède contre la "morosité" à Nantes
    http://mobile.lesinrocks.com/2016/07/31/arts/larbre-aux-herons-remede-contre-morosite-a-nantes-11856448/

    RépondreSupprimer
  5. Le héron a du plomb dans l'aile?

    Bienvenue à la cigogne :
    "Sur une idée du Voyage à Nantes, Nantes Métropole a confié à l’artiste Tadashi Kawamata, déjà auteur de l’Observatoire de Lavau-sur-Loire, la conception artistique d’un nouveau belvédère dans le quartier Bas-Chantenay."

    "Le bureau métropolitain du 19 mai 2017 vient d’approuver le programme de l’opération pour un montant de 868 000 € HT."

    "Nouvelle illustration de la volonté nantaise de mettre l’art sur l’espace public,... Il répond également à l’un des « 30 engagements pour demain » pris suite au grand débat « Nantes, la Loire et nous » : faciliter l’accès à la Loire et la création de points de vue."

    http://www.nantes.fr/home/actualites/ville-de-nantes/culture/2017/belvedere-kawamata.html

    Plus de 800 000 HT pour la vue d'une dizaine de personnes maxi sur l'Ile de Nantes? On ne voit pas aussi bien du bord du quai de la Fosse? Pour voir quoi d'ailleurs, le parc des Machines?

    RépondreSupprimer
  6. En effet, si pour 40 fois moins cher on peut réaliser un équipement aussi touristique que l'Arbre, pourquoi se priver ? Je vais peut-être vous surprendre, mais l'idée de faire quelque chose dans le Bas-Chantenay ne me paraît pas absurde. On a là un quartier dont l'intérêt industriel est désormais proche de zéro, pas très loin du centre ville et en bord de Loire : un gisement immobilier formidable, mais qui a besoin de redorer son blason. Un belvédère mettant la Loire en valeur et situé au milieu du quartier y contribuerait mieux qu'un Arbre métallique érigé dans un trou à l'extrémité du quartier.

    RépondreSupprimer
  7. Certes,

    C'est le cas de beaucoup de quartiers en mutation (futurs terrains de spéculation immobilière dont il faut redorer le blason avant commercialisation en mixité sociale à 4000 euros/m²).

    Mais la dimension réduite de l'équipement au regard de son coût astronomique le situe bien dans la logique "artistique" nantaise.

    A la louche on évaluerait de prime abord le côut au 1/4 de celui annoncé. C'est minuscule et basique en terme de matériaux.


    RépondreSupprimer
  8. Et puis qu'elles ont été les modalités d'attribution?
    Quels ont été les autres projets en concurrence?
    Je n'ai pas souvenir d'un appel d'offres pour cet équipement.

    Encore l'exception culturelle nantaise?

    RépondreSupprimer
  9. C'est le miracle de l'adjectif "artistique" : le code des marchés publics ne s'applique pas !

    RépondreSupprimer