Quand le musée des beaux-arts de Nantes devient musée d’arts
de Nantes, le beau n’est pas seul menacé : la langue française est aussi
malmenée.
« Musée d’arts »… D’où sort cette
apostrophe incongrue ? En français, une apostrophe marque une élision
(elle peut avoir d’autres usages dans d’autres langues, comme en breton).
L’élision consiste à effacer la voyelle finale d’un mot qui précède un autre
mot commençant par une voyelle ou un « h » muet.
Quelle élision avons-nous ici ? « Arts »
commence bien par une voyelle. Mais le mot qui précède, « des », ne
se termine pas par une voyelle. On aurait pu se contenter de supprimer
l’adjectif « beaux » pour transformer le musée des beaux-arts en
« musée des arts ». On aurait pu le transformer en « musée
d’art », où « d’ » aurait été la contraction de « de
le ». Mais « musée d’arts », c’est foireux.
À qui la faute ? « Dimanche, le musée des
Beaux-arts a fermé ses portes pour deux ans de travaux d’agrandissement », écrivait
Jean-Marc Ayrault sur son blog le 26 septembre 2011. « Une fermeture
avec la promesse d’un grand musée d’art à Nantes ouvert à tous les publics en
2013 ! » On note le singulier. De bons esprits l’auraient-ils
trouvé réducteur, le corrigeant subrepticement d’un « s » muet ?
Ce n’est pas si simple, pourtant. Plusieurs mois auparavant,
le « musée d’Arts » au pluriel avait fait une première
apparition dans le procès-verbal du conseil municipal du 1er avril 2011*. Une faute de frappe ? On
imagine pourtant que le P.V. avait été soigneusement relu par le député-maire
d’alors : Jean-Marc Ayrault lui-même. En septembre 2012, inversement le
guide municipal Tout
savoir pour se déplacer dans le centre-ville indiquait : « Le
musée des Beaux-Arts devient le musée d’Art ». Le « s »
était reparti.
Allait-on retenir le pluriel, comme au Musée des arts et
métiers ou au Musée des arts décoratifs ? Ou bien le singulier, comme au
Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg ou au Musée d'art moderne
André Malraux du Havre ? On peut supposer que Jean-Marc Ayrault, guidé par
l’indécision, a tiré au milieu, choisissant pile-poil la formule fautive…
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* C'était aussi, semble-t-il, la première mention d'un largage de l'adjectif "beaux". L'intervention relatée par le P.V. était celle de Pascal Bolo. Si l'on enlève le "Bo", que reste-t-il vraiment ?
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* C'était aussi, semble-t-il, la première mention d'un largage de l'adjectif "beaux". L'intervention relatée par le P.V. était celle de Pascal Bolo. Si l'on enlève le "Bo", que reste-t-il vraiment ?
En effet.
RépondreSupprimerIl faudrait ajouter que "d'" peut être l'élision de "de+des" devant voyelle ou h muet (exemple : l'article fait mention d'hommes ignorants de la langue française à la municipalité).
Elision fautive dans le cas qui nous concerne puisque "arts" au pluriel est ici nécessairement un nom défini, il s'agit des arts dont la finalité est de caractère esthétique.
J'ai écarté d'emblée l'hypothèse de l'article indéfini, mais j'ai peut-être eu tort. Il faut peut-être comprendre "musée d'arts" au sens de contenant d'une quantité non spécifiée de biens fongibles, comme dans cageot d'oranges, tas d'ordures, carnet d'adresses, etc.
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